Curieusement, le camarade Kim rechignait à quitter l'armée pour le pouvoir, écrit le site d'information Gazeta.ru. «Je veux un régiment, puis une division, mais cela, pourquoi? Je ne comprends rien et je ne veux pas le faire», déplorait-il.
«Kim Il-sung s'est donc retrouvé au sommet du pouvoir en Corée du Nord très probablement par hasard, pratiquement contre sa volonté. Son sort aurait été complètement différent s'il s'était retrouvé à Pyongyang un peu plus tard ou dans une autre grande ville que Pyongyang», écrit Andreï Lankov dans son livre La Corée du Nord: hier et aujourd'hui.
Le futur dirigeant de la Corée du Nord était bien connu en URSS. Il avait combattu contre les Japonais dans les rangs de l'Armée rouge et avait reçu une médaille soviétique. Son fils, le futur dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, est né sur le territoire de l'URSS. Dans son enfance on l'appelait par son prénom russifié, Iouri.
Pendant une longue période, Kim Il-sung n'était pas une figure autonome: ses discours étaient écrits par des conseillers militaires soviétiques, et il suivait le sillage de la politique soviétique. On estime que Kim Il-sung était l'une des figures prônant la réunification. Cependant, il a échoué et c'est par miracle qu'il a réussi à sauver son pouvoir de l'effondrement total après la guerre de Corée.
Mais la trêve lui a permis de renforcer sa propre autorité dans le Nord du pays, où il a commencé à éliminer ses opposants et adversaires politiques. Il a également commencé à se débarrasser progressivement de l'influence aussi bien soviétique que chinoise, tout en acceptant l'aide de l'URSS et de la Chine - ce qui a permis à Pyongyang de reconstruire le pays en ruine.
Après la mort de Joseph Staline et l'arrivée au pouvoir en URSS de Nikita Khrouchtchev, qui a lancé la politique de déstalinisation, les relations entre la Corée du Nord et l'URSS n'ont pas subi de changements notables. En même temps, indique Andreï Lankov, à la fin des années 1950 déjà l'économie nord-coréenne s'orientait davantage sur la Chine voisine.
Quant à l'idéologie du juche - compter sur soi-même - ses idées trouvent également leur origine en Chine.
Cependant, après le conflit frontalier entre l'URSS et la Chine à Damanski en 1962, la Corée du Nord a commencé à critiquer plus activement l'Union soviétique, et Kim Il-sung à se rapprocher plus activement de Mao Zedong. Toutefois, après la suspension de l'aide russe au profit de Pyongyang, son gouvernement a redressé cette ligne en s'efforçant de maintenir un équilibre entre les deux puissances belligérantes.
«Que cela ait fait partie d'une grande guerre est mentionné, mais en même temps on met en avant au maximum le rôle du pays, qui était en réalité microscopique», relevait Andreï Lankov pour le site Gazetu.ru.
Le culte de la personnalité de Kim Il-sung devenait parfois grotesque: «Accueillons le premier printemps de la Corée libérée par une plus grande production et ne laissons pas un centimètre de terre non cultivée: tel est le slogan de guerre du guide», stipulait l'un des nombreux livres de propagande publiés à l'époque de Kim Il-sung. La glorification du «Grand guide» ahurissait même l'URSS, où d'éternelles louanges étaient publiées dans le magazine Corée édité en russe.
Le style et la manière du père ont été repris par son fils Kim Jong-un: dans les années 1960, le jeune Kim Jong-il avait entamé sa carrière au sein du Parti du travail de Corée, dirigé d'une main de fer par son père. Sur les portraits officiels, ils étaient représentés côte à côte.
Le jeune Kim a repris en grande partie les manières de son père: la même coiffure et une veste semi-militaire. La mode de se déplacer dans un train blindé pour les dirigeants nord-coréens provient également de Kim Il-sung. Selon l'une des versions, le wagon blindé spécial d'origine soviétique lui aurait été personnellement offert par Joseph Staline.
Après la perestroïka en URSS, les relations entre Kim Il-sung et les dirigeants soviétiques sont devenus assez tendues. Même si, pendant la rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l'URSS de l'époque Edouard Chevardnadze, Kim Il-sung avait qualifié Mikhaïl Gorbatchev d'«ami proche», ce n'était qu'un signe de politesse. La Corée du Nord, où l’État contrôlait même la vie privée des citoyens, n'appréciait pas la politique soviétique de «glasnost» (transparence).
Le conseiller de Mikhaïl Chevardnadze, Teïmouraz Stepanov, avait trouvé oppressant son voyage en Corée du Nord: «Des boîtes des plusieurs étages peintes dans des couleurs agréables. Mais en passant devant dans la rue et en regardant les fenêtres, on est involontairement intimidé par leur absence de vie flagrante. Et le monde changeait sous nos yeux», écrivait-il. Tout en reconnaissant le talent de Kim Il-sung: «Il est indéniablement intelligent et rusé, et il a un objectif.»
Mais Kim Il-sung n'a pas atteint l'objectif principal de l'unification de la Corée sous ses conditions de son vivant. Après sa mort il a été placé dans un mausolée, dont la visite est un rituel obligatoire pour les visiteurs du pays. En juillet 1997, en hommage au guide défunt, la Corée du Nord a proclamé une nouvelle chronologie, et Kim Il-sung a été proclamé «Président éternel de la Corée du Nord».
Aujourd'hui, la Corée du Nord ne fait plus autant penser au pays du Juche, même si Kim Jong-un porte une veste semi-militaire et se déplace dans un train blindé. Des réformes de marché ont commencé dans le pays; un dialogue a été noué avec la Corée du Sud et même les États-Unis, dont le président qualifie même le dirigeant nord-coréen «d'ami».
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