Les journalistes ont passé au crible tous les acteurs qui jouent un rôle plus ou moins important dans l'affrontement entre le gouvernement et l'opposition qui secoue actuellement la République bolivarienne. Il est donc d'autant plus surprenant que la nomination d'Elliott Abrams au poste d'envoyé spécial des États-Unis au Venezuela n'ait pratiquement pas attiré l'attention des médias. Il s'agit pourtant d'une figure marquante et assez juteuse.rapporte le quotidien Vzgliad.
Un homme de l'ombre
Elliott Abrams est né le 24 janvier 1948. Il a travaillé pour les administrations de Ronald Reagan (en tant que sous-secrétaire d'État pour l'hémisphère Ouest) et de George W. Bush (en tant qu'assistant du conseiller du président américain à la sécurité nationale pour l'Afrique et le Moyen-Orient).
Il est une personne très instruite: il a reçu en 1969 une licence de l'Université de Harvard avant un master en relations internationales à la London School of Economics en 1970. Il est ensuite revenu à Harvard pour y recevoir en 1973 son degré de docteur en droit.
Dans l'histoire de la diplomatie américaine, son nom est principalement lié aux ingérences dans les affaires intérieures d'autres pays, allant jusqu'aux interventions militaires et aux coups d'État.
Le nom d'Elliott Abrams a été pour la première fois mentionné à haute voix après la révélation de l'affaire Iran-Contra en 1986. Elliott Abrams faisait à l'époque partie du Département d'État et était l'un des collaborateurs de l'administration de Ronald Reagan accusés d'implication dans les livraisons d'armes en Iran en contournant les interdictions existantes. Les fonds obtenus grâce à ces transactions illégales était utilisés — également en violation d'une interdiction du Congrès — pour soutenir les insurgés Contras au Nicaragua dans leur combat contre le Président Daniel Ortega.
Suite à l'enquête, plusieurs hauts responsables américains avaient été condamnés à des amendes très importantes et à des peines de prison. Elliott Abrams faisait partie de cette liste, mais il a été grâcié par le nouveau Président, George H. Bush, en 1992.
En 2016, il a critiqué l'administration de Barack Obama pour son manque d'attention envers Israël et a exprimé son mécontentement contre l'organisation de la campagne électorale de Donald Trump. Selon plusieurs médias américains, certains politiciens de l'entourage de Donald Trump ont proposé en 2017 Elliott Abrams au poste de secrétaire d'État, mais le Président a personnellement rejeté sa candidature à cause de la critique susmentionnée.
Le marionnettiste d'un coup d'État anti-chaviste
«Sa fidélité aux idéaux de la garantie des droits et des libertés de tous les peuples signifie qu'il est un candidat parfait pour mener ce travail (au Venezuela), a dit Mike Pompeo à propos de sa nomination. Elliott sera un actif précieux de notre mission visant à aider le peuple vénézuélien à rétablir la démocratie et la prospérité dans le pays».
Ce n'est pas la première fois que le nom d'Elliott Abrams est associé au Venezuela. Le 11 avril 2002, après des contestations de grande envergure qui se sont soldées par des affrontements entre les partisans du Président Hugo Chavez et ses opposants, le commandement militaire supérieur a annoncé la démission de Chavez. Ensuite, les fonctions présidentielles ont été transférées à Pedro Carmona, économiste et leader de l'opposition anti-chaviste. Trois jours plus tard, les militaires fidèles à Hugo Chavez ont repris le pouvoir et ont fait revenir ce dernier au poste suprême.
Une semaine après cette tentative de coup d'État, l'hebdomadaire britannique The Observer a annoncé que les «préparatifs du putsch anti-chaviste avaient impliqué des membres éminents du gouvernement américain mené par George W. Bush». Ce média a également cité des sources britanniques et au sein de l'Organisation des États américains affirmant que les leaders du coup d'État, notamment Pedro Carmona, avaient participé pendant des mois à des rencontres avec des responsables de la Maison-Blanche, et que le gouvernement américain non seulement était au courant de l'opération, mais avait aussi approuvé son déclenchement. «Le personnage-clé du putsch a été Elliott Abrams, qui travaillait à la Maison-Blanche en tant que directeur du Conseil de sécurité nationale pour la démocratie, les droits de l'homme et les relations internationales», a souligné l'hebdomadaire.
Quelques mois après, George Bush a nommé Elliott Abrams directeur du département Moyen-Orient et Afrique du Nord du Conseil de sécurité nationale. A ce poste, il a promu l'idée d'une «pression forte sur l'Irak» et insistait sur la nécessité d'une intervention militaire dans ce pays arabe. Comme on le sait, cette opération a été lancée en 2003.
Le massacre d'El Mozote
En décembre 1981, El Salvador Atlacatl, bataillon d'élite des forces de réaction rapide de l'armée salvadorienne, soutenu et financé par les États-Unis, a organisé un massacre dans la ville d'El Mozote. En 1993, les documents de la Commission salvadorienne visant à établir la vérité sur ces événements faisaient état de «près de 500 personnes tuées par les militaires car elles étaient soupçonnées d'appartenir aux groupes anti-gouvernementaux». Ces documents indiquent également que les «visages et les corps de beaucoup de victimes ont été tellement défigurés qu'il a été impossible de les identifier».
Quelque temps après ces événements, Elliott Abrams a présenté un rapport au Sénat américain selon lequel les informations sur les centaines de morts provenaient de «sources peu crédibles» et les qualifiant de «propagande communiste».
«Le bataillon que vous mentionnez est une unité connue pour son professionnalisme et la discipline ferme des opérations de ses combattants», a indiqué Elliott Abrams. Quelques années après, il a considéré la politique au Salvador comme un «acquis incroyable».
Ainsi, on a visiblement nommé Elliott Abrams au poste d'«inspecteur au Venezuela» pour obtenir de nouveaux «acquis incroyables» «favorisant la démocratie et le peuple»… dans l'intérêt des États-Unis.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.