Le 10 janvier la Première ministre norvégienne Erna Solberg s'est rendue aux États-Unis pour discuter avec Donald Trump des sujets importants de leurs relations bilatérales, y compris de la présence militaire américaine dans ce pays scandinave dont la plus grande partie du territoire se trouve au-delà du cercle arctique. Cette rencontre peut être considérée comme un signe des inquiétudes des États-Unis et de leurs alliés, nourries par le renforcement des autres acteurs globaux en Arctique.
La défense avant tout
La question du renforcement de l'aide américaine à la Norvège a été l'un des sujets principaux discutés par Erna Solberg et Donald Trump. En 2018, les États-Unis entendent allouer plus de 4,6 milliards de dollars, dont 7 millions pour doter leurs militaires de skis et d'autres équipements d'hiver, afin de renforcer le système de «contention» de la Russie sur le territoire norvégien, partenaire clé des États-Unis dans la région. Actuellement, il y a 300 Marines américains sur le territoire norvégien déployés depuis janvier 2017.
La Russie a proclamé que la défense de ses frontières en Arctique était l'une de ses priorités dans le domaine de la sécurité nationale et avance rapidement dans la mise en œuvre de ses projets ambitieux.
«Il y a des ordres importants concernant l'aménagement de certaines régions. Je parle de l'Arctique, des îles dans l'est du pays et, bien sûr, de tout ce qui concerne le renforcement de nos frontières occidentales», a déclaré le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, en décembre 2017.
En 2017, la Russie a ouvert sa deuxième base militaire dans la région, le «Trèfle Arctique», sur l'archipel François-Joseph. L'autre base, «Le Trèfle à quatre feuilles du Nord», sur l'île Kotelny, abandonnée après la chute de l'URSS, a été officiellement rouverte en 2016.
Ce progrès de la Russie sous-tend la stratégie de dissuasion dont ont parlé Erna Solberg et Donald Trump.
«Nous sommes si heureux d'avoir les Marines américains stationnés en Norvège du fait que c'est une partie de la stratégie de dissuasion garantissant que nous n'aurons pas de guerre dans l'avenir», a déclaré Mme Solberg lors sa conférence de presse conjointe avec le Président américain.
Donald Trump a également souligné le rôle des militaires américains déployés en Norvège dans la prévention d'une guerre.
«Nous renforçons notre présence militaire jusqu'à un point jamais atteint auparavant», a déclaré le Président américain, tout en reniant la possibilité de déclencher une guerre avec la Russie en Arctique.
Brrr! 😱 @USMC #Marines break the ice during monthlong Exercise Ymir Viking 2017 in #Norway. 🇳🇴 pic.twitter.com/Qr2BDIGePV
— U.S. Dept of Defense (@DeptofDefense) 29 ноября 2017 г.
Fin décembre 2017, le général américain Robert Neller a déclaré que les Marines américains déployés en Norvège devaient être prêts à «une bagarre dure» avec des ennemis étrangers, faisant allusion à la Russie.
Bien que le Président américain paraisse être certain qu'il n'y aura pas de conflit militaire en Arctique, la confrontation économique bat déjà son plein.
La course aux brise-glaces
Le développement du transport maritime en Arctique est une autre question brûlante pour de nombreux pays. La fonte des glaces dans la région, bien qu'inquiétante, ouvre de nouvelles possibilités pour le transport et le commerce international. Plusieurs pays asiatiques entendent profiter des voies arctiques pour réduire les délais d'acheminement de leurs marchandises vers les consommateurs dans d'autres régions, tandis que la Russie veut tirer parti de sa position géographique.
La Russie envisage d'augmenter le volume de marchandises transportées par la route maritime du nord de sept fois jusqu'à 2030. C'est la raison pour laquelle elle développe son infrastructure portuaire afin de rendre le transit par cette voie encore plus attractif pour d'autres pays.
Bien que la navigation sur la route maritime du nord ne soit aujourd'hui ouverte que durant quelques mois par an, de plus en plus de pays s'intéressent déjà à l'utilisation de cette route maritime. Un exemple éloquent est celui de la Chine, qui cherche des voies alternatives pour acheminer ses marchandises vers l'Europe. En juin 2017, ce pays asiatique a inclus l'Arctique dans son projet des nouvelles routes de soie. Afin de maîtriser cette «route de la soie sur glace», elle renforce sa flotte de brise-glaces. La construction de son deuxième brise-glace domestique, Xuelong 2 («Le dragon des neiges»), doit être achevée en 2019.Aujourd'hui la Chine possède trois brise-glaces légers.
La Russie reste toutefois le leader en terme de flotte de brise-glaces, possédant 40 navires de ce type et en construisant encore 11. En septembre 2016, un brise-glace nucléaire dernier cri nommé «Arctique» a été mis à flot.
«Cela ouvre de nouvelles possibilités pour notre pays en ce qui concerne les garanties de sa défense et de la circulation en toutes saisons, pour le développement économique de notre pays dans cette région d'importance exceptionnelle pour la Russie et le monde entier», a précisé Sergei Kirienko, directeur du conglomérat nucléaire public russe Rosatom, à l'occasion du lancement de ce nouveau brise-glace nucléaire.
Les progrès atteints par la Russie et la Chine dans le développement de leurs capacités de transport par l'Océan Arctique font jalouser les États-Unis. Ce pays, ayant un seul brise-glace opérationnel, admet être en retard en cette matière.
«La Russie a déclaré cela comme étant sa priorité stratégique. Même les Chinois construisent des brise-glaces… ils comprennent l'importance de ces voies. Nous sommes donc très en retard», a déploré le Secrétaire d'État américain Rex Tillerson.
En quête d'énergie
L'Arctique peut véritablement être considéré comme le «grenier» de ressources de notre Planète, abritant près du quart des réserves mondiales de gaz et de pétrole. Pourtant, l'exploitation de ces ressources provoque des difficultés du fait des conditions climatiques et de leur emplacement sous-marin.
«Ce travail encouragera l'exploration et la production responsable d'énergie afin de renforcer les positions des États-Unis en tant que puissance énergétique globale et de garantir la sécurité au profit des citoyens américains», a déclaré Donald Trump.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a réussi à tenir ses promesses. En novembre dernier, la compagnie italienne Eni a obtenu une licence pour un gisement situé sur le plateau continental américain en Arctique. Néanmoins, le bras de fer entre les compagnies énergétiques et les écologistes semble être loin d'être terminé.
C'est la Norvège qui paraît être l'acteur le plus expérimenté en termes d'exploitation de pétrole et de gaz en Arctique. Ce pays a une expérience de longue date de production d'hydrocarbures dans la mer du Nord. Désormais, la Norvège place ses espérances sur l'exploitation des ressources de la mer de Barents, en Arctique, en voyant sa production de pétrole divisée par deux depuis 2000. En décembre dernier, la compagnie publique norvégienne Statoil a approuvé le projet Johan Castberg, qui prévoit l'exploitation du plus grand gisement sous-marin au monde.
La Russie s'empresse également d'explorer les ressources de sa vaste région arctique. La production de pétrole et de gaz en Arctique est censée contribuer au développement économique de la région prévu par la stratégie du développement de la zone arctique de la Russie jusqu'à 2020.
En décembre dernier la société gazière russe Novatek a inauguré la première usine de production de gaz liquéfié Yamal GNL située en Arctique, qui a été construite avec la participation de compagnies énergétiques étrangères, comme le français Total et le chinois CNPC, ce qui témoigne de l'intérêt porté par elles à la coopération avec la Russie en matière d'exploitation des ressources en Arctique.
Néanmoins, plusieurs compagnies occidentales ont été obligées de se retirer de plusieurs projets dans l'Arctique russe à cause des sanctions qui interdisent notamment le transfert des technologies de la récupération de pétrole sous-marin. Par exemple, le géant américain ExxonMobile s'est retiré en 2014 des projets prometteurs dans la mer de Kara développés avec Rosneft.
Le taux bas du pétrole n'a pas contribué non plus au développement des projets arctiques, beaucoup d'entre eux, comme le gisement de Chtokmann, étant suspendu pour un délai inconnu.
Dans cette situation, la Russie est poussée à renforcer sa coopération avec la Chine, qui lorgne sur les gisements arctiques russes. Ce pays, dépendant dans une grande mesure des importations de ressources énergétiques, s'est déjà proclamée comme un pays «quasi-Arctique», estimant que les ressources de la région appartiennent à tous les peuples du monde.
Pour le moment, la Chine n'a participé qu'à un seul projet en Arctique, Yamal GNL. Mais cet exemple atteste de la volonté des sociétés chinoises d'investir dans les projets arctiques russes, d'autant plus que la Russie, s'étant vu interdire l'accès aux technologies occidentales, est prête à acheter l'équipement fabriqué en Chine.
A mesure que les glaces en Arctique fondent, les grandes puissances deviennent de plus en plus actives dans cette région, ce qui peut faire penser à une nouvelle guerre, susceptible d'être très froide.
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