Le Maroc face à la fermeture du robinet de gaz algérien: un casse-tête à convertir en opportunité?

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Une entreprise gazière (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 29.10.2021
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Les tensions entre l’Algérie et le Maroc continuent de faire couler beaucoup d’encre. Parmi les victimes collatérales de cette crise, le gazoduc Maghreb-Europe dont le contrat expire le 31 octobre. Comment le Maroc perçoit-il la décision algérienne? Sera-t-il à court de gaz dans les prochains jours? Comment compte-t-il combler ce manque?
L’annonce était attendue depuis plusieurs jours déjà, l’Algérie ne reconduira pas le contrat de gazoduc Maghreb-Europe qui approvisionnait l’Espagne via le royaume chérifien, a rapporté ce lundi 25 octobre, l’agence de presse Reuters. Une décision unilatérale, regrettée par l’Espagne et le Maroc qui voyait en ce gazoduc "un formidable outil de coopération gagnant-gagnant et un exemple de projet régional structurant et mutuellement bénéfique".
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Cet arrêt privera le Maroc de près de 800 millions de m3 de gaz algérien. Obtenu à un prix stable, il permettait d’alimenter deux centrales marocaines qui couvrent environ 10% de la production électrique, et d’obtenir entre 50 et 200 millions d’euros par an de "droits de passage", selon le média espagnol El Pais. Un chiffre qui varie toutefois en fonction de la quantité de gaz exportée. D’ailleurs, cette dernière a connu une baisse de 43% entre 2018 et 2019, selon le rapport de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM).
Pour Anas Abdoun, senior analyste chez Stratas Advisors et consultant indépendant établi à Casablanca, l’impact économique de cet arrêt ne sera pas aussi important que l’on veut le faire croire.
"Les royalties perçues par le Maroc n’ont jamais été des montants importants qui pèsent sur le budget de l’État. Avec un taux de prélèvement calculé à 7%, le Maroc percevait en moyenne ces cinq dernières années, aux alentours de 105 millions de $, ce qui est insignifiant pour le Royaume".
L’impact énergétique, lui, est en revanche plus conséquent en raison du délai court qui contraint les parties prenantes à trouver une solution dans l’urgence. Mais l’interlocuteur de Sputnik assure que les autorités marocaines ont eu le temps d’anticiper quelques options pour compenser l’importation algérienne, en attendant de trouver une véritable alternative.
Pour le court terme, "cela passera inéluctablement par une diversification des sources d’énergie [charbon, pétrole, importation d’électricité, ndlr] au détriment des engagements du Royaume relatif au Mix énergétique", explique-t-il.
Le Maroc se penche également sur d’autres options, parmi lesquelles l’exploitation du nouveau champ Tendrara qui sera exploré par le britannique Sound Energy. Prévue à partir de 2022, elle pourrait fournir un tiers des besoins de production d’électricité, soit environ 300 millions de m3 par an. Est également évoquée l’option du flux inversé, encore en discussion avec l’Espagne.
Pour le long terme, il s’agit d’une occasion pour le Royaume de renforcer sa souveraineté énergétique et son émergence géopolitique. Parmi les options existantes, celle du déploiement d’une unité flottante de stockage et de regazéification de gaz sur les côtes marocaines. Avec ce rebondissement, les Marocains sont convaincus de la nécessité d’importer du GNL, notamment du Qatar, et de le gazéifier au Maroc. "Un certain nombre d’acteurs clés du GNL sont déjà entré en contact avec le ministère de l’Énergie il y a quelques années pour la réalisation de ce projet", assure l’expert marocain qui précise qu'à travers ce projet, le Maroc pourrait devenir une plaque tournante du GNL en Méditerranée avec la construction, lancée en 2016, de Nador West Med.
Cela lui permettra également de diversifier ses partenaires et susciter l’intérêt des principaux acteurs énergétiques mondiaux tels que le Nigeria "qui pourra liquéfier son gaz au Maroc et profiter ainsi du marché européen…". Les Européens, quant à eux, pourraient "importer le gaz naturel russe, et passer par le Maroc pour profiter du terminal d’importation GNL. Des intérêts communs pourraient alors rapprocher davantage le Maroc et la Russie" conclut-il.
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Plan B pour l'Espagne

Perçue comme "irrationnelle" par les Marocains, la décision algérienne fait suite à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, à l’initiative de l’Algérie qui multiplie les mesures restrictives contre son voisin occidental, peu importe ce qu’il en coûtera à son économie. En effet, l’Algérie souhaite recourir au second gazoduc le liant à l’Espagne, MedGaz, dont la capacité maximale est de 8 milliards de m3 par an, mais passera à 10,5 milliards de mètres cubes au courant du mois de novembre 2021 à la faveur de l’entrée en fonction d'un quatrième turbocompresseur. En revanche, des retards en raison d’éventuels problèmes techniques sur les travaux ne sont pas à exclure. À ce titre, "un haut responsable du gouvernement algérien a rapporté qu’en cas de perturbation, l’Algérie utiliserait des navires pour transporter du GNL vers l’Espagne" écrivait Reuters. Une option qui induirait un coût plus important pour l’Algérie et alimenterait de nouvelles hausses des prix du GNL, selon des analystes cités par l’agence de presse.
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Par ailleurs, l’utilisation du GME comme arme économique pourrait conduire l’Espagne aussi à réfléchir à un plan B, d’après des observateurs espagnols. "Le gouvernement travaille sur un plan visant à diversifier les sources d'approvisionnement et à attirer des navires d'autres pays producteurs comme le Nigeria, le Qatar ou les États-Unis vers les ports espagnols" a écrit le quotidien en ligne espagnol elmundo.es ce jeudi 28 octobre.
"Quoi qu'ils en disent, l'approvisionnement en gaz naturel algérien n'est garanti ni en volume ni sous forme de livraison."
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