Origines du Covid-19: les services secrets américains à la manœuvre

© AFP 2023 POOLJoe Biden
Joe Biden - Sputnik Afrique, 1920, 27.05.2021
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Joe Biden a donné 90 jours au renseignement américain pour faire la lumière sur les origines du Covid-19. Cette annonce intervient alors que la thèse d’une fuite d’un laboratoire de Wuhan refait l’actualité. Dans la foulée, Pékin s’est offusqué d’une telle initiative, rappelant «l’histoire sombre» des services secrets des États-Unis.

La controverse scientifique se politise un peu plus chaque jour. Zhao Lijian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, a dénoncé ce jeudi 27 mai l’initiative engagée par le Président des États-Unis. La veille, Joe Biden appelait en effet les services secrets américains à «redoubler d’efforts» dans la recherche des origines du Covid-19 en exigeant la remise d’un rapport d’ici à 90 jours. Au moment même où la thèse de l’accident d’un laboratoire de Wuhan reprend du crédit dans la communauté scientifique. La demande de Joe Biden marque une étape supplémentaire dans la contestation, par des institutions officielles, des conclusions du rapport réalisé en coopération entre l’OMS et la Chine.

​Dans son allocution, Zhao Lijian a rappelé que l’enquête conjointe OMS-Chine du mois de mars dernier jugeait cette thèse «extrêmement improbable» et concluait à une transmission homme-animal du virus. Le porte-parole chinois a paré l’attaque américaine en insistant sur l’aspect «officiel, formel et scientifique» de cette conclusion. Avant de riposter, en dénonçant «l’histoire sombre du renseignement américain, qui est connue depuis longtemps par le monde entier». 

Le sceau de Joe Biden 

Dans un communiqué publié ce jeudi, l’ambassade de Chine à Washington a elle aussi critiqué vertement l’injonction faite aux services secrets américains de fournir un nouveau rapport sur les origines du virus. Une telle politisation serait, selon elle, malvenue et nuisible à l’enraiement de la maladie à travers le monde. 

Avant même la publication du communiqué de Joe Biden, Pékin avait accusé les États-Unis de valider des théories «complotistes» sur ce sujet. Par sa requête adressée au renseignement américain, Joe Biden avalise désormais officiellement la thèse selon laquelle les experts mandatés par l’OMS pour mener leur enquête au mois de mars ont été entravés dans leurs recherches.

«Les États-Unis continueront à travailler avec leurs partenaires à travers le monde pour faire pression sur la Chine afin qu’elle participe à une enquête internationale complète, transparente et fondée sur des preuves», a-t-il déclaré pour justifier l’intervention des services secrets américains. 

Joe Biden appelle d’ailleurs au passage à ce qu’une liste de «questions spécifiques» soit posée à la Chine dans cette affaire.

Donald Trump lui-même, à l’époque de son mandat, avait pointé du doigt la responsabilité de la Chine dans la diffusion du virus sur la planète. L’ancien Président était allé jusqu’à dénommer d’ailleurs le SARS-CoV-2 le «virus chinois». Il affirmait même disposer de «preuves» de la part des services de renseignement.

Les médias s’étaient alors empressés de qualifier cette théorie de «complot» propagé par l’ex-chef d’État, accusé au passage de chercher «un bouc émissaire» à la crise épidémique qu’il aurait été incapable de gérer aux États-Unis. Nul doute que les récentes déclarations du Président démocrate risquent de blanchir un peu plus encore cette hypothèse revenue depuis peu sur le devant de la scène.

Le lent retournement

Au mois de février 2021, une équipe d’experts de l’OMS avait été dépêchée en Chine pour étudier les origines du Covid-19. Dans leur rapport conjoint de mars dernier, les scientifiques jugeaient la thèse zoonotique (transmission de l’homme à l’animal) comme la plus probable, et celle d’un accident de laboratoire «extrêmement improbable».

​Or, le patron de l’OMS lui-même, Tedros Adhanom Ghebreyesus, réclamait quelques semaines plus tard une nouvelle enquête sur cette hypothèse. Qualifiée à ses débuts de complotiste, la thèse de l’accident de laboratoire a alors été réévaluée par la communauté scientifique.

Le Wall Street Journal révélait quant à lui la semaine dernière avoir obtenu des informations du renseignement américain selon lesquelles trois chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan avaient été atteints dès le mois de novembre 2019 de «symptômes compatibles à la fois avec ceux du Covid-19 et une infection saisonnière» qui avaient nécessité des soins hospitaliers. Dans la foulée, Pékin démentait les accusations du journal, les qualifiant de «totalement fausses». 

​À la mi-mai également, plusieurs experts publiaient une tribune dans la revue Science, déclarant que les deux hypothèses «restent toutes les deux valables» et appelant à des recherches supplémentaires «pour déterminer l’origine de la pandémie». Fin avril encore, Le Monde relayait une lettre ouverte portant la signature d’une trentaine de scientifiques de renom. Les experts y interpellaient le directeur général de l’OMS sur les «zones d’ombre» du rapport conjoint OMS-Chine. 

Pourtant, des scientifiques avaient émis des doutes sur la thèse d’une transmission homme-animal dès le commencement de la pandémie. C’est ce que rappelait à Sputnik le journaliste de Marianne Brice Perrier, qui a enquêté sur les origines du Covid-19. Une offensive médiatico-scientifique avait alors enterré les théories alternatives qui couraient dès le début de l’année 2020. Avec les déclarations de Joe Biden, pour qui néanmoins aucune «conclusion définitive» n’est encore possible, la thèse alternative à l’apparition du virus SARS-CoV-2 vient de prendre du galon.

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