L’inflation à son plus haut depuis vingt ans au Canada: «La Banque centrale doit reprendre le contrôle»

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Dans un magasin - Sputnik Afrique, 1920, 01.09.2021
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La hausse de l’inflation commence à alarmer une foule d’observateurs au Canada. Ex-ministre délégué aux Finances du Québec, Alain Paquet fait partie des inquiets. Selon lui, si la Banque centrale ne réagit pas rapidement, on risque d’assister à un fort ralentissement économique. Entrevue.
«Depuis le milieu des années 1990, l’Amérique du Nord s’était habituée à un taux d’inflation de 2%. Depuis la pandémie, ce taux a doublé et les projections montrent qu’il pourrait augmenter encore, ce qui a un effet déstabilisant», avertit d’entrée de jeu l’économiste Alain Paquet.

Les factures des ménages aussitôt impactées

Ex-ministre délégué aux Finances du Québec (2011-2012), il ne prévoit pas de retour à la normale dans les douze prochains mois. Un scénario qui devrait d’abord affecter les familles à faibles revenus:
«Au minimum, l’inflation ne sera pas moins importante. En tout cas, elle n’est pas appelée à diminuer. Si la Banque centrale ne change pas son approche et si l’économie garde son erre d’aller [continue sur sa lancée, ndlr], l’inflation ne va pas retomber», souligne-t-il.
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Sur le plan économique, les impacts de la pandémie se feront encore sentir pendant des années au pays de l’Érable. Depuis le déconfinement, un phénomène est apparu sur les réseaux sociaux: la publication de photos d'additions de restaurant par des internautes, surpris par la hausse soudaine des prix.
«Bien sûr, monsieur et madame tout le monde n’analyse pas la situation comme les économistes, mais sent concrètement la différence, entre autres en payant son panier d’épicerie», poursuit le professeur d’économie.
​Selon des témoignages recueillis par les médias, le prix d’un panier d’épicerie pour deux personnes est passé effectivement de 100 $ (67 euros) à 150 $ (100 euros) dans la région de Montréal.

Le plus haut taux d’inflation depuis 2003

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Risques d’inflation galopante au Canada: «les inquiétudes sont fondées»

Fin août, l’organisme public Statistique Canada a annoncé que l’indice des prix à la consommation (IPC) avait augmenté de 3,7 % en juillet par rapport à l’année dernière. Une donnée qui a fait réagir la direction de plusieurs grandes banques canadiennes. Le Canada n’avait pas enregistré un taux d’inflation supérieur aussi élevé depuis 2003. Cette année-là avait été notamment marquée par l'épidémie de SRAS, la maladie de la vache folle ainsi que par un ouragan, des feux de forêts et le recul du tourisme amorcé après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Pour Alain Paquet, il était nécessaire que la Banque centrale du Canada injecte des liquidités dans l’économie durant les premières vagues de l’épidémie. «Il y avait de bonnes raisons de le faire», concède-t-il. En revanche, il estime qu’il est maintenant grand temps «d’éponger ces liquidités au bon rythme»:
«Il n’y pas de loi universelle de la nature pour nous indiquer comment redresser la situation avec exactitude. Chose certaine, la Banque centrale doit reprendre le contrôle avec doigté. [...] Sinon, les agents économiques risquent de commencer à ajuster leurs prévisions à long terme en fonction de ces nouveaux taux, ce qui pourra induire un ralentissement», précise le professeur.
Si la tendance se maintient, l’inflation pourrait faire baisser de manière considérable le pouvoir d’achat de nombreux foyers, dans un contexte où le taux d’emploi n’est pas revenu au même niveau qu’avant la crise.
«Évidemment, ce sont les secteurs où les salaires n’augmenteraient pas suffisamment pour compenser la hausse des prix qui seront les premiers touchés. [...] Un parent monoparental pourrait en souffrir. Prenez aussi une personne dont le régime de retraite ne serait pas indexé: elle pourrait en subir les effets», souligne Alain Paquet.
L’atteinte de ces taux records s’est naturellement invitée dans la campagne électorale fédérale.

L’inflation, une épine dans le pied de Justin Trudeau?

Le conservateur Erin O’Toole, principal adversaire du Premier ministre sortant, accuse le gouvernement et ses alliés au Parlement d’avoir contribué à la hausse du coût de la vie:
«L'inflation n'est pas un accident. C'est le Canada de Justin Trudeau et du Nouveau Parti démocratique. C'est là où leur dette élevée et leur programme économique imprudent ont mené. Cela fait grimper le prix de l'essence, des vêtements des enfants, de l'épicerie et des produits de première nécessité. [...] Si vous n’êtes pas inquiet de l’augmentation des prix, vous avez le choix entre cinq partis.»
Le programme économique des grands partis dans la course n’impressionne guère Alain Paquet, pour qui il faudra aussi s’attaquer à l’endettement de l’État canadien.
«Il va bien falloir payer un jour. [...] Les mesures temporaires comme les aides économiques d’urgence en temps de pandémie ne peuvent pas devenir permanentes… Avant la pandémie, le gouvernement Trudeau dépensait déjà trop. [...] On dirait que, au Canada, il n’y a plus de contraintes en termes de budgets. On risque de perdre la maîtrise de l’endettement, car nous aurons un déficit structurel», alerte l’ex-ministre délégué aux Finances du Québec.
 
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