Vidéo anti-Bouteflika tournée au Parlement européen, l’Algérie promet des suites

© AFP 2024 PATRICK BAZA supporter of Algerian President Abdelaziz Bouteflika kisses his picture as he celebrates in Algiers on April 18, 2014 after Bouteflika won a fourth term with 81,53% of the votes.
A supporter of Algerian President Abdelaziz Bouteflika kisses his picture as he celebrates in Algiers on April 18, 2014 after Bouteflika won a fourth term with 81,53% of the votes. - Sputnik Afrique
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Dans une vidéo devenue virale, une journaliste algérienne accréditée auprès de l’UE qualifie le président Bouteflika «d’amas de chair» et s’en prend à son entourage. Une «offense» doublée d’un «détournement des symboles de l’UE» que le pouvoir algérien a promis de ne pas laisser passer.

Depuis le siège du Parlement européen à Bruxelles, une attaque acerbe, sertie de piques bien senties, contre le Président algérien. Dans la bouche de l'ancienne correspondante de la télévision nationale algérienne, Layla Haddad, Abdelaziz Bouteflika est tour à tour, bourreau et victime.

«Vous voilà assis sur une chaise roulante, le regard hagard et la bouche béante (…) vous n'êtes plus qu'un amas de chair, immobile exposé au monde en dépit du mépris de toute une nation (…) les barons du régime dont fait partie votre propre frère, se sont arrogés le droit de disposer de vous (…) vous ne devez plus tolérer d'être traité comme un objet (…) Votre fonction vous a donné un immense droit, y compris de gracier des criminels et des voleurs, demandez leurs de vous gracier à votre tour», distille Layla Haddad dans un discours manifestement lu depuis un prompteur.

Particulièrement éloquent, le discours a provoqué des réactions en chaîne sur la toile algérienne. Nombreux sont ceux qui estiment que Layla Haddad n'a fait que décrire «la réalité amère», puisque le Président est bien «prisonnier de son entourage». Au premier rang, figurerait son frère Saïd, auquel Haddad s'en est prise violemment.

Plus prudents, d'autres internautes ne cachent pas leur malaise quant au procédé utilisé. Regretter que les Algériens soient devenus «l'objet de la risée du monde», et laver son linge sale depuis le Parlement européen, ne serait-il pas quelque peu paradoxal?

«Chacun est libre de dire ce qu'il veut. Seulement la sincérité en soi n'est pas un gage de vérité. Ce qui est reproché à cette dame, c'est d'avoir utilisé les infrastructures de UE», commente ainsi un internaute.

Une troisième catégorie de réactions y voit carrément un «complot» ourdi contre l'Algérie. «Mme Lefèvre se fait appeler Layla Haddad pour faire passer sa couleuvre» accuse ainsi cet internaute en reprenant à son compte la contre-attaque de l'ambassade algérienne à Bruxelles qui fustigeait une journaliste «d'origine algérienne».

C'est en effet via leur représentation diplomatique à Bruxelles que les Affaires étrangères algériennes ont préféré réagir. Ratione loci, (compétence territoriale), sans doute. Une façon aussi, probablement, de ne pas accorder «trop d'honneur» à la journaliste en question.

Les honneurs, eux, ont été généreusement rendus par les délégataires. Dans un communiqué relayé par l'agence de presse officielle, l'ambassade d'Algérie à Bruxelles n'a pas tari d'éloges à l'endroit de la journaliste algérienne, dont on semble avoir consulté la fiche professionnelle, psychologique et policière. «Incivisme», «comportement bipolaire», pour ce qui est des raisons ayant conduit, en 2002, à son licenciement de la chaîne nationale. S'intéressant, ensuite, à son intégrité morale, on préfèrera au vulgaire «vendue» un euphémisme un tantinet plus prestigieux: un «agent invétéré de la subversion et de la sédition», suivant «une feuille de route» et mettant «servilement sa voix et sa plume mercenaires au service de puissances étrangères hostiles à l'Algérie».

«Dans sa litanie de contrevérités suintant l'aigreur et la frustration, cette ancienne correspondante de l'ENTV à Bruxelles (…) a choisi, pour des considérations purement mercantiles et opportunistes, de vomir sa haine de l'Algérie, ses symboles et ses institutions», a fustigé l'ambassade algérienne, indiquant qu'elle a entamé «des démarches officielles pressantes auprès des responsables de différentes instances de l'Union européenne (…) pour dénoncer énergiquement le détournement inacceptable des symboles de l'UE et de l'espace réservé par le Parlement européen aux journalistes professionnels».

Directrice d'une télévision en cours de lancement, Nissa TV, Layla Haddad se joint à d'autres voix ayant appelé le Président Bouteflika à ne pas se représenter à l'élection présidentielle de 2019.

Ces réclamations se multiplient à mesure que de fortes présomptions renforçent l'hypothèse d'un cinquième mandat que le Président, très affaibli depuis 2013, pourrait briguer en avril prochain.

Les signaux les plus significatifs ont été le fait de son propre parti, le FLN, qui l'a récemment prié de bien vouloir «poursuivre sa mission» à la tête de l'Algérie.

«700.000 militants, ainsi que des millions de sympathisants du FLN demandent… appellent instamment… son Excellence, à poursuivre la mission qu'il a initiée en 1999 […]. Le dernier mot lui revient»

Cette supplique ne serait pas tombée dans l'oreille d'un sourd, encore qu'il soit autrement diminué. Elle sera même étrangement concomitante d'une sortie d'hibernation du Président, après plusieurs mois d'absence.

Pour le reste, Bouteflika reste retranché dans son sanctuaire de Zéralda, dans la banlieue d'Alger, observant un silence olympien. Il communique exclusivement par voie d'oracles, ou intervient en Deus ex machina. Des messages tombant à point nommé pour rappeler à l'ordre, mettre ou démettre. Parfois transmettre, le plus banalement du monde, les vœux d'usage. Sur les plateaux télé, les exégètes pullulent pour interpréter les vœux présidentiels, alors que des hommages pieux fusent, eux, devant des portraits à son effigie.

Abdelaziz Bouteflika semble continuer, malgré tout, de jouir d'une certaine popularité, particulièrement dans l'arrière-pays. Ancien fidèle lieutenant du président Boumediene, certains aiment encore à se souvenir de lui comme de la personnalité politique qui porta haut et fort la voix de l'Algérie pendant son âge d'or diplomatique, participant ainsi de son prestige historique.

ONU, 1974. Le président Bouteflika, en haut. A la tribune, l'ancien président palestinien Yasser Arafat. (Une session de l'Assemblée générale de l'ONU présidée par le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Bouteflika, qui obtint l'éviction de la délégation sudafricaine du régime de l'Apartheid, et donnera la parole, pour la première fois à l'ONU, au président palestinien Yasser Arafat, ndlr)

A la tête de l'Algérie depuis 1999, le magistère de Bouteflika a été associé à la fin de la guerre civile, même si la paix s'est faite au prix d'une amnistie contestée, et à un «certain» retrait de l'armée des affaires, au profit du pouvoir civil.

L'économie algérienne, très affaiblie, a également connu au début de sa présidence une relance palpable. La reprise a été principalement le fait d'une conjoncture favorable, liée à la montée du prix du baril dans ce pays qui vit des hydrocarbures. Des efforts diplomatiques ont été déployés, par Bouteflika en personne, pour signer le grand retour de l'Algérie après une trop longue absence.

Aujourd'hui, toutefois, et à mesure que le pays s'enfonce à nouveau dans la crise économique, ces lauriers seront compliqués à faire valoir dans l'optique 2019.

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