Contre les agressions sexuelles en Afrique, une activiste appelle «à castrer les violeurs»

© Photo Pixabay / monikawl999Afrique du Sud
Afrique du Sud - Sputnik Afrique, 1920, 04.09.2021
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10.000 cas de viols en trois mois. Les derniers chiffres alarmants provenant d'Afrique du Sud mettent en exergue le fléau des agressions sexuelles dans ce pays, et au-delà, sur le continent. Cette explosion est liée à l’impunité et aux pesanteurs sociales, d’après des observateurs interrogés par Sputnik.
Le dernier scandale en date en la matière est venu de Côte d'Ivoire. Un célèbre animateur de télévision demande à son invité, un «violeur repenti», de montrer comment il s'y prenait pour commettre ses forfaits. C'était fin août dernier, sur le plateau de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI). Depuis, Yves de Mbella a été suspendu par sa chaîne, mais une grande partie de l'opinion ne décolère pas.
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Quelques jours auparavant, des chiffres choquants ont été communiqués en Afrique du Sud, renseignant sur l'ampleur des agressions sexuelles dans ce pays. Plus de 10.000 cas de viols ont ainsi été enregistrés entre avril et juin 2021, d’après Bheki Cele, le ministre sud-africain de la Police, qui s'exprimait au cours d’un point de presse télévisé.

Une affaire de longue date

L'Afrique du Sud confirme ainsi le triste titre qui lui avait été décerné il y a plusieurs années, celui de «capitale mondiale du viol» (avant que la couronne ne lui soit disputée par la RDC). Des rapports internationaux (de Human Rights Watch, entre autres) publiés au milieu des années 1990 avaient alors mis en exergue l'ampleur du fléau. Le nom de la capitale sudafricaine, Le Cap (Cape Town en anglais), particulièrement, avait été détourné en «Rape town» (la ville du viol, en anglais).
Mais les chiffres récemment communiqués s'inscrivent dans une tendance constante. Il y a plus d'un an, dans sa lettre hebdomadaire à la Nation, le Président Cyril Ramaphosa, encourageait ses concitoyennes victimes de viols à porter plainte pour briser le mur du silence et lutter contre l'impunité.
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«Pour maintenir la confiance du public dans le système de justice pénale, la violence sexiste doit être traitée avec l'urgence qu'elle mérite par nos communautés travaillant avec notre police», avait-il indiqué.

«Une criminalisation des victimes»

Réagissant aux dernières actualités ivoiriennes comme sudafricaines, l'activiste camerounaise des droits de la femme Minou Chrys-tayl estime dans une déclaration à Sputnik que le problème dans les sociétés africaines est qu' «il y a une criminalisation des victimes [en leur faisant porter la faute du viol] qui aboutit à une protection des violeurs».
«On protège beaucoup des criminels au détriment des victimes et on fait tout pour taire et tuer la parole des victimes.», résume-t-elle en critiquant également différents cadres législatifs insuffisants dans beaucoup de pays africains.
Elle demande que «soient posés des actes en faveur du droit des femmes et pour lutter contre ces violences sexuelles». À ce titre, elle n'hésite pas à appeler à «la castration des violeurs». L’activiste espère qu'on parviendra à mettre fin à la «chosification de la femme due au sexisme ou à la violence sexiste» et à donner de «l’humanité» à la femme sur le continent.
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C'est toutefois un appel qui ne risque pas d'aboutir pour l'instant, car le débat n'est pas posé pour l'heure. «Dans des pays occidentaux où le sujet a déjà fait l'objet de débat, ce sont les délinquants sexuels récidivistes qui ont été visés», contextualise pour sa part, tout en condamnant toutes formes d'agressions sexuelles, Me Michelle Aguey, avocate et secrétaire générale du Groupe de réflexion et d'action Femme, Démocratie et Développement-GF2D.
«Du moment que ce type de castration n'est pas irréversible, je n'exclue pas que l'option puisse être envisageable dans les sociétés africaines face aux multirécidivistes même si le débat ne s'est jamais véritablement posé pour l'heure. Mais de mon point de vue, juridiquement et éthiquement, ce n'est pas la solution idéale», tempère-t-elle dans une déclaration à Sputnik.
Cette juriste togolaise reconnaît que la lutte contre l'impunité des violeurs est encore longue. Elle regrette que les pesanteurs sociales empêchent souvent les victimes de porter plainte. À côté, il y a une survivance de mécanismes pseudo-répressifs dans les sociétés traditionnelles africaines:
«Dans nos communautés africaines, c’est rare même qu’on porte des affaires de viol devant les tribunaux. Il y a une punition morale qui s'applique toujours en dehors du droit. Les chefs coutumiers se réussissent et bannissent le violeur de la communauté pour longtemps. Et quand il revient, il lui faut subir une purification avant de réintégrer la communauté», conclut-elle.
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