Algérie: par Uber, en auto-stop ou à pied, le «système D» VS «le Système»

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Pour contourner l’indisponibilité des transports en commun dans la capitale pendant les grandes manifestations hebdomadaires, les Algériens de la périphérie et des banlieues ne lésinent pas sur le système D: Uber ou auto-stop... quand ce ne sont pas de longues marches de plusieurs kilomètres!

Depuis 1976, les vendredis d’Alger se ressemblent: des opérations «ville morte» qui se succèdent, même en l’absence de contestation. Tout au plus, des vendeurs de légumes qui se retrouvent, très tôt le matin, dans les quartiers de la capitale, de Belcourt à Hussein Dey, en passant par la Place du 1er mai. Autrement, les administrations publiques sont en week-end, les services bancaires réduits à la plus simple expression de leurs distributeurs, les magasins, boutiques et autres commerces ferment leurs portes, alors que les transports publics basculent en service minimum.

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Bouche de métro à Alger

Depuis le 22 février, date de début de la contestation populaire contre le pouvoir en place, ce service minimum a subi un nouveau tour de vis… doublé d’un verrouillage au cadenas dans certains cas. Des bouches du métro algérois sont littéralement obturées, dès la matinée du vendredi, avant que les manifestants ne commencent à affluer.

L’indisponibilité est due à «des causes externes», regrette par exemple la compagnie de tramways d’Alger, Setram, dans un communiqué laconique publié sur sa page Facebook. Aucune explication supplémentaire n’est venue corréler cette mesure à la volonté d’assurer la sécurité des manifestants, ni à celle, suggérée par certains d’entre eux, d’endiguer le flux de contestataires.

Depuis qu’ils se sont vus bloquer l’accès à la capitale au niveau de l’autoroute, les grands bus de la périphérie, qui appartiennent à des compagnies privées, sont réticents à faire le trajet jusqu’à Alger. Seuls quelques trains continuent de fonctionner, sporadiquement et à l’extérieur d’une zone de plusieurs kilomètres de rayon autour d’Alger, pour desservir uniquement des communes éloignées.

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Manifestation du 15 mars - Sputnik Afrique
Manifestation du 15 mars

Pas de panique, pour contourner l’indisponibilité ou les aléas des moyens de transports, les Algériens, vent debout contre «le Système», ont recours au «système D». Khadija, 24 ans, est une travailleuse indépendante qui réside à Bouharoun, un village de pêche situé à une soixantaine de kilomètres d’Alger, dans la wilaya de Tipaza. Depuis quelques semaines, à la veille de chaque manifestation hebdomadaire, elle s’arrange pour «s’infiltrer» dans la capitale, où elle passe la nuit chez des amis.

«Comme je n’ai pas la possibilité de venir le matin, je passe la nuit ici à Alger chez des amis. Je peux ainsi manifester le vendredi. Des fois, quand la manifestation prend fin tardivement, je passe la nuit à Alger et je rentre, le lendemain, chez moi. Les deux dernières semaines [les transports] étaient à l’arrêt, que ce soit le tramway ou le métro.», explique-t-elle à Sputnik.

Contrairement à Khadija, Houcine, qui habite à Bab Ezzouar, dans la banlieue est d’Alger, peut se permettre, lui, «le luxe» de venir à pied. «La dernière fois, on a marché 14 kilomètres», précise-t-il à Sputnik. Autrement, c’est l’auto-stop, ou Yassir, la version algérienne d’Uber.

«Je suis venu à pied, parce qu’il n’y a pas de transport…Déjà le vendredi, c’est compliqué de se déplacer, vu qu’il n’y a pas de taxi. Et puis il n’y a pas de métro, il n’y a pas de tramway, c’est fermé de toute manière, et on le savait. Pour le retour, c’est soit l’auto-stop, soit des taxis qui sortent le soir. Pour Yassir ça dépend, mais comme on est un groupe, même la marche, ce n’est pas grave. La dernière fois on a marché 14 kilomètres! Donc, ça ne nous dérange pas plus que ça.»

Le Yassir [appellation établie sur un jeu de mots signifiant à la fois «facile» et «circule» en arabe], est également prisé par Khadija, même s’il est particulièrement cher, dans son cas. Une course à 11 euros, dans un pays où le salaire moyen mensuel oscille autour de 300 euros…Mais que ne ferait-on pour la «révolution»? affirme Khadija.

«[Yassir] m’aide beaucoup, quand [la manifestation] finit à 17h ou 18h, j’attends que ça se calme un peu et vers 20h ou 21h je prends un Yassir, et je rentre à la maison. Ça me coûte 1500 dinars [11 euros]. Ce n’est pas rien, mais pour une révolution ce n’est rien du tout!», lance-t-elle.

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Des manifestants sur le chemin du retour  - Sputnik Afrique
Des manifestants sur le chemin du retour

Samedi, deuxième jour du week-end algérien, les moyens de transports renouent avec les axes routiers et les sous-sols de la capitale, qu’ils arpentent allègrement. Jusqu’à vendredi prochain?

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