Crise des sous-marins: Anthony Blinken en visite à Paris… pour rassurer le vassal français?

© Sputnik . Susan WalshAntony Blinken
Antony Blinken - Sputnik Afrique, 1920, 05.10.2021
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Le chef de la diplomatie américaine est à Paris pour panser les plaies françaises, après la crise diplomatique entre les deux alliés. Une visite aux airs de suzerain venu rassurer son vassal, estime le général de brigade (2s) Jean-Bernard Pinatel.
"Ça gueule à Paris, puis les Américains assurent le service après-vente avec les cajoleries. De notre côté, on avale notre chapeau et on repart comme avant", déplore le général de brigade (2s) Jean-Bernard Pinatel au micro de Sputnik.
Trois semaines après l’accord australo-anglo-américain Aukus, le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken est à Paris, en préambule de la rencontre entre son Président et Emmanuel Macron à la fin du mois. Le diplomate compte faire usage de son déplacement pour "renforcer la relation vitale entre la France et les États-Unis", explique Washington. En effet, l’annulation sans préavis d’un contrat de 56 milliards d’euros pour la construction de 12 sous-marins reste toujours en travers des gorges françaises.
Antony Blinken - Sputnik Afrique, 1920, 05.10.2021
Blinken discutera à Paris du rétablissement de la confiance
Officiellement présent dans la capitale française pour une réunion ministérielle de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), à l’occasion du 60e anniversaire de l’institution, le secrétaire Blinken a eu un "long tête-à-tête" avec Emmanuel Macron, qui n’était initialement pas à l’agenda. Ce rendez-vous devait "contribuer à restaurer la confiance entre la France et les États-Unis", a déclaré l’Élysée. Les deux pays alliés "poursuivent leur travail de coordination sur les enjeux d’intérêt commun, qu’il s’agisse de la coopération UE-OTAN, du Sahel ou de l’espace indopacifique".

Une "trahison" de Washington sans conséquences

"Rien de neuf sous le soleil", constate néanmoins le général de brigade (2s) Jean-Bernard Pinatel, pour qui cette visite n’a d’autre fonction que "d’assurer le service après-vente" de Washington auprès d’un État français qui s’est senti "trahi".
Il regrette qu’il n’y ait "aucune conséquence à la trahison de Washington". Aucune mesure de rétorsion n’a en effet été prise. Et notre interlocuteur de prédire "qu’il n’y en aura aucune". Le rappel de l’ambassadeur français à Washington n’était selon lui qu’une mesure cosmétique, obéissant à une logique de communication. Rien dans la réponse française n’inciterait les États-Unis à ne pas trahir à nouveau la France sous peine de représailles. Une pusillanimité qui ne l’étonne guère: "Emmanuel Macron et son entourage sont totalement vassalisés par les États-Unis", tacle-t-il. Comme "François Hollande et Nicolas Sarkozy avant lui", prend-il le soin de préciser.
John Kerry, ex-secrétaire d’État américain devenu envoyé spécial au Climat, a évoqué de son côté non pas une trahison mais plutôt un "manque de communication" sur ce dossier des sous-marins australiens. Des éléments de langage balayés du revers de la main par Jean-Bernard Pinatel, qui fait sien le lexique apparu au moment du scandale: à savoir que les Américains "nous ont menti" et "nous ont baladés". "Entre alliés, c’est une trahison", résume-t-il.

Primat de l’économie

Le général ne met cependant pas en cause les États-Unis qui jouent leur partition et font valoir leurs intérêts, mais il reproche surtout au gouvernement français son manque de vision stratégique et sa "vassalité" à l’égard de Washington. Son constat est radical: "Les Américains tiennent nos dirigeants", et ce car ces derniers n’ont "pas de vision stratégique".
"Emmanuel Macron est un homme d’économie et pour lui, c’est ce qui prime. Pour lui, les questions stratégiques et diplomatiques sont secondaires. Nous avons des gestionnaires, pas des chefs."
"Au contraire des États-Unis qui ont une vision stratégique, que sert l’économie", ajoute-t-il. Or, "le monde n’est plus ce qu’il était après la fin de la guerre froide. Cet impératif stratégique va s’imposer à l’économie".
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Avec l’essor de nouvelles puissances telles que la Chine, la Russie, l’Inde et bien d’autres, le général de brigade juge que le logiciel géopolitique hérité de la période post-guerre froide est révolu. Viser les meilleures performances économiques dans un monde où la paix est l’horizon indépassable serait ainsi condamné à échouer. Que ce soit la lutte grandissante avec la Chine dans la région indopacifique, ou la rivalité avec la Turquie en Méditerranée orientale, le réel frappe à la porte des vieilles nations.
Sans grand espoir, le général Pinatel espère que la débâcle du "contrat du siècle" servira d’électrochoc pour une révision de la vision stratégique française, moins "atlantico-orientée".
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