Pourquoi la Russie critique la nouvelle stratégie spatiale militaire de la France

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La nouvelle stratégie spatiale militaire présentée par la France a suscité de sérieuses questions au ministère russe des Affaires étrangères. Ce dernier a souligné que la France était le deuxième pays, après les États-Unis, à reconnaître la possibilité d'actions militaires dans l'espace.

Fin juillet, la ministre française des Armées Florence Parly avait évoqué des plans d'utilisation des «lasers de puissance» dans l'espace interstellaire. Les experts de RT notent qu'en cherchant à militariser l'espace, Paris suit en grande partie la ligne de Washington. De plus, selon les politologues, une telle stratégie correspond aux «ambitions de grande puissance» d'Emmanuel Macron et à sa volonté d'afficher des «résultats palpables de sa présidence».

Réaction de Moscou

Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que la nouvelle stratégie spatiale militaire française soulevait de «sérieuses questions» à Moscou. C'est notamment ce que souligne le commentaire officiel publié sur le site du ministère russe des Affaires étrangères.

«Même la première lecture de la stratégie suscite de sérieuses questions vis-à-vis de certains termes, questions que les autorités russes ont l'intention de transmettre aux partenaires français. Préalablement nous jugeons utile de noter ceci. La France est devenue le deuxième pays (après les États-Unis) à reconnaître officiellement la possibilité d'un conflit armé dans l'espace extra-atmosphérique. Sachant qu'en réponse aux actions "inamicales" ou "hostiles" à l'encontre des objets spatiaux français ne sont pas exclues des contre-mesures, notamment de force», indique le communiqué du ministère russe.

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Ce dernier relève également que, sur cette toile de fond, le changement brusque des approches françaises vis-à-vis des propositions russes visant à prévenir la course aux armements dans l'espace devenait «très révélateur». En particulier, l'an dernier, Paris avait refusé de soutenir la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies appelant au dialogue sur le non-déploiement d'armes dans l'espace. La France a également refusé de se joindre à l'initiative internationale de la Russie sur le non-déploiement en premier d'armes dans l'espace.

Par ailleurs, comme l'indique le ministère russe des Affaires étrangères, les représentants français ont rejeté le projet russo-chinois d'accord interdisant le déploiement d'armes dans l'espace pendant la Conférence internationale sur le désarmement à Genève.

La partie russe souligne également que par le passé, il existait une coopération et une entente mutuelle à ce sujet entre Moscou et Paris.

Des ambitions de grande puissance

La nouvelle stratégie spatiale militaire de la France a été présentée par Florence Parly le 25 juillet au siège du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes à la base aérienne de Lyon-Mont Verdun. La ministre a noté que conformément aux promesses du président Emmanuel Macron, un commandement spatial installé à Toulouse ferait son apparition à partir du 1er septembre dans la structure de l'armée de l'air. Les effectifs de la nouvelle structure compteront 220 spécialistes.

De plus, la ministre a annoncé que la Ve République élargirait le financement des programmes spatiaux militaires dans le cadre de la planification budgétaire pour 2019-2025: hormis les 3,6 milliards d'euros initialement prévus, les autorités françaises ont décidé d'allouer 700 millions d'euros supplémentaires à ce secteur.

Florence Parly a évoqué l'intention de moderniser les moyens de défense antispatiale à l'aide d'un nouveau programme d'armement appelé «Domination de l'espace», qui inclut aussi bien la surveillance que la défense active.

Par ailleurs, d'après la ministre, Paris n'exclut pas l'usage d'armes dans l'espace.

«Si nos satellites sont menacés, nous envisagerons d'éblouir ceux de nos adversaires. Nous nous réservons le moment et les moyens de la riposte: cela pourra impliquer l'emploi de lasers de puissance déployés depuis nos satellites ou nos nanosatellites de patrouille», a-t-elle annoncé.

Les médais avaient déjà révélé l'élaboration d'un laser antisatellite par la France.

Comme l’indiquent les experts, la nouvelle stratégie spatiale française n’est rien d’autre que la manifestation des «ambitions de grande puissance» de Paris.

«Macron déclarait depuis le départ qu'il voulait faire de son pays l’État le plus puissant et le plus influent d'Europe. Et cette initiative est précisément appelée à contribuer à ce que la France soit reconnue comme une grande puissance», a déclaré à RT Igor Ignattchenko, responsable de la chaire d'histoire générale à l'Académie russe de l'économie nationale et d'administration publique auprès du Président russe.

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L'expert n'exclut pas que le changement de position de Paris concernant la militarisation de l'espace s'explique par des raisons économiques et l'aspiration d'Emmanuel Macron à afficher des «résultats palpables de sa présidence».

«L'un des principaux messages de Macron, quand il faisait campagne pour la présidence, était le renouvellement de l'économie française. Et le programme spatial militaire, impliquant de nouveaux contrats et possibilités, pourrait précisément y contribuer. Le mandat du dirigeant français est déjà presque à moitié écoulé, et il a besoin de procéder à des réformes d'envergure dans de brefs délais», souligne l'expert.

Dans le sillage de Donald Trump

La nouvelle stratégie spatiale militaire de la France suppose une étroite coopération avec des pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Inde, le Japon, l'Allemagne et l'Italie, mais pas la Russie et la Chine.

«La France, qui revendique le rôle de première puissance militaire en Europe, suit le sillage de la politique américaine. Au lieu de fermer leurs programmes militaires pour passer à la coopération pacifique et conquérir l'espace avec la Russie, les Français suivent la voie la moins coûteuse et la plus extrême», a indiqué à RT l'expert militaire Iouri Knoutov.

L'an dernier déjà, Donald Trump avait annoncé la création de forces spatiales américaines. En janvier 2019, dans la nouvelle mouture de la Revue de la défense antimissile, le Pentagone a admis le déploiement d'éléments d'attaque de son ABM dans l'espace. Certaines démarches ont été également entreprises dans ce sens par le Japon, qui a fait part en décembre 2018 de son intention de créer une unité spatiale militaire au sein des Forces d'autodéfense. Les médias japonais ont récemment annoncé qu'une telle unité serait formée en 2020.

Le 18 juillet, la ministre britannique de la Défense Penny Mordaunt a annoncé l'adhésion du Royaume-Uni au programme spatial militaire américain Operation Olympic Defender visant à contenir les adversaires de Washington dans l'espace, tout en soulignant que le danger émanerait «de la Russie et de la Chine».

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a également parlé en juin de la mise au point, par les pays de l'Alliance, d'une stratégie commune pour l'utilisation de l'espace. Comme l'a indiqué plus tôt l'agence de presse Reuters, au sommet de l'Otan à Londres prévu en décembre l'Alliance pourrait officiellement proclamer l'espace «sphère d'activités militaires».

«Le commandement russe a parlé à plusieurs reprises de cette ligne dangereuse visant à militariser l'espace. Mais nous savons que les États-Unis mènent des expériences en ce sens, et que la France, s'appuyant sur l'UE, s'efforce de ne pas se faire distancer», a déclaré à RT Sergueï Fedorov, collaborateur de l'Institut de l'Europe affilié à l'Académie des sciences de Russie.

Des «mesures de confiance»

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Iouri Knoutov suppose qu'en réponse aux tentatives de militariser l'espace par les pays de l'Otan «la Russie devra créer des armements de riposte asymétriques - pas aussi coûteux mais très efficaces».

Pour l'instant, Moscou ne manifeste qu'une activité diplomatique en la matière. Le traité de l'espace de 1967 interdit à ses acteurs de déployer l'arme nucléaire dans l'espace, ainsi que d'utiliser la Lune et d'autres objets cosmiques à des fins militaires. Actuellement, la Russie prône le durcissement du droit international afin de prévenir la course aux armements dans l'espace.

En 2016 déjà, Mikhaïl Oulianov, directeur du département pour la non-prolifération et le contrôle des armes du ministère russe des Affaires étrangères, avait appelé les pays de l'Onu à se pencher sans plus attendre sur un accord juridiquement contraignant pour le non-déploiement d'armes dans l'espace.

En 2017, la Russie et la Chine avaient soumis à l'Assemblée générale des Nations unies un projet de loi sur le non-déploiement en premier d'armes dans l'espace.

«Notre initiative de résolution sur le non-déploiement en premier d'armes dans l'espace est sensée. Il faut faire appel à d'autres pays, aux médias, faire part de notre point de vue, expliquer le danger de tels programmes», estime Iouri Knoutov.

Sergueï Fedorov est également de cet avis. Selon lui, il faut dès à présent entreprendre des démarches de négociations «pour se rassurer mutuellement».

«D'après moi, il faut élaborer des mesures de confiance minimales entre les puissances spatiales. Si l'espace se militarisait, il serait bien plus difficile de sortir de cette impasse qu'aujourd'hui», conclut Sergueï Fedorov.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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