Ce dernier a averti que chacun des porte-avions représentait «cent mille tonnes de diplomatie internationale». Des milliers de fantassins de marine, l'aviation et d'autres navires américains se trouvent également en mer, écrit le quotidien Vzgliad. Comment la Russie peut-elle réagir à une telle rhétorique?
«Les liens diplomatiques et le dialogue, couplés aux puissants systèmes défensifs de ces navires, montrent à la Russie que si elle aspire effectivement à améliorer les relations avec les États-Unis, elle doit cesser son activité déstabilisante à travers le monde», a déclaré Jon Huntsman.
L'ambassadeur a souligné que chacun des porte-avions représentait «cent mille tonnes de diplomatie internationale». Selon lui, en des temps de forte concurrence, un seul groupe naval garantit une «immense souplesse opérationnelle et manœuvrabilité», et deux permettent une «dissuasion sans précédent contre une agression unilatérale».
C'est également l'avis de l'amiral James Gordon Foggo III, commandant de la marine américaine en Europe, qui estime que la Russie «agit de manière agressive en Syrie et en Libye», d'où «l'importance de donner aux dirigeants civils la possibilité de mener les négociations à partir d'une position de force». «Notre déploiement et notre présence militaire doivent dissuader et protéger. C'est de la prévention, pas une provocation au conflit», a affirmé l'amiral Foggo.
Les opérations conjointes des deux groupes aéronavals de la flotte américaine ont commencé hier en Méditerranée. A ces opérations participent plus de 130 avions, 10 navires — dont deux porte-avions — ainsi que 9.000 marins et fantassins de marine. La dernière action conjointe et simultanée de deux groupes aéronavals américains en Méditerranée remonte à 2016.
La Russie a interprété la déclaration du haut diplomate américain comme une «menace», un «jeu de muscles» et «une volonté de redessiner la carte politique du monde».
«C'est caractéristique de la diplomatie américaine de ces dernières années de se transformer en jeu de muscles, en démonstration des exploits technologiques et en matière de stratégies offensives. Autrement dit, la diplomatie américaine se traduit par des menaces, une pression et un remaniement de la carte politique du monde. Toutes ces déclarations sont inhérentes au style même de la politique étrangère des États-Unis», a déclaré au site d'information Vzgliad Oleg Morozov, membre de la commission des affaires internationales du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), avant d'ajouter que les armements modernes faisaient surtout d'un porte-avions «une grosse cible».
Ces dernières années, la Russie a parlé à plusieurs reprises de l'activité sans précédent de l'Otan à proximité de ses frontières Ouest. Le Kremlin expliquait alors que Moscou ne représentait une menace pour personne, mais qu'il n'ignorerait pas les actions potentiellement dangereuses pour ses intérêts.
De son côté, l'ex-commandant de la flotte russe de la mer Noire, l'amiral Igor Kassatonov, a qualifié le groupe aéronaval américain présent en Méditerranée de «puissant» et «très fort». «C'est un groupe puissant. Cela ne fait aucun doute. Pas la peine de dire le contraire. Mais entre la Russie et les États-Unis il existe tout de même des accords internationaux qui empêchent de déclencher un conflit aussi simplement», a déclaré l'amiral à Vzgliad.
Mikhaïl Nenachev, capitaine de vaisseau de réserve et président du Mouvement pour le soutien de la flotte, a expliqué que pour combatte les porte-avions la Russie utilisait avant tout des sous-marins nucléaires. C'est pour la surveillance des porte-avions que le commandant du sous-marin Koursk, Guennadi Liatchine, avait reçu le titre de Héros de Russie.
«Notre professionnalisme, il y a 20 ans déjà, à une époque difficile pour l'armée et la flotte, permettait d'attaquer si l'ordre était donné. A l'heure actuelle, en Méditerranée et en mer Noire, nous avons entièrement mis en place une stratégie et une tactique pour faire face à différentes situations et nous sommes capables de raisonner un ennemi éventuel. Les Américains le savent et, avec l'Otan, renforcent la protection anti-sous-marine. Mais aujourd'hui nos sous-marins et la préparation des marins sont d'un autre niveau», a déclaré Mikhaïl Nenachev à Vzgliad.
Par ailleurs, la présence en Méditerranée d'un aussi grand groupe américain permettra aux marins et aux pilotes russes de «remplir des missions d'exercice», comme c'est le cas en mer Noire et Baltique «où l'Otan entre et cherche à nous menacer». «En réalité, ils servent de bonne cible d'exercice pour nous. Les Américains obtient l'effet l'inverse», affirme Mikhaïl Nenachev.
Quant à la rhétorique de l'ambassadeur américain, l'amiral Kassatonov est convaincu que de telles déclarations menaçantes ne relèvent pas de ses fonctions. «Les diplomates américains, comme toujours, outrepassent leurs fonctions. Il faut voir cette déclaration comme une petite provocation bon marché. Et, bien évidemment, ce n'est pas sérieux. Simplement, les nerfs de Huntsman ont lâché», estime l'amiral russe.
«Ils pensaient pouvoir prendre sous contrôle différentes régions à l'aide de mesures économiques, mais tout s'est réduit au bon vieux principe de politique mondiale qu'est de prendre appui sur la flotte et la force militaire. Tout en parlant de démocratie, les Américains apportent l'agression et a guerre», souligne Mikhaïl Nenachev.
«La rhétorique de Huntsman s'explique peut-être par le fait qu'actuellement tout le monde est un peu sur les nerfs, notamment à cause de l'Ukraine. Une guerre mentale se déroule entre la Russie et les États-Unis, avec des ressorts cachés», a déclaré à Vzgliad le politologue américaniste Vladimir Mojegov.
«Dans l'ensemble, la diplomatie de Trump est connue pour son caractère provocateur. Mais en règle générale, c'est un grand élan pour un résultat médiocre. Même si cette déclaration est très insolente et nécessite une réaction de nos autorités», estime Vladimir Mojegov.
Les démarches militaires américaines, d'après l'expert, deviennent de plus en plus provocatrices, mais il est trop tôt pour «parler d'une nouvelle phase, d'un nouveau cycle de conflit», conclut l'expert.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.