Dans son dernier rapport, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, s'alarme une nouvelle fois des conséquences de la surpopulation carcérale et appelle à une transformation profonde de la politique pénale. La mobilisation des surveillants pénitentiaires pour de meilleures conditions de travail a également mis en lumière l'état funeste du système carcéral français. Face à ce constat, faut-il créer de nouvelles places en prison ou au contraire moins incarcérer en développant des alternatives à la détention?
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Xavier Raufer, criminologue et directeur d'études à l'Université Paris II, et François Korber, délégué général de l'association Robin des lois, juriste et ancien détenu.
Xavier Raufer et François Korber partagent le constat que certains détenus ne devraient pas être en prison. Ainsi, pour le criminologue, «à l'heure actuelle, dans les prisons françaises, il y a énormément de gens qui n'ont rien à y faire. Les critères selon lesquels on incarcère aujourd'hui sont antédiluviens. Nous les criminologues, nous pensons qu'il faudrait attribuer les peines de prison en priorité aux gens qui doivent y aller pour des besoins de défense de la société, à savoir ceux que nous qualifions de "prédateurs violents".» Néanmoins, Xavier Raufer appelle avant toute chose à un diagnostic: «Il faut commencer par savoir dans quel état se trouve la criminalité et la délinquance en France avant d'envisager des solutions.»
François Korber, lui, appelle à s'inspirer de certains voisins européens: «Il y a des pays d'Europe du Nord qui ferment des prisons alors qu'ils ont les mêmes problèmes de délinquance que nous. Aux Pays-Bas par exemple, la priorité est mise sur la prévention. Pour éviter que des gens fragiles passent à l'acte, au lieu de les laisser dans la rue, on les aide, on les encadre, on les soigne, on les accompagne. Plutôt que de donner des leçons de droits de l'homme à la terre entière, la France devrait faire comme l'Islande, l'Irlande, la Norvège, la Suisse ou les Pays-Bas, on n'est pas plus bêtes qu'eux.»
Jacques Sapir fait par ailleurs remarquer que «l'un des grands paradoxes de la situation française, c'est que plus on incarcère, plus il faut à nouveau incarcérer. Le problème de la surpopulation carcérale ne semble pas se régler avec les créations de places.»