Une femme Premier ministre en Tunisie: "un coup à l’intérieur et à l’extérieur du pays"

CC BY-SA 4.0 / Ettounsia / Najla Bouden
Najla Bouden  - Sputnik Afrique, 1920, 30.09.2021
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Le Président de la république tunisienne a nommé une femme au poste de Premier ministre. Considérée comme une première dans ce pays du Maghreb et dans l’ensemble du monde arabe, la désignation de Najla Bouden Romdhan à la tête du gouvernement a permis à Kaïs Saïed de faire coup double.
Soixante-six jours après avoir limogé le chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi, le Président Kaïs Saïed a fini par lui trouver un remplaçant. C’est en fait une remplaçante puisque le chef de l’État a choisi, mercredi 29 septembre, une femme. Najla Bouden Romdhan, 63 ans, géologue de formation, est surtout connue dans le milieu universitaire et n’a jamais eu d’expérience politique.
La nouvelle a donné lieu à diverses réactions en Tunisie, qui devient ainsi le premier pays arabe où une femme est nommée à la tête du gouvernement. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont salué cette décision. Cependant, plusieurs publications de tendance islamiste ont critiqué le choix du Président Saïed en mettant en avant un hadith (communication orale) attribué au prophète Mahomet.
"Les femmes sont souvent plus loyales, moins corrompues que les hommes et supérieures dans la gestion des crises", estime cet historien tunisien.

Au-delà de la symbolique…

Adnan Imam, politologue et juriste tunisien, considère que le Président Kaïs Saïed a été "révolutionnaire". "Il a démontré qu’il sait agir en pionnier dans les domaines politiques, économiques et sociaux. Il veut apporter du nouveau et changer les choses ", explique-t-il à Sputnik.
Adnan Imam estime qu’au-delà de la symbolique et du caractère novateur, la désignation de Najla Bouden Romdhan est une opération politique dont la portée lui permet de "jouer un coup sur les plans intérieur et extérieur".
"En Tunisie, il a fait taire les voix malsaines qui l’accusaient de dérive conservatrice et de prétendues atteintes aux droits de la femme. La nomination de Najla Bouden Romdhan est également un message adressé aux gouvernements occidentaux, qui les caresse dans le sens du poil. Il est évident que cette initiative n’est pas pour leur déplaire. Mais il faut se garder de tirer des conclusions hâtives car en Tunisie, nous ne sommes pas certains que ces gouvernements souhaitent réellement que notre pays soit un modèle de bonne gouvernance. Nous nous demandons pourquoi ces gouvernements fustigent la démarche du Président Saïed mais se taisaient lorsque les islamistes d’Ennahda et leurs acolytes détournaient des dons et faisaient régner la corruption et la mauvaise gouvernance", souligne-t-il.
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Réforme constitutionnelle et pressions occidentales: le Président tunisien pris entre deux feux
La nomination de Najla Bouden Romdhan est une nouvelle étape de la démarche déroulée par le Président Tunisien depuis le 25 juillet, date de sa prise des pleins pouvoirs, exécutif et législatif. Il a dû prendre une série de mesures avant de procéder à cette nomination. La plus importante est certainement la signature du décret présidentiel numéro 117, le 22 septembre 2021. "Le Président Kaïs Saïed devait savoir précisément où il allait. Ce n’est qu’une fois qu’il a décidé du sens de ses réformes qu’il a signé l’ordonnance présidentielle numéro 117 qui fait la jonction entre la Constitution de 2014 et la Constitution révisée qui sera bientôt soumise à référendum", explique Adnan Imam.
"Le retard pris dans la nomination d’un responsable de l’exécutif s’explique par le contexte politique et aussi par le fait qu’il a été échaudé par le comportement de Hichem Mechichi. Le chef du gouvernement qu’il avait nommé précédemment s’était retourné contre lui et avait fait alliance avec ses ennemis politiques, les islamistes d’Ennahda. Par ailleurs, il faut bien comprendre que la nomination d’un nouveau chef du gouvernement ne pouvait en aucun cas se faire à l’aveugle. Cette ordonnance précise les prérogatives du chef du gouvernement et organise les rapports avec le Président de la République durant cette phase transitoire. Il ne pouvait pas nommer un chef du gouvernement avant de signer ce décret qui pose le cadre juridique de l’action de l’exécutif ", note Adnan Limam.
En réalité, la nouvelle chef du gouvernement aura des prérogatives limitées comparativement à ses prédécesseurs. "Elle sera plus une coordinatrice de l’action de l’exécutif plutôt qu’un chef du gouvernement dans le sens où nous l’entendons dans le régime parlementaire", estime le politologue tunisien. D’ailleurs, ses attributions sont clairement précisées dans l’article 19 du décret présidentiel numéro 117: "Le Chef du Gouvernement dirige et coordonne l'action du Gouvernement. Il dispose de l'administration aux fins de l’exécution des orientations et choix définis par le Président de la République. Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence du Conseil des ministres ou de tout autre conseil". Donc toutes les actions que mènera Najla Bouden Romdhan seront contrôlées par le chef de l’État. À commencer par le choix des membres de la nouvelle équipe gouvernementale.
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