«Qui allez-vous encore empoisonner?»: à quoi les Russes sont confrontés au Royaume-Uni

© REUTERS / Peter NichollsA police notice is attached to screening surrounding a restaurant which was visited by former Russian intelligence officer Sergei Skripal and his daughter Yulia before they were found on a park bench after being poisoned in Salisbury, Britain, March 19, 2018.
A police notice is attached to screening surrounding a restaurant which was visited by former Russian intelligence officer Sergei Skripal and his daughter Yulia before they were found on a park bench after being poisoned in Salisbury, Britain, March 19, 2018. - Sputnik Afrique
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De 300.000 à 500.000 ressortissants russes ont établi leur résidence permanente au Royaume-Uni. Le flot d’accusations et de reproches adressé ces derniers temps à Moscou par les politiciens et les médias britanniques se répercute sur l’attitude de la population envers les Russes. Est-il facile d’être un Russe en Grande-Bretagne d’aujourd’hui?

«Il a jeté mon pain sur le comptoir»

Les Russes suscitaient une certaine méfiance par le passé, alors qu'aujourd'hui ils font face à une hostilité ouverte, affirme Mikhaïl, entrepreneur de Londres qui témoigne sous couvert d'anonymat.

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«Il n'y a pas longtemps un employé d'un magasin m'a demandé d'où je venais après avoir entendu mon accent. Quand j'ai dit que j'étais russe, il a littérairement jeté mon pain sur le comptoir. Un chauffeur de taxi m'a ouvertement posé la question suivante: "Qu'est-ce que vous vous permettez dans notre pays?" On fait sans cesse face à des situations de ce genre, et l'attitude des Britanniques ne cesse d'empirer. Des rumeurs terribles circulent, selon lesquelles les skinheads britanniques attaqueraient les Russes», explique-t-il.

Les Britanniques ont en effet changé d'attitude envers les Russes, notamment à cause des médias, souligne Sergueï Bouravlev, habitant de Londres. La télé et la radio débattent sans cesse du scandale et des commanditaires présumés de la tentative d'assassinat de Sergueï Skripal.

© REUTERS / Peter NichollsDes policiers aux abords de la maison de Sergueï Skripal à Salisbury
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«Les Anglais ont confiance en leurs médias. Si ces derniers disent que les Russes sont mauvais, c'est que cela doit être le cas», poursuit Sergueï Bouravlev.

Et d'ajouter: «On présente aux Britanniques des informations selon lesquelles la Russie aurait utilisé une arme chimique contre eux sur le territoire de leur pays. Cette propagande agressive est diffusée largement, ce qui se répercute sur nos compatriotes. Je n'ai jamais vu une dégradation si considérable des relations entre deux pays, ni une rhétorique antirusse aussi forte. Ces dernières semaines, on m'a plus d'une fois demandé pourquoi les Russes "tuaient d'autres Russes". On rappelle également sans cesse l'affaire Litvinenko».

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La sécurité des Russes au Royaume-Uni suscite en effet de l'inquiétude: beaucoup de policiers et d'agents en civil étaient présents à l'ambassade russe le jour des élections présidentielles.

«Je ne crois pas que Poutine me menace»

Dans ce contexte hystérique, l'entrepreneur russe Valeri Morozov, habitant de Guildford (comté du Surrey), a brusquement attiré l'attention des médias britanniques. Plusieurs quotidiens ont indiqué qu'il avait reçu des menaces par e-mail.

Valeri Morozov a ainsi reçu un courriel écrit dans un russe très mauvais, qui mentionnait l'affaire Skripal et exigeait de transférer deux Bitcoins à l'adresse indiquée sous quatre heures.

La police britannique a pris ce cas très au sérieux et a offert à Valeri Morozov la protection de l'État. Il a ignoré le premier courriel, mais en a reçu plus tard un deuxième, en anglais: «Est-ce que tu te fous vraiment de ce qui se passera avec toi? Nous attendons ta confirmation».

© PhotoValeri Morozov a reçu un courriel écrit dans un russe très mauvais, qui mentionnait l'affaire Skripal et exigeait de transférer deux Bitcoins à l'adresse indiquée sous quatre heures
Valeri Morozov a reçu un courriel écrit dans un russe très mauvais, qui mentionnait l'affaire Skripal et exigeait de transférer deux Bitcoins à l'adresse indiquée sous quatre heures - Sputnik Afrique
Valeri Morozov a reçu un courriel écrit dans un russe très mauvais, qui mentionnait l'affaire Skripal et exigeait de transférer deux Bitcoins à l'adresse indiquée sous quatre heures

«Je ne crois pas qu'il s'agisse des services secrets russes qui suivent les ordres de Poutine. Quelqu'un — des criminels et des escrocs — tente probablement de profiter de la situation», estime-t-il.

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Un jour, Valeri Morozov a même parlé à Sergueï Skripal: ils se sont rencontrés et se sont connus par hasard. La conversation avec cet ancien espion russe a laissé une impression mitigée à l'entrepreneur.

«D'un côté, il est un homme très communicatif et ouvert. D'autre côté, il a mentionné qu'il était conseiller de sécurité dans une société américano-britannique et qu'il avait des liens avec des agents des services secrets ou des renseignements. Je n'ai pas vraiment aimé tout cela et j'ai préféré ne plus le recroiser», raconte Valeri Morozov.

Selon lui, les autorités britanniques se sont trop empressées d'accuser le pouvoir russe de la tentative d'assassinat de Sergueï Skripal et de sa fille: «Ils tirent rapidement des conclusions sans avoir examiné les faits. En résultat, ils ont fait une crasse au président Poutine et à la première ministre Theresa May».

© Sputnik . Vladimir ArdaevValeri Morozov
Valeri Morozov - Sputnik Afrique
Valeri Morozov

«Ils s'empressent trop»

«On ne peut pas dire que des nuages s'accumulent autour de nous: c'est la situation globale qui devient inquiétante. Les hauts fonctionnaires tels que Boris Johnson avancent sans cesse des accusations sans s'encombrer de preuves. En résultat, les gens n'arrivent à comprendre ce qui se passe et s'inquiètent de plus en plus du climat de confrontation. Ils ont peur d'une escalade, en Syrie, en Ukraine ou ailleurs, où l'on pourrait constater une confrontation frontale de la Russie avec la Grande-Bretagne et les États-Unis», estime Valeri Morozov.

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Dmiri Gololobov, juriste, professeur de droit à l'Université de Westminster et ancien chef du département juridique de Ioukos, est du même avis. Il a quitté la Russie en 2004 suite au lancement de l'enquête sur les dirigeants de son entreprise. Selon lui, peu de gens pensent réellement que le Kremlin est derrière cette tentative d'assassinat: «Même les chauffeurs de taxi me disent que ce n'est pas dans le style des Russes».

Il pense que cette crise russo-britannique est provisoire et que les relations se normaliseront dans quelques années: «Il s'agit tout simplement d'un nouveau cycle d'aggravation: j'en ai déjà vécu plusieurs, notamment après le meurtre de l'ancien agent du KGB Alexandre Litvinenko».

«On transforme la Russie en ennemi»

«Pour le moment, toutes les réaction négatives se cantonnent aux réseaux sociaux et proviennent des Russes. Les Britanniques sont un peuple plus correct et affichent rarement un penchant pour l'hystérie. Beaucoup d'eux veulent élucider réellement les faits et obtenir des preuves. Les policiers britanniques m'appellent tous les jours pour savoir si tout va bien avec moi et les membres de notre association. Ils me prient de leur indiquer immédiatement toute atteinte à nos droits au Royaume-Uni et promettent de nous offrir leur protection», indique Oksana Gouli-Francis, présidente de l'association des compatriotes russes en Grande-Bretagne.

© Photo Archive personnelDmiri Gololobov
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Elle voudrait bien que la Russie et la Grande-Bretagne trouvent un moyen de résoudre toutes les questions par la voie diplomatique et enquêter ensemble sur ce crime, en partageant les faits et les découvertes. Selon elle, «il est pénible de voir qu'on transforme la Russie en ennemi».

«Beaucoup de Britanniques ont confiance en leurs médias sans aucun regard critique, mais c'est une tendance générale dans le monde. En même temps, la plupart des Britanniques savent que des mauvaises personnes existent partout, mais qu'on ne peut pas juger de toute la nation en se basant sur leur exemple. C'est pourquoi normalement, ils ne dépassent pas les limites dans les relations personnelles», souligne Ioulia Pliyaouksta du comité «Héritage russe au Royaume-Uni».

«Personnellement, je n'ai entendu rien d'offensant. Une amie m'a pourtant raconté une mauvaise blague qu'on lui avait adressée: «Vous les Russes, qui envisagez-vous encore d'empoisonner?».

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