Prolongation du pass sanitaire: le gouvernement joue-t-il avec la démocratie?

© SputnikNeuvième week-end de mobilisation contre le pass sanitaire à Paris, le 11 septembre 2021
Neuvième week-end de mobilisation contre le pass sanitaire à Paris, le 11 septembre 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 04.11.2021
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Faisant fi des correctifs apportés par le Sénat au projet de loi "vigilance sanitaire", l’Assemblée nationale l’a adopté dans sa version initiale. Le député LR Éric Pauget dénonce l’entêtement de l’exécutif à maintenir un texte unanimement décrié.

"Ils n’écoutent pas, ils n’entendent pas, ils restent dans leurs certitudes."

Éric Pauget, député Les Républicains, ne comprend toujours pas le choix de la majorité de voter, dans la nuit du 3 au 4 novembre, le texte de loi "vigilance sanitaire"… dans sa version initiale. En effet, le Sénat avait amendé ce dispositif, en fixant notamment au 28 février le prolongement du pass sanitaire, au lieu du 31 juillet 2022. Ou encore en proposant de l’appliquer uniquement dans les départements où le virus circule activement et dans ceux qui affichent moins de 80% vaccinés parmi les plus de 12 ans.
Les députés ont donc enterré toutes ces modifications, au grand dam des sénateurs. "Le Sénat ne joue plus son rôle" de contre-pouvoir, regrette Éric Pauget au micro de Sputnik.
Un point de vue également partagé par Danièle Obono, député La France insoumise, sur Twitter.

Un gouvernement aux ordres de Jupiter?

L’élue de Paris a déclaré: "Le Parlement vient d'être dessaisi de ses pouvoirs de contrôle d'un gouvernement aux ordres d'un monarque présidentiel qui se prend pour Jupiter. Les Playmobil applaudissent un pass sanitaire autoritaire qui fracture le pays."
La députée socialiste Lamia El Aaraje a, quant à elle, accusé la majorité de "jouer avec la démocratie".

"Sur un sujet comme celui-ci, ils auraient pu jouer la carte du consensus, en se disant que c’est un problème de santé publique et sanitaire, et non un sujet polémique et politique", se désole le député des Alpes-Maritimes.

Or, selon Éric Pauget, certains députés au sein même de la majorité lui ont confié être mal à l’aise avec ce texte. Notamment sur la mesure controversée autorisant les directeurs d'établissements scolaires à accéder au statut vaccinal et virologique des élèves. Signe de ce climat de suspicion: le projet de loi a été adopté à 147 voix pour, et 125 voix contre, alors que le groupe LREM comprend 350 députés. "Même s’ils étaient plus mobilisés qu’il y a quinze jours, c’est d’ailleurs la première fois que je voyais autant de monde dans l’hémicycle à un horaire aussi avancé, ce vote n’est pas d’une netteté extraordinaire", observe-t-il.
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D’autant plus que, lors de la première lecture du texte, le 20 octobre dernier, son adoption par l’Assemblée nationale s’était faite de justesse avec 135 voix pour et 125 contre. Pis, l'article 2, qui prévoit la possibilité de recourir au pass sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022, a failli être retoqué à une voix près (74 pour et 73 contre). L’exécutif a donc échappé de justesse à un camouflet retentissant!

Éviter les polémiques avant la présidentielle?

"Je ne comprends donc pas pourquoi il y a cette obstination, cet entêtement, alors que tous les groupes d’opposition à la majorité, de l’extrême gauche à l’extrême droite, sont unanimes sur le sujet", s’interroge Éric Pauget.

"Je ne remets pas en cause le fait qu’il faut que l’on se prémunisse, si jamais l’épidémie redémarre. Mais on aurait pu introduire une clause de revoyure à fin février 2022, qui était cohérente par rapport à la fin des travaux de l’Assemblée", poursuit notre interlocuteur.

Alors comment expliquer ce choix, aux allures très politiques? "Aujourd’hui, ils se donnent l’outil et le cadre afin enjamber deux grands moments démocratiques qui sont l’élection présidentielle et l’élection législative. Selon ce qu’il se passe en termes d’épidémie, ils pourront prendre des ordonnances. […] Mais il n’y aura pas de débats, ni de votes, ni de nouvelles lois à l’Assemblée", prévient Éric Pauget.

"Je pense qu’ils ne veulent pas laisser la possibilité de rouvrir un sujet d’éventuelle polémique en février, à un mois et demi la présidentielle", résume le député.

Reste que l’élu des Alpes-Maritimes fustige la "vision du pouvoir, assez dirigiste", du gouvernement: "Ce texte est la confirmation d’une tendance qui existe depuis le début de ce quinquennat. À savoir, ne pas trop s’embêter avec le rythme parlementaire, avoir recours aux ordonnances, etc." Néanmoins, les Français pourraient-ils sanctionner cette méthode de gouvernement? Rien n’est moins sûr à en croire le député: "Si, malheureusement, ils utilisent le pass sanitaire, je pense que le débat va réapparaître. Si ce n’est pas le cas, les Français oublieront, malheureusement."
Les sénateurs doivent de nouveau se prononcer sur le texte ce jeudi 4 novembre. Selon les informations de Public Sénat, il devrait être rejeté via l’adoption d’une question préalable, ce qui équivaut à un rejet de l’ensemble du texte. L’Assemblée nationale aura cependant le dernier mot lors d’une lecture définitive du texte le 5 novembre, pour une promulgation le 15 novembre 2021, avant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
L’opposition parlementaire a d’ores et déjà fait part de sa volonté de déposer des recours auprès du Conseil constitutionnel.
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