Leroy Merlin: en Russie, la «grogne citoyenne» fait sa première victime

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Le scandale autour la directrice de communication de Leroy Merlin en Russie semble clos. Mercredi, l'enseigne a annoncé la démission de la principale protagoniste de l'affaire.

Rappel des faits: la haute responsable de Leroy Merlin Russie avait écrit sur Facebook que des supporters de l'équipe de Russie auraient brûlé vive une jeune femme pour célébrer la victoire contre l'Espagne. Et quand les supporters stupéfaits lui ont reproché de propager un fake, cette dernière les a traités de «vata» (une insulte contre les Russes utilisée en Ukraine).

La surprise était de taille: comment, dans une aussi grande entreprise, pouvait travailler un responsable de la communication capable de s'exprimer autant avec de «classe» devant le public?

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Comment une employée de Leroy Merlin Russie a «brûlé vive» une femme et a perdu son emploi
Mais les événements qui ont suivi ont été encore plus étranges. Pendant que l'employée de Leroy Merlin s'affolait (elle a supprimé la publication, l'a republiée, a menacé ses antagonistes en parlant de ses relations et de la police, a tenté de présenter la situation comme sa propre persécution et a même annoncé que ses nobles ancêtres avaient «écrit la première Constitution» de l'Empire russe — même s'il n'y avait pas de Constitution à l'époque), sa direction a visiblement réussi à «faire mariner» la situation jusqu'au scandale national.

D'abord, elle n'a pas réagi à l'indignation des citoyens. Puis la direction a laissé entendre qu'elle «respectait l'espace personnel» de son employée et ne s'y ingérait pas. Avant d'annoncer la décision d'«écarter provisoirement» la directrice de communication de ses fonctions, et enfin qu'elle avait «démissionné de son propre gré».

Cette démission a eu lieu le troisième jour du scandale, quand tout «brûlait» déjà autour, quand avait commencé la campagne de boycott, quand les journalistes critiquaient l'enseigne dans des dizaines de médias et que des tonnes de plaintes avaient déjà été envoyées au bureau central en France.

… Et cela semble être le moment le plus instructif de toute cette histoire.

Ce n'est pas que le public a reçu une nouvelle confirmation de la présence, au sein de l'élite, d'individus qui haïssent ouvertement le public — ce n'est pas un scoop.

Mais le fait est que dans l'élite du secteur de la communication des entreprises se trouvent des gens qui sont tellement habitués à haïr les citoyens quand ils sont entre eux qu'ils ont même oublié que c'était indécent. Des gens qui ont eu besoin de quelques jours pour comprendre simplement que leur représentante était tout à coup devenue toxique, parce que «après tout, elle n'a rien écrit de mal».

Ces gens prenaient conscience de la réalité sous nos yeux douloureusement, et avec beaucoup de mal. Et cet atermoiement a porté un énorme préjudice à l'image non seulement de la direction, mais également de tout le réseau d'hypermarchés.

Il n'y a qu'une seule explication possible. Jusqu'à récemment, la caste des «carriéristes d'entreprise» était persuadée en grande partie qu'il n'existait aucun public en Russie. Et elle prenait pour un public ses propres confrères qui se trouvaient dans les «bons» réseaux sociaux et parlaient le volapük.

Par conséquent, ils se sont habitués à sous-entendre par «relations publiques» le contact avec les autres services de communication, les médias dociles et un cercle étroit de hauts responsables.

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Et puisqu'il n'existe aucun public, il ne sert à rien de penser à l'étrange masse amorphe de citoyens. Qui plus est, il n'est pas nécessaire de travailler sur son image pour ne pas offenser cette masse. Même si cette masse est constituée des gens qui viennent tous les jours dans vos hypermarchés pour acheter du parquet flottant ou du papier peint et remplissent ainsi vos caisses.

De plus, pour ceux qui, issus du peuple défavorisé, ont réussi à entrer dans l'«élite d'entreprise», c'est devenu une sorte de maintien de statut que de souligner son mépris envers le peuple et le renier. Les Russes «qui ont réussi par la force du poignet», ont appris: il faut mépriser les passions du peuple, ses sympathies politiques et tout le reste — jusqu'à s'inventer de nobles ancêtres.

Quand la population commence tout à coup à s'amuser, ceux qui ont réussi à s'en tirer pour entrer dans l'«élite» ne peuvent pas se retenir de remettre cette masse à sa place. Ils la perçoivent comme un concurrent, c'est pourquoi ils cherchent constamment à dévaluer toutes les raisons de joie et de fierté.

Et jusqu'à récemment, cela ne les dérageait pas du tout d'exprimer tout cela dans l'espace public. Parce que dans cet espace, ce public, même s'il existait, ne manifestait aucune volonté collective de résister.

C'est pourquoi maintenant les déclarations de l'employée ont provoqué un scandale, à l'intérieur de cette «élite» ils cherchent sérieusement à comprendre qui l'a «commandité». Parce que le peuple ne peut pas s'organiser lui-même pour lancer une campagne de persécution avec un large front. C'est manifestement une commande payée.

Toutefois, certains experts ont déjà compris qu'il s'agissait de l'apparition d'un nouveau facteur inconnu. Et ils publient déjà des analyses pour savoir «ce qu'il faut faire si tout à coup votre publication a offensé ces patriotes» (selon eux, il faut ignorer les commentaires, ne pas répondre, car dans quelques jours la masse oubliera tout pour se tourner vers autre chose).

…Mais en réalité la situation est très simple. En Russie (et ce, depuis plusieurs années) ce public est complètement numérisé. Il n'appartient pas à un troupeau d'entreprise idéologiquement monolithique.

Et surtout, il s'est doté ces dernières années de mécanismes d'auto-organisation.

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Ce ne sont pas les «mécanismes de société civile» qu'attendent les libéraux systémiques. Autrement dit, ce ne sont pas des structures lobbyistes qui font pression sur l'État dans l'intérêt de leurs sponsors.

Simplement, la société qui grandit depuis 15 ans dans l'ère numérique maîtrise enfin certaines méthodes de mobilisation sociale qui étaient considérées auparavant comme leur sphère exclusive par les «as de gestion du troupeau».

Et au final, ces as se sont retrouvés dans la même catégorie de poids de l'information que les masses. Dans un même champ. Mais cette fois en très forte minorité.

Et ils ont découvert que dorénavant ils devraient s'affirmer d'une autre manière, plus au détriment de leurs concitoyens.

L'ampleur de ce renversement dans la vie de la «classe médiatique» russe reste encore à évaluer.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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