Drones et avions bombardiers d’eau: et si les pays du Maghreb luttaient ensemble contre les incendies?

© REUTERS / ABDELAZIZ BOUMZARFeux de forêt en Algérie, le 10 août 2021
Feux de forêt en Algérie, le 10 août 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 17.08.2021
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Dans un entretien à Sputnik, le Pr Mehdi Lahlou, économiste marocain, appelle à la création d’un cadre et de structures communes de prévention, de surveillance, d’évaluation des risques et d’action contre les incendies de forêt communs à tous les pays méditerranéens. Pour lui, seule une réponse globale peut aider ces pays à faire face à ce danger.
Depuis fin juillet, plusieurs pays du bassin méditerranéen sont touchés par des incendies de forêt dévastateurs, comme pratiquement chaque année, provoquant la destruction de dizaines de milliers d’hectares de couverture végétale. Outre leur ampleur, qui varie d’un pays à un autre, ces incendies sont un facteur de dégradation commun à l’ensemble des pays de la Méditerranée, sans distinction. Depuis au moins deux décennies, ce problème s'est fortement aggravé, tant du point de vue de la fréquence que de la superficie détruite, et ce pour plusieurs raisons. En effet, des études récentes montrent qu’environ 50.000 incendies ravagent chaque année entre 700.000 et un million d'hectares de forêt méditerranéenne.
Malgré le nombre élevé d’incendies qui touchent les pays du sud de la Méditerranée (l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, en particulier), ceux-ci sont loin d'atteindre les niveaux constatés dans les pays du sud de l’Europe. En effet, le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie, la Grèce ou la Turquie essuient des destructions annuelles de plusieurs centaines de milliers d’hectares avec un nombre de personnes décédées de plus en plus élevé.
Ainsi, le débat sur la prévention des risques majeurs, notamment dans les pays du Maghreb, se pose de nouveau.
Est-il possible de lancer un travail global intégrant tous les pays du Maghreb sur la prévention, l’anticipation et la gestion des risques majeurs, dont les incendies de forêt? Ces pays peuvent-ils mettre en commun leurs ressources en eau afin de contribuer efficacement à la lutte contre la sécheresse, principal facteur d’éclosion d’incendies dévastateurs? Qu’en est-il de la possibilité d’une politique commune de reboisement à même de contribuer à l’adoucissement du climat?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le Pr Mehdi Lahlou, chercheur marocain à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée (INSEA) de Rabat et spécialiste en préservation et gestion des ressources hydriques.

Un phénomène mondial

«Les incendies de forêt sont un phénomène qui touche tous les continents, y compris les régions froides, comme c’est le cas actuellement en Sibérie, en Fédération de Russie», note le Pr Lahlou, soulignant que «le bassin méditerranéen est l’une des régions les plus touchées du monde, où les incendies se manifestent avec une virulence particulière en été, notamment durant le mois d’août».
Et «compte tenu des conséquences écologiques, économiques et sociales dramatiques des incendies de forêt, notamment dans les pays du Maghreb, l’impératif de lutter par tous les moyens contre ce phénomène, dans le cadre d’une approche multidimensionnelle et pluridisciplinaire commune à l’échelle de toute la région, devient une nécessité impérieuse à laquelle aucun pays ne devrait se soustraire, au-delà des problèmes politiques, pour la simple raison que cet enjeu est global et nécessite donc une réponse globale».
Dans le même sens, il rappelle que «la rudesse du climat, la baisse des précipitations, les chaleurs caniculaires, les vents de sable secs et chauds venant du Sahara dus au changement climatique, le surpâturage, l’exploitation excessive du bois, la sécheresse et l’érosion, sont des phénomènes qui touchent tous les pays du Maghreb et provoquent ainsi des processus physiques, climatiques et météorologiques interdépendants, faisant d’un incendie grave dans n’importe quel pays un foyer de perturbation de tout l’écosystème régional».

Une réponse méditerranéenne indispensable

Le changement climatique survenu ces dernières décennies joue un rôle déterminant dans l’augmentation du facteur risque d’éclosion d’incendies de forêt dévastateurs en raison des facteurs météorologiques et environnementaux propices. Sans oublier le facteur humain.
Pour le Pr Lahlou, «sachant que le changement climatique frappe tous les pays du Nord et du sud de la Méditerranée, il y a lieu de penser à une coopération rapprochée entre tous les pays de cette région. Il s’agit de créer un cadre, des structures et des mécanismes efficients de coordination, où l’échange d’expériences et de moyens permettant l’évaluation des risques, la gestion optimale du patrimoine forestier, du reboisement, de l’aménagement des forêts par la création de pistes agricoles, de tranchées pare-feu, de point de stockage d’eau et de moyens humains et matériels d’extinction des incendies».

Que faire?

Afin de lancer une réelle dynamique de coopération entre tous les pays maghrébins et méditerranéens, Mehdi Lahlou suggère la création de structures communes d’évaluation des risques, de surveillances et d’action contre les incendies.
«Au niveau méditerranéen, il est souhaitable de créer une agence météorologique, dotée de tous les moyens scientifiques et technologiques, chargée de fournir quotidiennement les données et cartographies relatives aux zones où le risque d’éclosion d’incendies est le plus élevé», avance-t-il. «Cette base de données devrait être accessible à tous les pays membres en temps réel, tout comme les études sur les orientations des vents, notamment chauds et secs, et sur les régions potentiellement exposées à même de cumuler une importante capacité d’anticipation des incendies, ce qui permettrait de mettre en branle en temps utile, les moyens communs d’extinction».

Agir sur le climat?

Enfin, le Pr Mehdi Lahlou appelle à mettre en œuvre «des politiques communes dans les domaines du reboisement, de la construction de barrages d’eau, mais surtout dans l’élaboration d’un projet commun relatif à la création d’une ceinture verte sur des milliers de kilomètres de longueur et au moins une cinquantaine de kilomètres de largueur. Les pays nord-africains devraient sérieusement penser à cette question en lançant une opération de plantation de milliards d’arbres allant de la côte atlantique Maroco-mauritanienne jusqu’à la frontière entre l’Égypte et le Soudan, afin de stopper la progression du désert qui menace de plus en plus dangereusement le nord de l’Afrique. Ce danger est appelé à atteindre les pays du sud de l’Europe si rien n’est fait pour y remédier. Cette ceinture verte, conjuguée à la création de lacs artificiels dans toutes les régions d’Afrique du Nord où cela est possible, permettrait de créer un écosystème et un climat artificiel à même de diminuer les dangers d’éclosions d’incendies ravageurs et de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique».
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