L'explosion meurtrière de l'oléoduc de la compagnie publique Pemex s'est produite vendredi soir dans la vallée de Mezquital, entre deux routes menant à la ville de Tlahuelilpan, à 15 km de la raffinerie Tula, sous les yeux de militaires et de policiers qui n'ont pas réussi à contenir la foule. Préférant garder son anonymat, un commerçant a raconté à Sputnik:
«La plupart des gens ont appris grâce aux réseaux sociaux ou à WhatsApp qu'ils pouvaient se procurer de l'essence. Dieu merci, aucun de nos parents ne s'y trouvait. Pourtant quand le tube a explosé, tout le monde s'est mis à chercher les siens».
Et d'ajouter que depuis octobre dernier, la présence militaire avait beaucoup augmenté dans la région sans que cela améliore la situation. (Selon une autre source anonyme, 2.800 militaires y sont à présent déployés.)
«À mon avis, ça va empirer. Cela mènera à toujours plus de violence de la part des militaires», a poursuivi l'interlocuteur.
Luis Lomelí, employé de l'administration de l'état d'Hidalgo, a appris à Sputnik que 25 soldats avaient été dépêchés sur le lieu de l'incident suite à l'alarme déclenchée par Pemex, mais qu'ils «ne pouvaient pas contenir la poussée de 500 personnes».
Revu à la hausse, le bilan toujours provisoire de l'explosion s'établit à 89 morts et 55 blessés, d'après le ministre mexicain de la Santé Jorge Alcocer.
Vu l'état des corps carbonisés, ils seront identifiés par tests ADN.
On a notifié aux familles des victimes que pour que leurs proches puissent être identifiés, il est nécessaire de déposer une demande sur la mise en action d'une procédure pénale au parquet de Mixquiahuala de Juárez, ville la plus proche, située à 12 km au nord du lieu du drame, où des prises de sang ont été effectuées pour les comparer avec l'ADN des morts.
Près du bâtiment du parquet, rue d'Independencia, Sputnik a vu trois femmes. Blanca, Tania et Sandra y attendaient les familles des victimes avec une casserole de mole, soupe traditionnelle. Elles sont venues pour soutenir les personnes dans le malheur.
«Nous comprenons leurs souffrances, la douleur de leurs pertes. Ignorant le sort de leurs parents, ils ne peuvent évidemment pas penser à manger. Nous devons les aider, du moins un peu. Ce n'est pas grand-chose. Notre présence physique, c'est déjà ça», a déclaré à Sputnik Tania, avant d'ajouté qu'on n'y avait jamais vu une explosion d'une telle puissance.
Le procureur de la république Alejandro Gertz Manero a annoncé que l'identification des corps sera effectuée aux frais de l'État.
Le gouverneur de l'état d'Hidalgo Omar Fayad a raconté aux journalistes qu'à 16h50, le 19 janvier, le groupe Pemex avait annoncé «une ponction illégale dans l'oléoduc où des militaires avait été envoyés immédiatement. Peu après 17h, ils étaient arrivés sur place».
«Les autorités essayaient de persuader les personnes qui s'y étaient rassemblées de quitter cet endroit et tentaient de le quadriller. Sous la pression, une éjection massive d'hydrocarbures s'est produite. Des centaines de personnes s'y dirigeaient. Les militaires cherchaient à faire comprendre aux gens qu'ils s'exposaient au danger, mais en vain», s'est souvenu le gouverneur.
Selon ce dernier, deux heures plus tard, quand l'essence a jailli du tube tel un geyser, atteignant jusqu'à dix mètres de hauteur, celle-ci a «douché» la foule puis une explosion a éclaté.
Le Président Andrés Lopez Obrador qui a pris ses fonctions le 1er décembre n'a pas encore indiqué quand il se rendrait sur les lieux de la catastrophe, mais a garanti «toute assistance nécessaires» aux familles des victimes.
Les sabotages d'oléoducs sont récurrents au Mexique. Depuis des années, des bandes criminelles ponctionnent du carburant ou interceptent des camions-citernes, ce qui a coûté l'an dernier l'équivalent de plus de trois milliards de dollars (2,63 milliards d'euros), avance Reuters. Le nouveau chef de l'État mexicain a lancé à la fin de ce même mois une vaste campagne pour mettre fin à ce phénomène.