Plainte contre Didier Raoult: «C’est une obsession», s’indigne son avocat

© AP Photo / Daniel ColeDidier Raoult
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Le professeur Raoult riposte à la plainte déposée contre lui par l’Ordre des médecins. Pour son avocat, cette procédure disciplinaire est le chant du cygne d’une instance qui s’est illustrée par son absence durant la crise. Refusant de s’attaquer aux puissants, elle espérerait, selon maître Fabrice Di Vizio, intimider tous les praticiens.

Bras de fer, à la veille de Noël, entre le professeur Raoult et le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) ou plutôt… entre le professeur Didier Raoult et le docteur Patrick Bouet, président de l’instance ordinale. Le 22 décembre, au lendemain des révélations de l’agence de presse médicale APMNews sur le dépôt de plainte du CNOM à l’encontre du directeur de l'Institut hospitalo-universitaire de Marseille et de cinq autres médecins, son avocat annonçait déposer plainte à son tour.

«C’est devenu une obsession. La prochaine étape, c’est d’accuser [Didier Raoult] d’avoir tué Kennedy. C’est du délire!» s’emporte Fabrice Di Vizio, avocat du professeur Raoult, au micro de Sputnik.

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Le CNOM s'est associé à la plainte déposée en juillet par la Société de pathologie infectieuse de langue française auprès du conseil de l'ordre des Bouches-du-Rhône, dont le président, le professeur Pierre Tattevin, reprochait au professeur Raoult d'avoir «fait une grosse promotion» de l'hydroxychloroquine. Pour riposter à ce procès en charlatanisme, Didier Raoult a donc déposé plainte pour harcèlement, directement à l’encontre du docteur Bouet.

La démarche judiciaire et son annonce dans la presse tranchent à n’en pas douter avec le silence dont le Conseil de l’ordre a fait preuve tout au long de la crise sanitaire. «On a une atteinte claire à l’intégrité du corps humain!» s’indigne l’homme de loi, qui souligne de surcroît une «coïncidence des dates», au moment même où le gouvernement dépose un projet de loi visant à pérenniser l’État d’urgence sanitaire.

Indignation sélective du Conseil de l’ordre

«Ils n’ont pas dit pourquoi, même à moi», précise l’avocat, concernant les griefs du Conseil de l’ordre à l’encontre de son client, «pour les "propos tenus"; je ne sais pas de quoi ça parle». Une chose est cependant sûre à ses yeux: la liberté d’expression fonctionne à «deux vitesses» au CNOM. Ainsi notre interlocuteur souligne-t-il qu’Olivier Véran, Jérôme Salomon ou encore Agnès Buzyn, tous médecins, n’ont toujours pas été inquiétés pour leurs manquements. Comme le rappelle Fabrice Di Vizio, l’ex-ministre de la Santé a publiquement avoué avoir vu venir le danger du Covid-19 avant de démissionner pour briguer la mairie de Paris.

«Est-ce plus grave de dire “j’ai averti tout le monde, ils n’ont rien fait” ou de dire "Covid: fin de partie"?» tacle le juriste, en référence à une vidéo du professeur Raoult, postée fin février, où il annonçait une efficacité in vitro de la chloroquine sur le SRAS-CoV-2. «Est-il plus grave de venir faire pression pour falsifier un rapport ou de dire "la chloroquine, ça marche"?» poursuit-il. Une référence, cette fois, aux pressions qu’aurait exercées Jérôme Salomon afin de modifier un rapport de 2018 préconisant le rachat de masques de protection respiratoire en prévision d’une pandémie. Un stock d’État que le numéro deux du ministère de la Santé jugeait à l’époque trop coûteux à entretenir.

«L’Ordre aurait pu s’intéresser à Jérôme Salomon. Mais, pour cela, il faut du courage. Et si l’État se fâchait? Vous imaginez s’ils recevaient un coup de téléphone du ministre, ce serait terrible», raille l’avocat.

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Ce dernier ne s’arrête pas en si bon chemin, rappelant l’inaction du Conseil de l’ordre face aux menaces de mort reçues par Didier Raoult de la part d’un chef de service du CHU de Nantes. «Est-il plus grave de prendre son téléphone pour, de manière anonyme, menacer de mort un confrère ou de dire qu’à Marseille on a de bons résultats là où –chiffres à l’appui– à Paris ils sont plus mauvais?» poursuit-il ainsi. Même comparaison concernant tous ceux qui ont promu le Remdesivir comme «un traitement miraculeux, efficace, prometteur» au moment où «on sait déjà qu’il ne marche pas. Est-ce plus grave de venir dire qu’on a un important nombre d’études qui montrent que la chloroquine marche?»

Sans concession vis-à-vis de l’instance ordinale, Fabrice Di Vizio souligne également les révélations, début 2019, du Canard enchaîné. L’hebdomadaire satirique avait alors déniché un rapport provisoire de la Cour des comptes pointant l’absence de sanctions du CNOM à l’encontre de médecins présentant d’importants conflits d’intérêts en raison de liens avec des laboratoires pharmaceutiques. La même mansuétude avait épargné des praticiens condamnés pour des abus sexuels dans le cadre de leur profession!

«Nous avons affaire à un Ordre qui n’existe plus et qui entame aujourd’hui un baroud d’honneur. Mais personne n’est dupe, le Conseil national de l’ordre des médecins est mort avec cette crise», assène Fabrice Di Vizio. «Si j’étais l’Ordre, avec les casseroles qu’il a aux fesses, je resterais bien confiné, à faire mon petit travail administratif, à toucher mon généreux salaire à la fin du mois et surtout je n’essaierais pas d’exister. Car il y avait encore un doute. Mais là tout monde va voir qu’ils sont ridicules. Ils vont devenir la risée de la profession.»

«C’est une volonté d’intimidation, rien d’autre», accuse-t-il, revenant sur le profil des différents médecins ciblés par le CNOM. «Ce n’est pas Raoult la cible, ce sont les médecins de base; c’est une volonté de s’immiscer dans la liberté des médecins», tonne l’avocat du professeur Raoult avant d’insister : «Le but de ces pointures, c’est de dire aux généralistes "attention, on vous a à l’œil".»

Une mesure «d’intimidation» des médecins

Sur le banc des accusés, hormis les médiatiques professeurs Didier Raoult et Christian Perronne, on retrouve le professeur Henri Joyeux, cancérologue à la retraite, le docteur Nicole Delépine, ancienne oncologue pédiatrique à Garches, ainsi que deux généralistes: les docteurs Nicolas Zeller et Hélène Rezeau-Frantz.

«Il y a une volonté clairement assumée de l’Ordre national des médecins d’intimider le corps médical en contestant les libertés thérapeutiques, en venant entraver ni plus ni moins qu’une libre expression!» martèle maître Di Vizio.

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Dénonçant cette «pression» mise aujourd’hui sur les universitaires dans le cadre de la crise du Covid, l’avocat dresse un parallèle avec la situation rencontrée de longue date par les journalistes. «Par peur des poursuites, ils s’autocensurent. C’est la même chose avec les universitaires», insiste Fabrice Di Vizio. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet «mis en garde contre le fait que les poursuites à l’encontre de journalistes peuvent être de nature à entraver leur liberté d’expression»

La violation de la liberté d’expression des enseignants-chercheurs, un angle d’attaque adopté par l’avocat du professeur Perronne, cette fois à l’encontre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). L’établissement public francilien avait annoncé le 17 décembre démettre de ses fonctions le chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, à l’issue d’un entretien avec son directeur Martin Hirsch.

Le professeur Perronne aurait ainsi «tenu publiquement des propos non confraternels» à l’encontre de l’un de ses confrères dans le film documentaire Hold-Up, selon l’AP-HP qui a assorti ce licenciement d’une plainte auprès du conseil départemental de l'ordre des médecins. Une plainte là aussi reprise par l’instance nationale de l’Ordre des médecins.

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