«Minorer», «caricaturer», «amalgamer», la stratégie de comm’ de la Macronie face aux mobilisations anti-pass sanitaire

© SputnikManifestation contre l'extension du pass sanitaire à Paris, le 22 juillet 2021
Manifestation contre l'extension du pass sanitaire à Paris, le 22 juillet 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 26.07.2021
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Interrogé sur les mobilisations contre le pass sanitaire ce week-end, le Président a défendu la nécessité de la vaccination. Une manière de réduire l’opposition au dispositif à sa seule composante «antivax», analyse à notre micro Arnaud Benedetti pour qui cette stratégie politique «risquée» ne date pas d’hier.

«Je veux lancer un message très fort pour appeler chacune et chacun à se faire vacciner», déclarait Emmanuel Macron ce dimanche, exhortant les Français à «utiliser» cette «arme qu’est le vaccin». A cette occasion le Président s'est exprimé sur la récente mobilisation des manifestants contre le pass sanitaire. Ce samedi, ils étaient quelque 160.000 à être descendus dans la rue en France, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. «Ce n’est pas ça la liberté, ça s’appelle l’irresponsabilité, l’égoïsme», a-t-il lancé à l’adresse de ceux qui refusent la vaccination. Au risque d'«hystériser» le débat, selon le spécialiste en communication politique Arnaud Benedetti pour qui l’extension du pass sanitaire suscite des inquiétudes légitimes au sein d'une partie de la population.

Tous antivax?

Au cours de sa brève intervention devant les caméras, le Président s’est focalisé sur l’efficacité du vaccin, se félicitant du «cap des 40 millions de primo-vaccinés» qui devrait être franchi en France.

«Il s’agit évidemment de minorer, de relativiser le mouvement qui sur le terrain est en train de se construire assez rapidement. Mais aussi de se focaliser sur la vaccination en amalgamant des manifestants sous le terme d’antivax quand leurs motivations sont en réalité hétérogènes», précise notre interlocuteur.

Une stratégie politique que l’auteur de l’ouvrage Le coup de com permanent (éd. du Cerf) compare à celle opérée par certains membres du gouvernement ou de la majorité présidentielle au moment des Gilets jaunes, «réduits alors à des factieux ou des extrémistes».

Manifestation contre le pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants, 21 juillet 2021, Paris - Sputnik Afrique, 1920, 23.07.2021
Mobilisation contre le pass sanitaire: «Si la situation se détériore, les gens ne resteront pas chez eux»
À l’instar de l’ancien porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, qui avait qualifié deux leaders du mouvement, Maxime Nicolle et Éric Drouet, de «factieux» et de «séditieux». De quoi faire écho aux récentes déclarations de celui qui occupe actuellement le même poste, Gabriel Attal, qui quelques jours plus tôt évoquait les manifestants anti-pass sanitaire comme une «frange capricieuse et défaitiste». Cette «communication est très risquée dans ce contexte de tensions», ajoute Arnaud Benedetti. Cette «caricature du mouvement» se fait aussi et surtout selon lui au détriment d’un débat de fond sur le sujet de l’extension du pass sanitaire.

La liberté en débat

À l’échelle nationale, c’est pour l’instant une majorité de la population qui est favorable à ce pass sanitaire. Du moins selon le sondage Ipsos-Sopra Steria publié le 16 juillet pour France info et Le Parisien/Aujourd’hui en France. 62% des Français interrogés seraient favorables à la mise en place de ce nouveau certificat pour entrer dans un lieu public. En revanche, 35 % des Français affichent un «total soutien» aux mobilisations contre le pass sanitaire qui se sont déroulées ce week-end, d’après un sondage Ifop pour le JDD.

​Arnaud Benedetti estime que «le pass sanitaire pose un certain nombre de problèmes sur le plan des principes fondateurs de notre démocratie. À l’exemple de la liberté de mouvement ou de l’égalité de toutes et de tous devant la loi».

«La vraie question est de savoir si ces mesures de restrictions des libertés sont proportionnelles à l’enjeu sanitaire qui est censé les autoriser». 

Dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 juillet, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi prévoyant l’extension du pass sanitaire. Interrogé par la presse ce dimanche, le chef de l’État a mis en avant la tenue de ce «débat démocratique» entre les deux assemblées «comme notre Constitution le prévoit». Façon sans doute pour le Président de se défendre des accusations de «dictature sanitaire» qui ont fleuri dans les slogans des dernières manifestations ou les propos de certaines personnalités politiques.

«J’invite d’ailleurs toutes celles et ceux qui parfois prononcent des grands mots lorsqu’on parle de la France à juste constater que c’est ça qui s’appelle la démocratie», a ajouté le chef de l’État.

Un argument «formellement recevable» pour Arnaud Benedetti, mais qui «fait fi d’une partie de l’opinion publique qui n’est pas négligeable et qui, sans être pour autant antivax, est opposée à l’extension de ce pass sanitaire».

Et notre interlocuteur de s’interroger sur la saisine du Conseil constitutionnel par le Premier ministre, Jean Castex. «Rendra-t-il une décision d’opportunité politique ou une décision en droit?». Réponse le 5 août prochain.

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