L’étonnant train de vie des membres de la Cour des comptes européenne

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10 euros - Sputnik Afrique, 1920, 28.11.2021
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Selon une enquête publiée par Libération, plusieurs membres de la Cour des comptes européenne auraient touché des primes et des rémunérations diverses indues dans le cadre de leurs fonctions.
C’est une affaire embarrassante dont l’Union européenne se passerait bien. Au terme d’une enquête de plusieurs mois, le journal Libération a rendu publiques le 26 novembre les conclusions de son investigation. Le président de cette institution, l’allemand Klaus-Heiner Lehne, est soupçonné d’occuper fictivement un duplex avec trois autres membres de son cabinet au Luxembourg et d’empocher au passage les indemnités de logement mensuelles correspondant à 15% de leur salaire soit respectivement 3.600 euros pour Lehne et 3.364 euros pour les autres personnes concernées.
Il faut ajouter à ceci une prime de 40.000 euros relative aux frais de déménagement et d’installation. Libération précise que les sommes indues perçues par Lehne depuis sa prise de fonctions en 2014, avant de devenir le président de la Cour des comptes européenne, atteignent plus de 325.000 euros. Le journal ajoute qu’il passe la majeure partie de son temps à Düsseldorf en Allemagne où il resterait encore actif au sein de son parti de la CDU, ce qui est contraire aux normes éthiques exigées.
En septembre dernier, Karel Pinxten, membre belge de la Cour des comptes européenne entre 2006 et 2018, a été condamné par la Cour de justice européenne (CUJE) pour avoir continué à assister aux réunions politiques de son parti, le parti libéral flamand (Open VLD). Il lui a été par ailleurs reproché d’avoir indûment perçu de l’institution 473.000 euros qui correspondent à des frais de cartes de carburants, notes de frais abusives et conflits d’intérêts. La CUJE lui a amputé les deux tiers de ses droits de pension liés à ses mandats à la Cour des comptes européenne.

Un train de vie étonnant

Selon Libération, Karel Pinxten a assuré devant la CUJE n’être qu’un bouc émissaire et "qu’il n’avait fait que se conformer aux usages en vigueur". Dans cette enquête, on y découvre des remboursements de frais qui semblent incompatibles avec la fonction et qui d’après les règles internes de la CCE devraient être assumés par ses membres. Ainsi le journal relate que la Bulgare Iliana Ivanova a facturé 1.838 euros la célébration de sa fête nationale en 2020 tandis que la Hongroise Ildikó Gáll-Pelcz a fait réaliser une vidéo sur la révolution de son pays pour un montant de 1.300 euros. Par ailleurs, on apprend que 13 membres ont pris des cours de français entre 2018 et 2020 pour un montant de 55.000 euros alors que l’usage en a été supprimé lors des réunions plénières de la Cour.
Cependant, selon Libération, les abus à grande échelle concernent les voitures de fonction avec chauffeur qui sont attribuées à chaque membre et dont il est reproché l’usage très fréquent à des fins privées. Il faut noter que pour cela, la Cour des comptes européenne se contente de prélever 100 euros par mois sur le salaire des membres, une somme bien dérisoire au regard des sommes touchées, mais surtout par rapport aux frais de fonctionnement engendrés par ces véhicules. Lorsque le membre letton de la Cour, Mihailis Kozlovs a voulu contrôler l’usage des fonds qui sont gérés par sa femme, une lettre anonyme l’a convaincu d’y renoncer.

Un précédent impliquant Édith Cresson

Édith Cresson était commissaire européenne entre 1995 et 1999, chargée de la Science, de la Recherche et du Développement. Durant son mandat, elle avait nommé un ami de longue date, René Berthelot, dentiste à Châtellerault dont Mme Cresson était maire entre 1983 et 1997, au DG XII (Direction chargée de la science, de la recherche et du développement) puis au Centre commun de la recherche (CCR). Embauché par Mme Cresson au titre de "visiteur scientifique", il aurait effectué 15 missions en 1996, essentiellement à Châtellerault. Toutefois, lorsqu’on a demandé à Mme Cresson de fournir les justificatifs de ces missions en mars 1999, seule une note sur l’innovation en Poitou-Charentes était référencée. En 1997, M Berthelot est tombé gravement malade et n’a pu poursuivre ses travaux. L’intéressé qui, entre temps a vu sa rémunération passer de 20.000 à 40.000 francs par mois a continué à être rémunéré malgré son état de santé avant de mettre lui-même fin à son contrat en décembre 1997. Le fils de M Berthelot, Philippe, avait dès octobre 1997 été embauché comme auxiliaire au DG XII. Il avait alors expliqué dans L’Express être incapable d’expliquer sa fonction:

"Je travaillais au service du personnel; j'avais un emploi uniquement administratif, en aucun cas un emploi fictif. Si vous voulez avoir le détail, voyez avec le cabinet."

Philippe Berthelot
En plus du chef d’accusation de népotisme, Édith Cresson avait été accusée de favoritisme dans le cadre d’attribution de trois contrats confiés à un avocat d'affaires luxembourgeois et présumés douteux. Ce scandale avait entraîné la démission collective en mars 1999 de la commission Santer. En 2000, Mme Cresson avait été inculpée par la justice belge pour corruption dans un premier temps avant que les charges contre elle ne soient abandonnées en 2004. En 2006, la Cour de justice européenne l’avait finalement condamnée pour emploi fictif sans la moindre sanction pécuniaire alors que la Commission souhaitait la suppression totale de ses droits à la retraite.

Réactions politiques

Suite à ces révélations de Libération, le monde politique français est consterné à l’image de Florian Philippot.
L’eurodéputée Manon Aubry a qualifié l’Union européenne de "trou noir éthique".
Michèle Rivasi, également eurodéputée se dit "choquée par les fraudes en cascades des membres de la Cour des comptes de l'UE"
Enfin, François Asselineau se demande si la Cour des comptes européenne est vérolée de l’intérieur.
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