Mise en place de l’orthographe «rectifiée» en Suisse: «décadence de l’école» en vue

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À partir de 2023, les écoliers de la Suisse romande écriront le français dans une orthographe «rectifiée». La simplification supprime des accents, des traits d’union… L’écriture s’affranchit de certaines règles jugées obsolètes par les autorités. La démarche dépasserait le champ purement linguistique, estime un élu helvétique.

Oubliez le franglais. Bientôt l’heure sera au fransuisse. Une valeur cependant moins appréciée que son homophone, le franc suisse!

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Les autorités en charge de l'éducation des cantons de la Suisse romande proposent de supprimer certaines règles d'orthographe de la langue française. Par cette mesure, la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) souhaite «adapter» l’orthographe à «l’état actuel de la langue». Ainsi le non-redoublement des consonnes «l» ou «t» avant la désinence pourrait, par exemple, devenir la norme. Exemple: «greloter» au lieu de «grelotter». «Rondpoint», «pingpong» seront délestés, quant à eux, de leur trait d’union.

Conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) pour le canton suisse de Vaud, Michaël Buffat ne fait pas mystère de son hostilité à cette mesure. Outre «l’attaque contre la langue française», il mentionne au micro de Sputnik un problème social et «le nivellement par le bas».

«Ça témoigne également d’une décadence de l’école ces dernières années. On ne veut plus apprendre l’effort aux jeunes. C’est positif pour un jeune de devoir apprendre: d’apprendre par cœur et acquérir le goût de l’effort», constate l’élu.

D’ailleurs le «goût de l’effort» deviendrait «gout de l’effort» suivant la graphie «adaptée». La liste des rectifications est longue. Chacun peut jouer à l’apprenti linguiste pour essayer de comprendre la logique des modifications. Pourquoi «douceâtre» est-il désormais figé sous la forme «douçâtre» tandis que la «mûre» perd son accent circonflexe pour devenir «mure»?

Une scission sociale en perspective?

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L’élu de Vaud reste persuadé qu’«il y aura des enfants qui voudront apprendre, qui ont le goût de le faire». Mais le destin des enfants dont les parents ne les pousseront pas «à respecter la bonne orthographe» l’inquiète.

«Pour l’instant, nous sommes dans une société égalitaire. On encourage tout le monde à apprendre. Mais on risque de ne pas pousser à apprendre ceux qui ont des difficultés. On va leur dire: si vous n’arrivez pas à le faire, ne le faite pas», déplore Michaël Buffat.

La maîtrise de la langue semble indispensable pour cet élu qui a déposé l'année dernière au Parlement suisse une motion «pour exiger de meilleures connaissances linguistiques lors de la naturalisation et de l'octroi d'autorisations d'établissement». Et il se bat pour que «toute personne qui veut s’intégrer» maîtrise la langue, «un des principaux moyens d’intégration».

De l’école primaire à l’université

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Trente ans se sont écoulés depuis le 6 décembre 1990 quand les dernières rectifications de l’orthographe paraissaient au Journal officiel. À l’époque en France comme aujourd’hui en Suisse, les deux orthographes –«traditionnelle» et «nouvelle»– sont restées dans l’usage. Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française, dénonçait une «nouvelle norme» que «les enseignants […] auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves».

«Ça n’a pas de sens. Ce projet –de faire coexister deux orthographes– me paraît totalement absurde. Ce n’est pas parce que les jeunes qui sortent de nos écoles n’ont plus le goût de l’effort qu’on ne doit plus apprendre la langue correctement. Là, on va dans une mauvaise direction», assure le député.

Et les jeunes de Suisse romande auront bien besoin de garder intact le désir d’apprendre, parce que, arrivés à l’université, ils se retrouveront de nouveau dans le royaume du français classique.

Une mesure également jugée «discutable» par Hélène Richard-Favre, écrivain et linguiste, au micro de Sputnik.

«Ce qui me frappe avant tout est que cette réforme que la Suisse a adoptée ne va concerner que certains degrés de l’enseignement scolaire, mais pas l’université. Il y a là une incohérence qui me paraît plus discutable, sinon inquiétante, que la réforme elle-même», observe l’auteur.
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