Au Sénégal, ce «cocktail explosif» que ravive l’affaire Sonko

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 manifestations au Sénégal - Sputnik Afrique, 1920, 12.03.2021
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Dakar reste sous tension alors qu'un appel à manifester demain samedi 13 mars pourrait raviver la colère de la rue. Le récent embrasement de la capitale sénégalaise à la suite de l'arrestation de l'opposant Ousmane Sonko, libéré le 8 mars, témoigne, selon un observateur sénégalais, de tout un climat «délétère» que cette affaire est venue accentuer.

Le Mouvement de défense de la démocratie (M2D) qui soutient Ousmane Sonko, principal opposant du Président sénégalais Macky Sall, appelle à de nouvelles manifestations dans les rues de Dakar ce samedi 13 mars 2021.

Le M2D est une coalition de formations politiques et de mouvements citoyens sénégalais, créée quelques heures après l’arrestation de l’opposant sénégalais le 03 mars 2021, pour réclamer sa libération.

Il appelle à manifester ce samedi pour réclamer «la libération de tous les manifestants arrêtés» durant les troubles provoqués par l’arrestation d’Ousmane Sonko, sur la période du 3 au 06 mars.

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Officiellement, le nombre de manifestants arrêtés par les forces de polices lors des troubles de la semaine dernière n’est pas connu. Mais ils seraient plus d’une centaine selon une source de la société civile sénégalaise contactée par Sputnik. Les affrontements entre manifestants et les forces de défense et de sécurité ont déjà fait 5 morts, selon les autorités. 11, selon le camp de l’opposant Sonko.

À la suite de ces graves affrontements, plus vus à Dakar depuis plusieurs années, les autorités judiciaires ont décidé de libérer le 8 mars l’opposant Ousmane Sonko. Le juge l’a néanmoins placé sous contrôle judiciaire concernant l’accusation de viol portée contre lui par une jeune masseuse. Les autres charges ont été abandonnées.

«… Laissons la justice suivre son cours en toute indépendance. Tous ensemble, taisons nos rancœurs et évitons la logique de l'affrontement qui mène au pire», commentait lundi 8 mars au soir au sujet de cette affaire de viol, le Président Macky Sall dans une allocution télévisée.

Le Président sénégalais a appelé au «calme et à la sérénité», en réaction aux casses, aux maisons et magasins brûlés ou pillés, aux voies endommagées par des pneus brûlés dans les rues de Dakar, durant les trois jours de troubles qu'a connus la capitale sénégalaise.

«Rien, ni aucune cause ne saurait justifier ces actes regrettables. Chacun, avec ses choix et ses opinions, dans le respect des autres, nous pouvons et devons régler nos divergences autrement que par la violence destructrice» ajoutait le chef de l'État.

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«La situation sociale est au calme depuis le 09 mars 2021, les commerces et les banques ont rouvert, et les populations ont pu vaquer librement à leurs activités», a confié à Sputnik Senghane Senghor, chargé des Affaires juridiques de la RADDHO, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme, établie à Dakar.

Remontée de la tension

L'appel à manifester le 13 mars fait craindre à Dakar une remontée de la tension dans le pays.

Cette inquiétude est exprimée par exemple par Senghane Senghor pour qui «l’affaire Sonko n’a été qu’un événement déclencheur» dans un climat déjà délétère dû à différentes frustrations perceptibles dans le pays depuis plusieurs années, selon lui.

«Depuis mars 2020, avec le Covid-19, le pays est économiquement à terre du fait d’un couvre-feu permanent avec des horaires de travail et de circulation des populations réduits. Beaucoup de petits commerçants ont perdu leurs activités», détaille-t-il.

L'activiste s'attarde sur les proportions inquiétantes du chômage au Sénégal. Selon les derniers chiffres rendus public par l’OIT, l’Organisation internationale du travail, en octobre 2020, le taux de chômage au Sénégal, avoisinerait les 48% de la population.

«A cela, il convient de rajouter les velléités imputées au Président Macky Sall de briguer un troisième mandat en 2024, alors que l'état actuel de la Constitution ne le permet pas. Tout cela est bien loin d'apaiser le climat socio-politique dans le pays», regrette M.Senghor.

Comparant ces frustrations à «un cocktail explosif» dont le dégoupillage peut intervenir à tout moment, Senghane Senghor a appelé le chef de l’État à calmer les esprits en libérant les manifestants arrêtés.

​En attendant, les publications favorables à la manifestation de samedi se multiplient sur les réseaux sociaux.

​Poursuivre la mobilisation

En conférence de presse quelques heures après son élargissement, le 8 mars, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko avait déjà appelé à la libération de ses soutiens. Il a à cet effet appelé ses militants à «poursuivre la mobilisation» dans ce sens.

Il a aussi dénoncé «un complot» du Président Macky Sall, visant à l’écarter de la course à la présidentielle de 2024.

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Deux opposants sénégalais (Karim Wade, le fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, et Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar) ont, depuis que Macky Sall est arrivé au pouvoir en 2014, été mis hors-jeu par des condamnations judiciaires contrecarrant leur ambition de briguer un mandat présidentiel.

À noter que ce jeudi 11 mars 2021 a été décrété au Sénégal journée de deuil national par les autorités. Le M2D a lui choisi la date de vendredi 12 pour rendre hommage aux victimes.

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