En République démocratique du Congo (RDC), le départ du président Joseph Kabila ne cesse d'être reporté. Les obsèques de son principal opposant, aussi. Décédé le 1er février 2017 à Bruxelles, Etienne Tshisekedi n'a toujours pas rejoint la terre de ses ancêtres, et c'est dans un funérarium de Bruxelles que sa dépouille «repose». Le corps a été embaumé de sorte qu'il puisse tenir pendant une quinzaine de jours. À l'époque, on pensait le rapatriement imminent.
Depuis, c'est «le silence radio» de la part des autorités, regrette dans une déclaration à Sputnik, Michee Mulumba de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti d'Etienne Tshisekedi,
«Nous sommes tributaires du pouvoir pour organiser l'enterrement. Il est impossible de procéder au rapatriement, en l'absence de l'accord donné par le gouvernement. On aura besoin de l'apport de l'État, ne serait-ce que pour contenir la foule qui viendra rendre hommage au défunt», a déclaré Michee Mulumba, assistant et attaché de presse de Felix Tshisekedi, fils d'Étienne et candidat à sa succession à la tête du parti.
Le rapatriement de la dépouille de Tshisekedi peut constituer un élément fédérateur pour une opposition politique morcelée. Tant la stature, la symbolique que le rôle historique de Tshisekedi feront que l'opposition se regroupera contre (le Président Joseph) Kabila», souligne de son côté, Siaka Coulibaly, analyste politique burkinabè, spécialiste de l'Afrique subsaharienne, dans une déclaration à Sputnik.
Une mission post-mortem, somme toute, pour celui qui se faisait appeler «Le Sphinx de Limete», dont on craint qu'il renaisse de ses cendres à l'occasion de son dernier voyage. Icône de la vie politique congolaise, Etienne Tshiskedi avait eu tout sauf un parcours linéaire.
Du côté du pouvoir, on décrie «l'instrumentalisation politique» de la mort du leader de l'opposition, tout en assurant que la décision de le rapatrier revient à ses proches. Pourtant, assure Michee Mulumba à Sputnik, des conditions politiques préalables au rapatriement de Tshisekedi ne sont plus à l'ordre du jour. Cela n'a pas toujours été le cas. Quelques jours après la disparition du leader de l'opposition, des cadres du parti exigeaient que son fils hérite du poste de Premier ministre pour lequel était pressenti son père. à la question de savoir si l'opposition assumait une partie de responsabilité en jouant la carte de la politisation, Siaka Coulibaly estime qu'
«On peut voir les choses sous cet angle, certes. En même temps, il apparaît difficile de dépolitiser Tshisekedi même après sa mort, étant donné la stature dont il bénéficie. Il est difficile de ne pas considérer sa mort et son enterrement, comme politiques.»
Le climat politique est extrêmement tendu en RDC depuis que le dernier mandat de Joseph Kabila est arrivé à son terme, en décembre 2016. Le pouvoir a argué d'obstacles techniques empêchant la tenue d'élections. L'Accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016, prévoyant des élections pour la fin de l'année 2017, n'a pu également être respecté, alimentant encore plus les tensions. L'opposition accuse le régime de recourir à des atermoiements pour maintenir Kabila à la tête du pays.
«On peut craindre que tant que les élections n'auront pas eu lieu, il n'y aura pas de rapatriement de la dépouille de Tshisekedi, les deux évènements étant liés», conclut Coulibaly.