Interrogé sur plusieurs sujets d'actualité concernant la crise vénézuélienne, Nicolas Maduro a exposé à la journaliste de la BBC Orla Guerin sa vision de la situation dans son pays.
La crise humanitaire
Tout en reconnaissant que le Venezuela comme tous les autres pays peut avoir ses problèmes, le Président Maduro a qualifié de «stéréotype» les informations de certains médias étrangers sur l'extrême pauvreté qui règne dans son pays. Il a souligné en particulier que ses dernières années son niveau avait baissé de 25% à 4,4%.
Les choses seraient allées mieux si les États-Unis n'avaient pas séquestré environ 10 milliards de dollars qui appartiennent au Venezuela, a-t-il poursuivi avant de rappeler que cet argent, tout comme l'or d'un montant de 1,2 milliard de dollars gelé par la Banque d'Angleterre, pourrait aider les autorités à acheter de la nourriture et des médicaments pour la population.
«Le Venezuela est un pays qui a de la dignité et les États-Unis ont voulu créer une crise humanitaire afin de justifier une intervention militaire "humanitaire". Et cela fait partie de ce spectacle», a-t-il déclaré.
Et de poursuivre:
«C'est très simple: si vous voulez aider le Venezuela, libérez les milliards de dollars qui nous appartiennent. Ne venez pas avec un spectacle de pacotille, un spectacle d'indignité, d'humiliation, où ils offrent 20 millions de dollars en aliments toxiques et pourris».
Toutefois, Nicolas Maduro a exprimé son espoir que le droit international soit respecté et que «le Venezuela n'aura pas été volé de l'or qui lui appartient légitimement».
Le Président a également dénoncé les informations sur l'hyperinflation d'un million de pourcents, évoquées par la journaliste de la BBC. Selon lui, il s'agit d'«un mensonge» car «aucun pays dans le monde ne pourrait y survivre». Compte tenu que son pays a les plus grandes réserves de pétrole et d'or au monde, le Venezuela sera toujours, selon Maduro, l'objet d'attaques de tous genres: sociale, économique, politique et militaire.
«Il est donc important de lancer des attaques sur le Venezuela […] afin d'encercler le Venezuela et de créer une situation semblable à celle que l'Irak et la Libye ont connue. Nous allons nous attaquer à toutes ces questions et soyez sûrs que nous commencerons lentement à vaincre toutes ces campagnes d'agression médiatique et de mensonges», a-t-il indiqué.
Une possible intervention militaire
À la question de savoir si les militaires vénézuéliens sont prêts à utiliser les armes contre les troupes américaines si ces dernières passent la frontière de son pays, le Président a répondu qu'il n'excluait pas une telle possibilité.
«Ils ne nous laisseraient aucune autre option. Nous devrions défendre le droit de notre pays à exister. Défendre notre droit à la paix. J'espère que ça n'arrivera pas. J'espère que l'opinion publique sera du côté de la paix et qu'ils verront à quel point le peuple vénézuélien est noble et que nous avons le droit de discuter de nos propres problèmes en paix», a déclaré Nicolas Maduro.
Le Président a souligné que Caracas n'avait rien contre le fait que Washington déploie 5.000 militaires en Colombie à condition qu'ils n'interviennent pas sur le sol vénézuélien.
«Il peut en mettre un million s'il le souhaite. S'ils se trouvent en Colombie, il peut amener un million de chars, un million d'avions et un million de soldats. Ce n'est pas un problème. S'ils restent en Colombie, il n'y a pas de problème. Mais nous défendrons le Venezuela et nous le ferons respecter. Je lance un appel à la solidarité […] que nous disions tous à Donald Trump: ne touchez pas au Venezuela. Le Venezuela veut la paix, la tranquillité, le bonheur.», a-t-il martelé.
Sur l'opposition vénézuélienne
Répondant à la question concernant la légitimité des récentes élections présidentielles et le refus de certains pays de le reconnaître comme le Président élu, Nicolas Maduro a rappelé que les États-Unis avaient déclaré quatre mois avant le scrutin qu'ils ne reconnaîtraient pas les résultats, c'est pourquoi la journaliste évoquait en vain de possibles fraudes en faveur de sa candidature. Selon lui, il s'agit d'«une guerre politique» contre le Venezuela menée par Washington.
Pour Nicolas Maduro, la décision des États-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays de reconnaître le leader de l'opposition Juan Guaido comme «Président en exercice» est dénuée de toute logique.
«Ce n'est que par le vote du peuple que vous pourrez élire un Président au Venezuela. C'est comme si quelqu'un venait sur une place publique à Londres et se proclamait reine d'Angleterre, ou Premier ministre, et puis trois gouvernements vont le reconnaître. C'est scandaleux. C'est l'un des plus grands scandales politiques internationaux. Au Venezuela, le peuple vote et, selon sa Constitution, seul le peuple peut vous mettre au pouvoir et vous destituer», a-t-il conclu.
Rappelons que la situation au Venezuela s'est aggravée lorsque l'opposant Juan Guaido, renvoyé le 22 janvier de son poste de président de l'Assemblée nationale sur décision de la Cour suprême, s'est autoproclamé dès le lendemain «Président en exercice» du pays puis a prêté serment publiquement. Donald Trump l'a reconnu comme «Président par intérim». 19 pays européens, dont le Royaume-Uni et l'Allemagne, en ont fait de même. La France l'a également reconnu comme «Président en charge».
La Russie, la Chine et plusieurs autres pays ont quant à eux soutenu Nicolas Maduro en tant que Président légitime du Venezuela. Le Kremlin a qualifié la décision de certains pays européens d'«ingérence dans les affaires intérieures du Venezuela».