Macron critiqué pour ses propos sur le massacre du 17 octobre 1961

© AFP 2023 ALAIN JOCARDFleurs sur la Seine
Fleurs sur la Seine - Sputnik Afrique, 1920, 18.10.2021
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Dans le contexte des relations tendues entre Paris et Alger, Emmanuel Macron a participé dimanche à une commémoration solennelle des 60 ans du massacre d'Algériens à Paris. Il a condamné, dans un communiqué, ces "crimes inexcusables pour la République". Des propos critiqués tant par la droite que par la gauche.
Alors que les relations entre la France et l'Algérie traversent des moments difficiles, une commémoration nationale a été rendue sur les berges de Seine à l’occasion des 60 ans du massacre de manifestants algériens à Paris, le 17 octobre 1961. Plusieurs avaient été tués par balle et certains corps avaient été jetés dans le fleuve.
Commentant ce drame, Emmanuel Macron, qui a évité de faire un discours, a dénoncé, dans un communiqué, "des crimes inexcusables pour la République". Il a été plus ferme que François Hollande qui avait évoqué, en 2012, une "sanglante répression", rappelle BFM TV.
Ce discours intervient alors que la présidence algérienne a annoncé le 2 octobre le rappel de son ambassadeur en France, après la diffusion par Le Monde de propos attribués à Emmanuel Macron, qui aurait estimé que l'Algérie s'est construite depuis son indépendance sur "une rente mémorielle" entretenue par "le système politico-militaire" au pouvoir à Alger. L'Algérie a fermé le lendemain son espace aérien aux avions militaires français

Des propos prudents?

De nombreux représentants de la gauche auraient cependant voulu que le Président aille plus loin en dénonçant cet acte et reconnaisse "un crime d'État". Tel était notamment l'un des slogans des manifestants qui ont défilé dimanche à Paris, alors que d’autres demandaient l’ouverture des archives "de Paris à Alger".
Cette position est partagée par le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot, qui pense que "le Président a raté l'occasion de faire un pas de plus vers la réconciliation".
Lui fait écho le secrétaire national d'EELV Julien Bayou. "Après les massacres, Papon est resté en place", rappelle-t-il, dénonçant ainsi l'impunité du préfet de police de l'époque.

Ce "n'est pas suffisant"

D'autres militants, comme Rahim Rezigat, ancien de la fédération France du Front de libération nationale (FLN) de 81 ans, ont regretté auprès de l’AFP qu'Emmanuel Macron ait "joué sur les mots par rapport à son électorat, dont les nostalgiques de l'Algérie française" sans réellement reconnaître un "crime d'État". Pour lui, dire "les crimes inexcusables" "n'est pas suffisant".
Les termes utilisés par M.Macron sont "une avancée mais c'est encore partiel. On espérait plus", a de son côté indiqué à l'AFP Mimouna Hadjam, porte-parole de l'association Africa93 qui revendique la "reconnaissance d'un crime d'État". Car "Papon n'a pas agi seul. On a torturé, on a massacré au cœur de Paris et là-haut, ils étaient au courant", a-t-elle affirmé, tout en regrettant que les archives ne soient pas encore ouvertes.
L’AFP cite également le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, qui salue "des avancées bienvenues": "Le chef de l'État va plus loin que Hollande dans la précision des faits mais sans nommer le colonialisme". Il regrette ainsi "la frilosité d'Emmanuel Macron" et sa "politique des petits pas". Maurice Papon "n'était pas un État dans l'État, il y avait bien un chef du gouvernement et un chef de l'État qui décidaient qui était préfet de police. Papon est resté en poste jusqu'en 1967", a-t-il ajouté.
Même constat dans une courte interview du politologue Naoufel Brahimi El Mili, spécialiste des relations franco-algériennes, pour BFM TV, qui renchérit que "comme chacun sait, le préfet représente l'État". "C'est un pas dans une bonne direction mais ce n'est pas suffisant", a-t-il indiqué.
Les mêmes appels à reconnaître un crime d'État viennent aussi du député de la France insoumise Alexis Corbière et du porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et candidat à la présidentielle de 2022 Philippe Poutou.

Un point de vue opposé

Mais à droite, les propos de M.Macron sont vus d'un tout autre œil. Marine Le Pen (RN) dénonce ainsi les "repentances à répétition", qui "deviennent insoutenables" d'un Président qui "continue à rabaisser notre pays".
L'actuel chef du Rassemblement national Jordan Bardella a dit en avoir "ras-le-bol que la France passe son temps à s'excuser, à se repentir en permanence". "Emmanuel Macron a passé son quinquennat à genoux", a-t-il martelé, en rappelant que pendant la campagne présidentielle de 2017, il avait évoqué un "crime contre l'humanité" en parlant de la colonisation de l'Algérie.
Pour sa part, Éric Ciotti, candidat des Républicains, a dénoncé "la propagande victimaire anti-française" "indécente" d'Emmanuel Macron.

Une avancée mais…

L'historien Benjamin Stora, auteur du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie commandé par l’Élysée, a souligné sur France Inter que "pour la première fois, un chef d'État en exercice reconnaît la responsabilité de l'État dans un massacre considéré comme un crime".
Cependant, tout en concédant que “c’est une avancée", il tend à modérer: "on peut considérer que c’est insuffisant". S'agissant de l’accès aux archives, il avoue que celui-ci reste encore très compliqué: “Il y a eu des levées d’interdiction sur un certain nombre d’archives, pas sur toutes.”
En outre, pour Benjamin Stora, "régler de manière définitive les questions mémorielles entre la France et l’Algérie, ce n’est pas possible". "Car le chantier mémoriel est immense". Selon lui, outre des discours, des actes et des symboles, il faut "surtout se mettre en mouvement pour traiter ces questions".
Interrogé sur la présence d'un calcul électoral dans la démarche d'Emmanuel Macron, il estime que "C’est l’essence même de la politique de vouloir mettre l’Histoire de son côté. Maintenant reste aux historiens le fait de ne pas s'inféoder aux récits proposés par les acteurs politiques. Toute la bataille est là.”
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