Violence «glamourisée»: Toulouse maintient une expo de Guy Bourdin malgré les critiques

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Photographie (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 01.07.2021
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N’étant pas adepte de la «cancel culture», la mairie de Toulouse a refusé de censurer l’exposition photo de Guy Bourdin malgré la colère de collectifs féministes. Si les autorités évoquent la «liberté de création», le collectif Osez le féminisme dénonce «la pornification» des femmes et des jeunes filles dans ces images.

«Au nom de la liberté de création et de la liberté culturelle»: les autorités de la ville de Toulouse ont décidé de maintenir l’exposition du photographe Guy Bourdin dédiée au «porno chic des années 1970». Avant, dans une lettre ouverte au maire, Jean-Luc Moudenc, des mouvements féministes avaient demandé qu’elle soit annulée.

«Pornification des femmes»

L’exposition, qui se tient au Musée de l’affiche de Toulouse, réunit une collection d’images du photographe de mode français (1928-1991).

«Sous couvert d’esthétisme, de qualités artistiques contestables par ailleurs, des corps de femmes (ou d’enfants parfois) découpés, comme mutilés, offerts lascivement, constituaient le thème artistique récurrent de ce publiciste», ont rappelé les collectifs signataires de la lettre – collectif Midi-Pyrénées pour les droits des femmes (CMPDF), Osez le Féminisme 31 et le mouvement HF Allie.e.s.

«Elle expose des femmes démembrées dans une esthétique de fait divers, avec une impression globale d’érotisation de la violence faites aux femmes. On voit des corps mais pas de sujet, les femmes ne sont jamais nommées. Les poses sont lascives et passives et donnent le sentiment que ces femmes sont observées par l’œil d’un voyeur pervers», détaille à Sputnik la vice-présidente d’Osez le féminisme, Enora Lamy.

«Guy Bourdin fait partie, avec Helmut Newton, qui a photographié une fillette à quatre pattes avec une selle sur le dos, d’un courant pseudo-artisitique appelé "porno chic". Il a eu son moment de gloire dans les années 70, bénéficiant de l’impunité d'hommes se disant artistes pour mieux œuvrer à la pornification des femmes, des jeunes filles.»

Par conséquent, il s’agit d’un événement qui fait «l’apologie de la culture du viol et glamourise la violence masculine faite aux femmes», poursuit-elle.

Non à la «cancel culture»

Des associations féministes ont été consultées, par mail, «bien avant l’installation de l’exposition», a tenu à souligner de son côté Pierre Esplugas, adjoint au maire en charge des musées.

«Pour autant, au nom de la liberté de création et de la liberté culturelle, nous ne nous sommes pas reconnu le droit de censurer cet artiste.»

Deux photos ont été en effet retirées et des avertissements pour les visiteurs concernant le caractère «choquant» de certains clichés de Bourdin.

«Nous ne partageons pas la "cancel culture"», a encore déclaré Pierre Esplugas. «Nous ne jetons pas les tableaux de David montrant les batailles napoléoniennes ou les livres de Socrate. La guerre, l'esclavage, les violences envers les femmes, c'est lamentable évidemment. Mais une œuvre est le témoignage d'une époque.»

«Je ne suis pas juste une jambe»

En réponse, plusieurs collectifs ont manifesté le 30 juin devant le musée et ont tagué l’affiche de l’exposition avec les mots «Culture du viol».

Des femmes ont brandi des pancartes «Pédocriminalité hors de nos musées» et «Je ne suis pas juste une jambe».

D’après le collectif Tenaces, «l’univers du Guy Bourdin renforce le sentiment de toute puissance de la domination masculine et concoure à consolider la culture du viol et de la pédocriminalité».

«Corps morcelés, membres juvéniles, et femmes-objets, les photos de cet artiste sont dégradantes et placent le spectacteur-trice dans la peau d'un prédateur-trice», pointe à Sputnik une porte-parole des Tenaces.

L’exposition a ouvert au mois d'avril et se poursuivra jusqu’au 29 août.

Pour Osez le féminisme, le choix d’exposer Guy Bourdin est déplorable «alors que tant d’autres artistes femmes contemporaines manquent de visibilité: nous aurions toutes et tous gagné à voir une femme exposée plutôt que Guy Bourdin», résume Enora Lamy.

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