Accord sur le nucléaire iranien: Macron «facilitateur» ou inhibiteur?

© REUTERS / BENOIT TESSIERLe président français Emmanuel Macron, portant un masque de protection, fait des gestes alors qu'il prononce une déclaration commune avec le président serbe Aleksandar Vucic (non vu) au Palais de l'Elysée à Paris, France, le 1er février 2021. REUTERS/Benoit Tessier
Le président français Emmanuel Macron, portant un masque de protection, fait des gestes alors qu'il prononce une déclaration commune avec le président serbe Aleksandar Vucic (non vu) au Palais de l'Elysée à Paris, France, le 1er février 2021.  REUTERS/Benoit Tessier - Sputnik Afrique, 1920, 05.02.2021
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Le Président Macron a rappelé sa volonté d’être un «facilitateur» dans le «dialogue» entre Washington et Téhéran sur le retour des deux pays dans l’accord sur le nucléaire iranien. François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, doute de la capacité du chef de l’État à assumer ce rôle. Il explique son scepticisme à Sputnik.

«Je crois que nous avons besoin de finaliser une nouvelle négociation avec l'Iran, et le Président Biden a un rôle critique» dans ce processus, a expliqué Emmanuel Macron ce 4 février, au cours d’un entretien avec le groupe de réflexion Atlantic Council, un groupe de réflexion atlantiste comme son nom l’indique.

Pour ce faire, le Président français est prêt à mettre la main à la pâte. «Je ferai tout mon possible pour soutenir toute initiative américaine pour réengager un dialogue exigeant, et j'essaierai d'être […] un facilitateur dans ce dialogue», a annoncé le chef de l’État.

«En principe, la France pourrait être un médiateur honnête entre les deux pays. Cette possibilité était ouverte, mais elle s’est légèrement rétrécie, sinon fermée avec des déclarations de Président français qui doivent gêner les Iraniens», tempère au micro de Sputnik François Nicoullaud, ex-ambassadeur de France en Iran (2001-2005).

En l’occurrence, celui-ci fait référence à la proposition française d’associer l’Arabie saoudite et Israël aux négociations sur le nucléaire iranien. Le 29 janvier, Emmanuel Macron avait déjà émis l’idée d’une négociation qui inclurait Riyad, du fait de sa position de puissance régionale majeure.

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Téhéran a aussitôt exclu toute initiative en ce sens. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh a rappelé les obligations légales des uns et des autres dans le cadre de l’accord: «L’accord nucléaire est un accord international multilatéral ratifié par la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’Onu, qui n’est pas négociable et les parties à celui-ci sont claires et immuables

Échec de la médiation en 2019

Ce 4 février, le Président français a renchéri en ajoutant Israël, principal rival régional de Téhéran, dans le lot des potentiels négociants. Pour l’ancien ambassadeur français en Iran, les déclarations d’Emmanuel Macron rendent mécaniquement sa posture de facilitateur moins crédible.

«Les déclarations d’Emmanuel Macron présument un peu de la position française. Or, quand on est médiateur, ou qu’on aspire à l’être, il ne faut pas commencer à prendre parti ou annoncer dans quelle direction on va. Il faut être un peu plus ouvert et équilibré», estime l’ancien diplomate.

L’ancien diplomate livre un diagnostic d’expert: «Il y a là une contradiction entre la volonté d’être médiateur et la volonté d’exprimer ses idées.» Même si ces volontés «peuvent être sympathiques» au demeurant, elles «créent tout de même un problème, car elles peuvent difficilement aller ensemble».  

En septembre 2019, à l’occasion de la 74e assemblée générale des Nations unies, le Président français avait déjà tenté une forme de médiation entre Téhéran et l’Administration US, négociée dans les couloirs du siège des Nations unies à New York. Une tentative restée vaine.

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À l’époque, certains observateurs jugeaient la position française de facilitateur biaisée du fait de la proximité de Paris avec Riyad. «Je pense qu’Emmanuel Macron fait de la communication pour l’opinion publique française. Il n’a pas véritablement la possibilité d’être un médiateur. La France est l’alliée militaire de l’Arabie saoudite et n’est donc pas un facteur neutre. Si vous regardez les nominations au Quai d’Orsay et au ministère de la Défense, les fonctionnaires promus ces derniers mois ont des positions anti-iraniennes», expliquait alors à Émile (magazine des anciens de Sciences Po) Clément Therme spécialiste de l’Iran et chercheur au CERI à Sciences Po affilié au programme Nuclear Knowledges.

Une démarche mécaniquement faussée

 Une logique qui s’applique également aujourd’hui:

«Introduire Israël et l’Arabie saoudite modifierait les équilibres à l’intérieur du groupe de négociation qui avait traité jusqu’à présent de ce dossier du nucléaire iranien», prévient François Nicoullaud.  

Au-delà mêmes des acteurs que sont l’Arabie saoudite et Israël, François Nicoullaud estime que la démarche visant à vouloir augmenter le nombre de participants à une négociation les complique mécaniquement. Quand bien même ces acteurs n’auraient pas d’intérêts cruciaux dans celles-ci.

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La médiation française dans le dossier nucléaire risque de ne pas rencontrer un accueil chaleureux au niveau même de la population iranienne. La côte d’Emmanuel Macron n’est pas au plus haut dans le pays. En particulier depuis la prise de position du Président français en faveur de la défense des publications de caricatures du prophète. Un épisode qui a gravement entaché son image au pays des Mollahs.

© AP Photo / Ebrahim NorooziManifestation devant l'ambassade de France à Téhéran
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Manifestation devant l'ambassade de France à Téhéran

«C’est toujours très compliqué d’arracher des concessions de Téhéran concernant leur programme de missile balistique et leur politique régionale», conclut notre interlocuteur jugeant que l’accord «peut encore être sauvé», même si «beaucoup de choses peuvent se passer».    

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