L’Otan expulse des diplomates russes: un acte politique, qui pousse à "l’escalade"

© REUTERS / Stephanie LecocqJens Stoltenberg
Jens Stoltenberg - Sputnik Afrique, 1920, 07.10.2021
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L’Otan a annoncé l’expulsion de huit diplomates russes soupçonnés d’activités "malveillantes". Une nouvelle "marque d’hostilité", constate le géopolitologue Oleg Kobtzeff, qui dénonce une escalade nuisible aux deux acteurs.
"S’il fallait expulser tous ceux qui font du renseignement, on expulserait des gens tous les jours", ironise au micro de Sputnik Oleg Kobtzeff, professeur en géopolitique à l’Université américaine de Paris (AUP). Pour lui, la décision de l’Otan, prise le 6 octobre, de priver plusieurs membres de la mission russe auprès de l’Alliance de leur accréditation suite à des soupçons d’activités "présumées malveillantes", est avant tout politique.
Otan - Sputnik Afrique, 1920, 06.10.2021
L’Otan expulsera huit diplomates russes
"On sait que tout le monde joue à ce jeu-là, et ça a toujours été le cas. Cette expulsion n’est clairement pas liée à un danger imminent concernant le renseignement", insiste-t-il. La réelle raison de cette expulsion serait donc tout autre:
"C’est un premier degré dans une marque d’hostilité. C’est un acte symbolique. Une manière pour l’Otan de réaffirmer sa position" vis-à-vis de la Russie, précise le chercheur.
Pour lui, "quand on prend des mesures comme l’expulsion, ou plus encore le rappel d’un ambassadeur, c’est une marque d’animosité" et pas tout à fait "d’hostilité", prend-il soin de préciser.

"Marque d’animosité, pas tout à fait d’hostilité"

Entre l’alliance atlantique et la Russie, malgré une volonté parfois affichée de "coopérer" là où c’est possible, de plus en plus de ponts se détruisent et de moins en moins se construisent. En atteste cette récente expulsion, qui fait suite à celle de sept autres membres de la mission russe auprès de l’Otan en 2018, au lendemain de l’affaire Skripal. Celle du 6 octobre a suscité de vives réactions à Moscou, comme en témoigne la déclaration de Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.
"La contradiction [entre] les déclarations des représentants de l’Otan sur la volonté de normaliser les relations avec notre pays et leurs actions réelles est évidente. Ces actions, bien sûr, ne permettent pas de se faire des illusions sur la possibilité de normaliser les relations et de reprendre le dialogue avec l’Otan. Au contraire, ces perspectives sont sapées presque complètement", déplore-t-il.
Les deux entités sont à couteaux tirés. Entre manœuvres militaires de l’une que l’autre qualifie de provocation, discours tantôt apaisant, tantôt menaçant, la Russie et l’Alliance atlantique se dirigeraient inexorablement vers une "confrontation", prévient le spécialiste de la Russie.

L’"escalade n’est bonne pour personne"

Les griefs sont toutefois plus importants côté russe. Moscou reproche à l’Otan le renforcement de sa présence en Europe, l’élargissement de l’alliance, les fréquentes manœuvres près des frontières russes et la présence d’armes nucléaires américaines en Europe.
"C’est une évolution lente d’une escalade certaine. On a évolué en trente ans de la coopération à la compétition et nous allons désormais vers la confrontation", avance notre interlocuteur.
Le 6 octobre, Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères, rappelait que les dirigeants de l’Alliance avaient souligné un jour avant l’expulsion de ces diplomates l’importance de la désescalade dans les relations avec la Russie et appelé à la reprise du dialogue.
"Si quelqu’un a cru en la sincérité de ces déclarations, aujourd’hui, c’est fini. Tout le monde comprend leur vraie valeur", a indiqué l’homme politique russe.
Un constat qui ne ferait que confirmer la tendance à l’escalade soulignée par notre interlocuteur. Or, celle-ci "n’est bonne pour personne", explique-t-il. Néanmoins, le premier responsable reste historiquement l’Alliance, estime Oleg Kobtzeff. Pour lui, si la situation est ce qu’elle est, "c’est de la faute de l’Otan qui n’a cessé de s’approcher de la frontière russe", depuis la dissolution du pacte de Varsovie en 1991.
Toutefois, le chercheur constate que "la Russie répond en développant une culture de pays assiégé et refermé sur lui-même." Une logique somme toute naturelle pour un acteur se retrouvant dans une situation comparable, mais qui "est préjudiciable à la Russie", car cela l’isole de nombreuses opportunités économiques et de développement, notamment en Occident, alors que cela pourrait faire sa force, conclut-il.
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