Au Québec, un cours sur la diversité aboli: une victoire des nationalistes face aux "wokes"?

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Bus scolaire - Sputnik Afrique, 1920, 28.10.2021
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Le gouvernement québécois a annoncé que l’enseignement d’éthique et culture religieuse au primaire et secondaire serait remplacé par un cours axé sur les "valeurs québécoises". Une réforme à l’origine d’une large polémique.
Le gouvernement Legault en avait fait une proposition centrale de son programme: après 13 ans d’existence controversée, le cours de primaire et secondaire consacré à l’apprentissage de la diversité sera aboli au Québec. Il sera remplacé à la rentrée 2023 par un enseignement intitulé Culture et citoyenneté québécoise. Il ne s’agira donc plus de promouvoir les cultures étrangères, mais la culture québécoise!

Un nouveau cours niant le "racisme systémique"?

Le nouvel enseignement vise à "mieux préparer" les élèves à exercer "pleinement et fièrement leur citoyenneté québécoise", selon les mots du ministre québécois de l’Éducation Jean-François Roberge.
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L’annonce suscite bien des réactions dans un Québec soucieux de la préservation du fait français, alors que la province est enclavée dans une Amérique du Nord largement dominée par la langue anglaise et la culture anglo-saxonne.
"L’ancien programme reposait sur l’appartenance à une confession religieuse qui définit notre identité. On ne peut plus tolérer ce genre de biais dans nos écoles", s’est justifié le ministre Roberge.
Militante pour la laïcité et pro abolition du cours d’éthique et culture religieuse (ECR), Nadia El-Mabrouk se réjouit au micro de Sputnik de la décision du gouvernement car cet enseignement nuisait, selon elle, à la cohésion sociale. En mai 2019, Mme Mabrouk avait vivement critiqué ce cours à l’Assemblée nationale.
"Le principal problème du cours d’éthique et culture religieuse est qu’il donnait au volet religion un statut prépondérant et participait à entretenir le communautarisme. En plus, cette appartenance religieuse est souvent dépeinte par des pratiques stéréotypées.. […] Dans les manuels scolaires du programme, les petites musulmanes sont représentées avec un voile sur la tête, les petits juifs avec une kippa, les petits chrétiens avec une croix, et les autochtones… avec des plumes!"
Nadia El-Mabrouk se dit satisfaite "de constater qu’il ne s’agira pas d’une simple mise à jour de l’ancien cours, mais d’un réel changement d’orientations et de vision".
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Un changement de vision qui est loin de plaire à tous. Ces derniers jours, des partis d’opposition et plusieurs éditorialistes ont critiqué le remplaçant du programme aboli. Pour la chroniqueuse Rose-Aimée Automne T. Morin, le nouvel enseignement axé sur la culture québécoise risque de nier le "racisme systémique". Un point de vue que partage la journaliste Émilie Nicolas du Devoir, selon qui il fera la promotion d’une vision dépassée du nationalisme québécois:
"On se demande s’il ne faudrait pas mettre plus de drapeaux dans nos écoles, s’assurer que leurs bâtiments soient plus ‘beaux’, mieux y enseigner l’histoire de la Nouvelle-France, en sortir les femmes qui portent le hidjab."
Mais selon Nadia El-Mabrouk, le nouveau cours n’aura rien de "raciste": "Je suis d’origine tunisienne, je suis fière d’être Tunisienne, et fière d’être Québécoise. Cela n’a rien d’exclusif", tranche-t-elle.
Le nouveau cours insiste, selon elle, avant tout sur la "pensée critique", bien que la vice-Première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, ait déclaré que la formation aurait "une petite saveur chauvine":
"Le ministre Roberge semble avoir pris acte du fait que l’ancien cours encourageait une certaine entrave à la liberté d’expression et cultivait des tabous […]. La volonté de lutter contre la culture du bannissement et de cultiver une réelle délibération citoyenne ressort clairement des orientations présentées. Quelle bouffée d’air frais!", se réjouit Nadia El-Mabrouk.
Qui plus est, le ministre québécois et son homologue français, Jean-Michel Blanquer, viennent de signer une lettre conjointe dans laquelle ils dénoncent l’influence de la "cancel culture".

Québec et Paris à l’assaut de la culture "woke"

Intitulée "L’école pour la liberté, contre l’obscurantisme", cette lettre s’inquiète également des effets de la culture de l’annulation et "des méthodes directement importées de certains campus universitaires américains qui sont à mille lieues des valeurs de respect et de tolérance". De quoi donner le ton à l’annonce du nouveau programme québécois pour les élèves du primaire et du secondaire.
Dans ce contexte d’affrontement entre le mouvement "woke" et le mouvement nationaliste, les "frictions" ne sont pas près de disparaître à propos de l’ancien et du nouveau cours, avertit Nadia El-Mabrouk:

"Il me semble tout à fait important d’inculquer aux jeunes une certaine culture commune, de développer un sentiment d’appartenance et d’attachement à la société dans laquelle on vit, à travers sa culture, son histoire, sa langue. […] Cependant, ce ne sera pas une mince affaire que de convaincre les universités de revoir leurs cursus et les formations des maîtres, et de développer le matériel pédagogique pertinent, sans tomber dans les travers de l’ancien cours", conclut-elle.

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