Leur magie opère toujours!
« Oiseaux de passage, oiseaux de feu prestigieux et enchanteurs, les Russes sont à Paris, conduits par le génial dispensateur de ces spectacles éblouissants, M. de Diaghilew ». Tels sont les propos tenus au moment du passage de la troupe des Ballets russes à Paris début XXème. Cent ans plus tard, l'alchimie agit toujours!
La longévité de l'engouement pour la danse classique russe n'est point étonnante, on imagine à l'époque le choc culturel éprouvé par les bourgeois amateurs d'art avec leur goûts bien rangés et une seule dérive permise — un amour adultère pour une danseuse. Il nous suffit de feuilleter les revues jaunies d'antan: là, les pages d'encarts publicitaires où « la mode actuelle exige peu de poitrine » avec la « brassière réductrice » à 16 francs pièce et « la babylette Mathis, la plus solide, la plus luxueuse, la plus légère des voiturettes » sont scindés violemment par des esquisses fantastiques de Léon Bakst et par des photos de scènes de spectacles, unanimement qualifiés par les critiques d'« orgie de créations ». C'est un choc culturel. Un accrochage esthétique. Un carambolage des bases. On en entend les répercussions jusqu'à nos jours.
Mais le créateur de ce spectacle, Sergei Filine, directeur artistique du théâtre Bolchoï de 2011 à 2016, titulaire du « Prix Benois de la Danse » et artiste émérite de la Fédération de Russie, souhaite tenir haut le flambeau de la créativité artistique russe:
« Pour la deuxième partie, et c'est très important, nous préparons une chorégraphie contemporaine par des maîtres célèbres et quelques compositions complètement originales, jamais vues auparavant! Toutes les compositions sont choisies et mis en scène par les artistes eux-mêmes. »
Le programme est ainsi enrichi par un numéro imaginé par Garrett Smith, chorégraphe américain évoluant au Mariinsky, en hommage au ballet Narcisse.
« Nous voulons recréer l'atmosphère de l'époque de Diaghilev, mais nous voulons aussi recréer son unique fertilité créatrice: Diaghilev n'avait pas peur de prendre des risques et d'impliquer des compositeurs et chorégraphes peu orthodoxes dans ses Saisons » précise Sergei Filine.
« On s'inquiète chaque fois qu'ils viennent. Ils ne sont pas là. On sourit. On hésite. On attend. Mais les voici, et l'on se laisse emmener dans la ronde insensée où l'intelligence, l'art, la beauté étourdissent d'un rythme inlassable nos imaginations » écrivait Louis Delluc dans Comœdia Illustré il y a cent ans.
Lors de la conférence de presse, les organisateurs ont parlé des perspectives du Festival.
« On ne peut imaginer ce festival qu'à Deauville, et exclusivement sur cette scène. Puisque c'est cette scène et ce lieu qui nous ont donné l'idée de créer le festival, dit la productrice Veronika Bogatyreva, Nous n'avons pas encore imaginé le programme de l'année prochaine, mais nous allons observer la réaction du public et étudier les possibilités présentées par ce lieu »
« Cette année, c'est un test grandeur nature, mais j'espère que dans l'avenir nous pourrions montrer beaucoup plus. Et le festival peut avoir plus d'envergure », assure la productrice.
Et c'est aujourd'hui grâce à Veronika Bogatyreva, créatrice et productrice du Festival de l'art russe à Deauville, mais aussi Sergueï Filine, créateur et directeur de son programme artistique et enfin Philippe Normand, attaché culturel de la ville de Deauville, que les spectateurs voient grandir sur les planches du théâtre du Casino Barrière de nouvelles pousses d'échanges artistiques entre la France et la Russie.