Deux juges d'instruction parisiens ont décidé lundi la tenue d'un procès criminel devant un jury populaire pour ce brigadier-chef de 50 ans.
L'avocat du policier a annoncé mardi son intention de faire appel de cette décision pour contester la qualification criminelle retenue par les juges, celles de «violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique.»
À l'époque, le projet de loi du gouvernement Valls était combattu depuis six mois au cours de régulières manifestations, émaillées de violences, pour dénoncer une réforme «ultralibérale».
Après une manifestation, alors que les forces de l'ordre dispersaient les gens après de violents heurts, le brigadier-chef est accusé d'avoir lancé à ce moment-là une grenade de désencerclement (GMD) «hors de tout cadre légal et réglementaire», concluent les juges.
Le policier se voit aussi reprocher d'avoir «agi de sa propre initiative, sans recevoir d'ordre», contrairement à la doctrine d'emploi des GMD.
Enfin, il n'était pas habilité à se servir de cette arme puissante - 18 galets en caoutchouc de 10 grammes environs, projetés à 125 m/s - qu'il aurait, selon l'hypothèse privilégiée par l'enquête, lancée en cloche et non au ras-du-sol comme exigé.
«Cette décision le marque beaucoup ; s'il a fait une erreur, il n'a pas l'impression néanmoins d'avoir commis un crime», a réagi son avocat Me Laurent-Franck Liénard. «Il est persuadé d'avoir lancé une grenade pour se protéger, lui et ses collègues. Elle a atteint la victime par accident.»
Les juges n'ont donc pas suivi le réquisitoire du parquet de Paris, qui demandait un renvoi devant le tribunal correctionnel, en contestant l'existence d'une infirmité permanente «en l'état des certificats médicaux au dossier» et en invoquant «l'intérêt d'une bonne administration de la justice».
«Le parquet a tenté de gommer cette infirmité pour éviter les assises, sans l'accord de la partie civile, probablement vu le contexte de contestations de ce matériel dangereux», s'est étonné Me Julien Pignon, l'avocat de Laurent Théron.
Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre, 2.448 manifestants ont été blessés, selon un décompte de l'Intérieur mi-mai qui dénombre aussi 1.797 blessés côté forces de l'ordre.
«Alors que les policiers doivent faire face à des agressions de plus en plus violentes (...), comment ces juges peuvent-ils prendre une telle décision?», a dénoncé Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité SGP police.
Concernant la contestation de 2016, une information judiciaire est toujours en cours à Paris: le 26 mai, Romain Dussaux avait été grièvement blessé à la tête et un autre manifestant blessé à la jambe, probablement par un tir de GMD.