«On a un responsable politique de premier plan, candidat déclaré à l'élection présidentielle, qui reprend tranquillement, publiquement, à son compte une théorie complotiste et raciste née dans les tréfonds de l'extrême droite française au début de la décennie précédente»,
«Ne pas le condamner serait considérer qu'on peut ouvrir grand les vannes de la parole raciste décomplexée.»
La raison du courroux du Parquet de Paris? Un tweet lâché, mi-janvier 2017, alors que la campagne présidentielle se dessine et où le leader de Debout la France (DLF) évoque une «invasion migratoire» en réaction à la parution des statistiques de l'immigration du Ministère de l'Intérieur, qui annonçaient que 227.550 titres de séjour avaient été délivrés en 2016. Un nombre, estimé, qu'il compare alors au solde démographique français pour la même année, à savoir 198.000, d'après les statistiques de l'Insee.
En 2016, les socialistes compensent la baisse de natalité par l'invasion migratoire. Le changement de population, c'est maintenant!
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 17 janvier 2017
«C'était très surprenant de voir à quel point le Parquet ne s'est pas appuyé sur le tweet qui est mis en cause devant la juridiction, c'était très impressionnant de voir comment le Parquet a instrumentalisé la procédure à l'encontre de Nicolas Dupont Aignan»,
s'indigne Damien Lempereur, l'un des avocats —et Porte-parole official- de Nicolas Dupont-Aignan. «On a assisté à une séance surréaliste», déclare-t-il encore: «Nous avons assisté à un procès politique, le procureur a fait une diatribe politique à l'encontre de monsieur Nicolas Dupont-Aignan», évoquant une «logique de répression, d'interdiction de la parole» de l'autorité poursuivante.
«Si Nicolas Dupont-Aignan devait être condamné pour ce tweet, ce type de propos, alors ça veut dire qu'on ne peut plus rien dire dans notre pays. Cela veut dire que tous ceux qui veulent s'opposer à la politique migratoire du gouvernement seraient susceptibles d'être condamnés par la 17e chambre.»
Dans la foulée de ces déclarations qui émeuvent les belles âmes de gauche, la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme (LICRA) ne tarde pas non plus à réagir et à traîner l'homme politique devant les tribunaux.
Deux semaines plus tard, début février, à quelques jours d'une première comparution devant un tribunal pour «provocation à la haine ou à la discrimination», le député de l'Essonne ne cachait pas son amertume au micro du Grand rendez-vous d'Europe1, de CNews et Les Échos.
«Vous vous rendez compte? Un élu de la République, qui s'exprime sur des statistiques migratoires et qui ne fait que dire la vérité est traduit en Justice!»
Souligner des faits pour dénoncer des tendances, une posture qui en France ne met en rien à l'abri d'une condamnation. «Un journaliste a le droit de dire la réalité» déclarait en 2011 Olivier Pardo, avocat d'Éric Zemmour, lorsque celui-ci était poursuivi par SOS Racisme, la Licra, le Mrap et l'UEJF, pour diffamation et provocation à la discrimination. Le journaliste avait finalement été relaxé pour le premier chef d'inculpation, mais condamné pour le second. En 2015, dans une autre affaire, le Parquet de Paris ne lâchera pas et fera appel de la relaxe.
Fin 2017- là encore face à SOS Racisme, la Licra, le Mrap, l'UEJF et J'accuse- Eric Zemmour est condamné pour «provocation à la haine» pour avoir lâché à la télévision que «la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c'est comme ça, c'est un fait». Des propos qui remontent à 2010 et où il était de bon ton de fustiger les contrôles au faciès —le «racisme d'État»- après qu'une agence européenne se soit émue de leur proportion en France.
Pourtant, le polémiste avait reçu le soutien de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre socialiste de Lionel Jospin, qui adressera un courrier à la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris affirmant que plus de la moitié des infractions sont «imputables à des jeunes dont le patronyme est de consonance africaine ou maghrébine». Une personnalité de gauche qui n'avait fait l'objet, pour sa part, d'aucune poursuite, peut-être au vu de l'enceinte réduite dans laquelle il avait diffusé son argumentaire.
Néanmoins ces procédures, engagées par les plaintes déposées par des associations antiracistes et d'extrême gauche ou d'un ancien ministre socialistes, pourraient avoir un coût élevé pour les contribuables biterrois.
En face, journalistes et autres détracteurs du maire et du polémiste sur la question de l'immigration jouent les autruches et bottent en touche, brandissant le même argument totem: «le fichage ethnique et religieux est strictement interdit en France.» En somme, pas de données, pas de problème: comprenez «circulez, il n'y a rien à voir».
Récemment, une autre personnalité politique a créé la polémique dans la presse (et) à gauche, bien que l'on attende encore la plainte des associations antiracistes: Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur et par conséquent observateur légitime sur la question de l'immigration. Un ministre qui aurait tenu des propos «alarmistes», «plus propres à enflammer les imaginations qu'à pacifier la discussion» quand déclarait devant les députés que certaines régions étaient «submergées par les flux de demandeurs d'asile.»
La «submersion», une idée qui «était jusqu'ici confinée à l'extrême droite, aux franges les plus radicales de la droite», juge Libération qui, revenant sur le «malaise Collomb», dépeint un ministre «sévère», «raide», rappelant toutefois que —oui- l'opinion française est favorable à «un traitement sévère de l'immigration».
Avec ces nouvelles affaires médiatico-juridicaires, la mise au pilori systématique de ceux qui ont le malheur d'aller à l'encontre de la doxa sur l'immigration atteint-elle ses limites?