"Pass porno", carte d’identité… Comment empêcher les mineurs d’accéder aux sites X?

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Les sites pornographiques sont pointés du doigt pour leurs manquements en matière de vérification d’âge. La loi pourrait bloquer ces plates-formes et les pousser à agir. Reste à trouver la solution pour respecter le droit… sans perdre d’audience.
Cachez ces seins (et plus encore) que nous ne saurions voir. Depuis plusieurs mois, certains sites pornographiques sont dans le viseur de deux associations de protection de l’enfance: e-Enfance et la Voix de l’Enfant. En cause, l’incapacité de ces plates-formes de vérifier l’âge des internautes s’aventurant sur leur site, celles-ci se contentant tout au plus de la fameuse case à cocher: "Avez-vous 18 ans ou plus?"
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Une question loin d’être suffisante puisque selon un sondage Opinion Way pour 20 minutes datant de 2018, près d'un tiers des adolescents ont déjà vu du porno avant 12 ans, plus de 60% avant 15 ans et 82% avant 18 ans. Des contenus qui ne sont pas sans incidence sur ces jeunes: plus de la moitié des mineurs ont ainsi avoué avoir été "choqués"la première fois qu'ils ont été confrontés à ces images.

Bloquer les plates-formes hors-la-loi

Les deux associations souhaitaient donc obtenir le blocage de Pornhub, YouPorn, Xvideos, XNXX, RedTube, Tukif, XHamster, IciPorno et MrSexe. Pour ce faire, elles ont assigné le 28 juillet six fournisseurs d’accès internet (FAI), dont SFR, Orange, Bouygues Télécom et Free. En revanche, les propriétaires des sites pornographiques mis en cause ont été laissés à l’écart de la procédure. Les neuf sites X n’ayant pas été cités, ils n’ont donc pas pu faire valoir leurs droits ni présenter de solutions. Résultat des courses, le 8 octobre dernier, le tribunal judiciaire de Paris a jugé "irrecevables" les demandes des deux structures de protection de l’enfance.
En effet, les FAI "n’ont pas de lien juridique avec les sociétés propriétaires ou éditrices des sites litigieux". Or le tribunal a admis qu’il "est établi que l’accès par les mineurs à des contenus pornographiques édités par les neuf sites visés dans l’acte introductif d’instance, constaté par les deux procès-verbaux d’huissier de justice versés aux débats, constitue un trouble manifestement illicite".
Si cette fois-ci la justice n’a pas penché en faveur des plaignants, un coup de pouce législatif pourrait changer la donne. Le jour du verdict, le décret d’application de l’article 23 de la loi sur les violences conjugales du 30 juillet 2020 est entré en vigueur. Dorénavant, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourra adresser une mise en demeure à un site X "lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé". Ladite plate-forme aura ensuite un délai de quatorze jours pour se mettre en conformité, faute de quoi, le président du CSA pourra saisir le tribunal judiciaire afin de mettre "fin à l’accès de ce service".

Le CSA, comme ultime rempart?

Reste, néanmoins, la question des moyens techniques à employer. Plusieurs solutions ont été évoquées. Par exemple, l’achat d’un "pass porno" dans des boutiques autorisées, le contrôle d’identité via France Connect, ou encore l’utilisation d’une carte bancaire.
Chez le groupe Jacquie et Michel, le choix s’est porté sur le système My18Pass. "Vous envoyez votre carte d’identité qui est validée pour prouver votre majorité. On utilise un tiers de confiance qui est Yoti pour éviter de stocker des données sensibles", détaille au micro de Sputnik Thierry Bonnard, directeur de la communication. En outre, le groupe utilise également, en guise d’authentification, une transaction bancaire à zéro euro. Des dispositifs qui ne poseraient pas de problème à la majorité de leurs clients.

"Cependant, certains clients ont dit: ni l’un ni l’autre, je préfère aller sur des sites gratuits. C’est pour cela que des sites comme Pornhub ont essayé jusqu’au dernier moment de faire un lobbying intensif. Ça va être une catastrophe pour eux", avance Thierry Bonnard.

En effet, ces plates-formes gratuites misent sur une très forte audience pour s’enrichir, notamment en vendant des espaces publicitaires ou des vidéos payantes.

Les parents aux abonnés absents?

Néanmoins, comme le souligne le directeur de la communication de J&M, ces dispositifs sont nécessaires: "Toute personne sensée en France souhaite que les mineurs n’aient pas accès aux contenus pour adultes. Il faudrait être fou pour penser et vouloir le contraire." Mais suffiront-ils à éloigner les plus jeunes? Rien n’est moins sûr, à en croire Thierry Bonnard!

"C’est évident que, comme dans les années 1990, un mineur qui voudra regarder du contenu porno, y arrivera toujours quoi que l’on fasse. Mais le but, c’est qu’il n’y ait pas de porno gratuit, violent et choquant en libre-service et qu’un enfant tombe dessus par inadvertance. C’est ce que tout le monde veut éviter."

Avec la démocratisation des smartphones chez les adolescents, la tâche s’annonce ardue. D’autant plus que, selon un rapport publié par Pornhub, en France 76% du trafic provient d’un smartphone, contre 20% d’un ordinateur et 4% d’une tablette. "Il y a donc un volet éducatif à mettre en place. Lorsque l’on a été auditionné à l’Assemblée nationale, en janvier 2020, c’est ce que l’on a fait valoir", rappelle Thierry Bonnard.

"Il faut dire aux parents que des solutions de contrôle d’âge existent. Elles sont efficaces, même sur les téléphones portables. Il faudrait que le gouvernement lance des campagnes d’informations, en éduquant les parents aux évolutions technologiques: lorsque l’on confie un smartphone à un enfant, il faut surveiller ce qu’il fait dessus", prévient-il.

Signe de ce manque de communication, selon Thierry Bonnard: le gouvernement a lancé le site Je protège mon enfant de la pornographie, "qui est plutôt bien fait", mais "personne n’en a trop entendu parler pour l’instant". Un constat qui chagrine notre interlocuteur.
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