Dans un entretien accordé à Sputnik, l'ancien ministre de la Ville sous la présidence de Nicolas Sarkozy et ancien député du Loir-et-Cher, Maurice Leroy, qui occupe actuellement le poste de directeur général adjoint du Grand Moscou en charge des projets internationaux, a abordé plusieurs sujets, dont le mouvement des Gilets jaunes en France. «Homme de terrain», il avoue avoir «senti plusieurs choses qui avaient beaucoup énervé les gens», comme la «mesure autoritaire» de 80 km/h ou la hausse du carburant, et avait donc averti que le peuple français trouverait un moyen pour exprimer son mécontentement.
Crise qui aurait pu être évitée
«Moi, je suis un homme de terrain et j'ai toujours été un élu de terrain. […] Je faisais mes permanences de député régulièrement et j'ai senti plusieurs choses qui ont beaucoup énervé les gens. D'abord la mesure autoritaire de 80 km/h, pas dépasser 80 km/h dans la ruralité, dans la campagne. […] C'était une mesure qui a paru vexatoire comme si l'État voulait gagner de l'argent sur le dos des gens.»
«Le bon sens, c'était quoi? C'était de dire: le préfet prend la limitation de vitesse dans chaque département après l'avis du président du département. L'avis c'était en une phrase..»
Une autre proposition de M.Leroy, au sens plus large, est l'organisation du référendum d'initiative citoyenne ou une sorte de dérivé. Il rappelle que «Nicolas Sarkozy avait changé la Constitution comme Président de la République pour ça».
«Je pense qu'il faut peut-être prendre cette proposition, la retravailler. […] Peut-être, il faut trouver un mode de consultation et de vote, pas sur tout et pas en permanence, mais je pense qu'il y aura un avant et un après Gilets jaunes et que plus rien ne sera comme avant.»
Pour justifier son idée, le directeur général adjoint du Grand Moscou en charge des projets internationaux a cité l'exemple de la capitale russe, toujours à l'écoute des personnes qui y vivent. Il existe donc le portail Citadin actif par le biais duquel tous les Moscovites peuvent s'adresser directement à la mairie pour faire part de leur mécontentement. C'est une solution simple qui est accessible via le portail Web ou une application mobile.
Néanmoins, ces mesures, et d'autres, n'ayant pas été prises, les manifestations des Gilets jaunes, dont la première a eu lieu le 17 novembre dernier, continuent. Le 2 mars, les gens sont de nouveaux descendus dans les rues de Paris et d'autres villes françaises pour leur acte 16.
«Quand vous n'avez jamais droit à rien, vous êtes dans la classe moyenne»
Afin de mieux expliquer les revendications des manifestants, l'ancien ministre français reprend sa phrase préférée: «quand vous n'avez jamais droit à rien mais que vous payez plein pot pour tout, bienvenus, vous êtes dans la classe moyenne en France».
«D'où cette exaspération, cette colère. […]C'est un mouvement populaire parce que c'est une révolte des classes moyennes et des travailleurs pauvres. Il faut entendre, il faut surtout y répondre», a souligné l'interlocuteur de Sputnik.
Le Grand débat national
L'ancien ministre de la Ville a également commenté le Grand débat national, initiative d'Emmanuel Macron dont l'objectif est de débattre de questions essentielles pour les Français et de répondre donc au mouvement des Gilets jaunes. D'après les informations de Franceinfo du 7 mars, même si le débat se termine le 15 mars, le chef de l'État devrait continuer ses rencontres en région jusqu'à «fin mars, début avril».
Maurice Leroy, qui a dit ne pas savoir comment le Président français allait régler la crise des Gilets jaunes, reconnaît que ce dernier a «très bien mené cette affaire du Grand débat national».
«Je suis très inquiet, sincèrement je ne sais pas comment le Président Macron va sortir de cette affaire. Il a été très habile, on connaît ça. Il a très bien mené cette affaire du Grand débat national, il a un vrai savoir-faire, il a retrouvé le chemin des maires.»
«Quand ça ne va pas dans une commune, le premier qu'on appelle, c'est le maire: Mme le maire, M.le maire. Les maires, ils savent ça. Et ça, ça a été un bide, je crois qu'Emmanuel Macron ne pouvait pas se passer de ce qu'on appelle en France les corps intermédiaires, c'est-à-dire les élus locaux qui sont très populaires, les associations, les syndicats, etc. Or, au début de son quinquennat il a fait sans et contre», a-t-il également ajouté.
Défis des Gilets jaunes, impacts de leurs manifestations
L'interlocuteur de Sputnik a abordé les problèmes auxquels font face les Gilets jaunes. Selon lui, c'est le fait qu'il n'y ait pas de leader, qu'ils aient eu du mal à se structurer, qu'il y ait à la fois de l'extrême gauche et de l'extrême droite. Il souligne toutefois qu'il y a «plein de gens qui sont rien du tout et qui veulent pas être manipulés ou instrumentalisés».
«Moi, je les vois dans mon département, c'est terrible ce que les commerçants ont perdu en chiffre d'affaires, parce que les gens font les courses le samedi. Au centre-ville, où les centres commerciaux sont bloqués, et il y a peut-être des commerces qui vont mettre la clé sous la porte, qui vont déposer le bilan, qui vont licencier, qui vont fermer, et ce sera chiffré un jour, ça aussi. Le coût social de tout ça va être très lourd, des pertes d'activités qui des fois font plus de 30%, c'est terrible», a-t-il résumé.
L'ancien ministre français a toutefois indiqué qu'outre des conséquences négatives, il y a eu de bons effets, notamment quant aux membres de la République en marche. Ces derniers, selon lui, ont été «élus dans la vague Macron» et ont «été portés par cette déferlante», ce qui les avait trompés.
«Curieusement, la crise des Gilets jaunes, elle a eu de bons effets parce que je pense, objectivement, que les députés En Marche, du coup, sont nettement moins arrogants, pour la plupart, qu'ils ne l'étaient au départ.»