L'eldorado des cryptomonnaies est-il révolu? Après la Corée du Sud, le Japon, l'Inde, la Chine, la Russie et l'Angleterre, c'est à présent au tour de la France de se pencher sur l'encadrement des cryptomonnaies. Dans un rapport publié lundi 5 mars, la Banque de France (BNF) préconise un changement drastique de l'approche des régulateurs, tant français qu'internationaux, à l'égard du Bitcoin et de ses pairs —les «cryptoactifs», la BNF se refusant à employer le terme de cryptomonnaies.
«En ce qui concerne les produits d'épargne, on doit se poser la question de l'interdiction de toute commercialisation dans des véhicules collectifs à destination du grand public, pour réserver ces véhicules aux investisseurs les plus avertis», avance le rapport.
La BNF n'oublie pas non plus la planète, soulignant le «coût environnemental» du «minage» de ces cryptoactifs (leur création par le partage des ressources informatiques sur la toile), qui rappelle-t-elle, à grand renfort de Code monétaire et financier, n'ont pas cours légal en France.
«Pour la validation d'une seule opération en bitcoin, la consommation d'électricité était estimée en décembre 2017 à 215 kWh, l'équivalent de six mois de travail sur un ordinateur allumé jour et nuit,» souligne le rapport.
Principale raison appelant à ce tour de vis, aux yeux de la BNF, les importantes fluctuations des cours de ces monnaies virtuelles observés ces derniers mois.
Un effet «yo-yo» qui n'est pas du goût de l'institution monétaire française, qui voit en ces cryptoactifs des «vecteurs de risques financiers»- pour reprendre les termes employés par son sous-gouverneur, Denis Beau, lors d'un point presse le 5 mars et cités par l'AFP:
«Les cryptoactifs sont des vecteurs de risques financiers (…) qui doivent conduire leurs utilisateurs et leurs prestataires de services à la plus grande vigilance»
Des prestataires particulièrement ciblées par la BNF, à savoir les plateformes d'échanges, permettant la conversion et la conservation de ces cryptoactifs, sans oublier les placements et les Initial Coin Offering (ICO)- ces appels de fonds publics réalisés en cryptomonnaies. Ainsi, la BNF propose-t-elle dans son rapport de mieux réglementer ces plateformes en créant un «statut de prestataires de services en cryptoactifs».
Une accréditation des plateformes d'échange qui rappelle celle mise en place par les autorités japonaises en 2017 afin d'éviter que ne se reproduises des piratages —faute d'un niveau de sécurité adéquat- tels que ceux de la plateforme tokyoïte MtGox, qui s'est fait siphonner pas moins de 630.000 bitcoins entre 2011 et 2013.
D'ailleurs, la plateforme japonaise Coincheck, qui s'est fait dérober le 26 janvier pour 534 millions de dollars de NEMs- une des 1.300 cryptomonnaies actuellement en circulation- s'était attiré les foudres de l'Agence des services financiers (FSA) —le régulateur financier nippon- qui avait mis en garde la plateforme contre des failles de sécurité.
«Ces évolutions récentes, ainsi que le développement rapide d'une bulle spéculative, appellent aujourd'hui les régulateurs et superviseurs du système financier à s'interroger sur une évolution du cadre réglementaire adapté à l'essor de ces actifs, dans une démarche concertée à l'échelle européenne et internationale,» note le rapport.
Estimant «souhaitable» le développement d'une «coordination européenne et internationale», le sujet sera abordé, à la demande des ministres des Finances de la France et de l'Allemagne, lors du sommet du G20 Finances qui se tiendra les 19 et 20 mars à Buenos Aires.
On notera également que la BNF n'est pas la seule à s'être récemment inquiétée en Europe de la volatilité des cryptomonnaies. Le 2 Mars, depuis les locaux londoniens de Bloomberg, Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre (BOE), appelait à plus de régulation afin de mettre fin à l'«anarchie» des cryptomonnaies. Le 19 février, devant un parterre d'étudiants de la Regent's University à Londres, Mark Carney estimait que le Bitcoin avait «échoué» à s'imposer comme monnaie.