Algérie: Recherche Tebboune désespérément

© AP Photo / Toufik DoudouAbdelmadjid Tebboune
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Évacué en urgence au mois d’octobre en Allemagne, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune n’a pas encore regagné son pays. Cette longue absence du chef de l’État et la défaillance des services de la présidence en matière de communication ont suscité l’inquiétude dans l’opinion publique.

Bis repetita. Les Algériens ont l’impression de revivre la crise politique de 2013, lorsque le Président de la République de l’époque, Abdelaziz Bouteflika, victime d’un AVC, avait été évacué vers des établissements hospitaliers de l’armée française. Cette fois-ci, c’est à son successeur d’avoir de graves soucis de santé.

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Le 15 octobre, le Président Abdelmadjid Tebboune recevait Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères qui était en visite à Alger. C’était sa dernière apparition publique puisque le Conseil des ministres prévu le dimanche 18 octobre avait été annulé.

Communication défaillante

Après quelques jours, une dépêche de l’agence officielle APS annonçait que le chef de l’État avait été soumis à un «confinement sanitaire de cinq jours après avoir constaté que plusieurs cadres supérieurs de la présidence de la République et du gouvernement présentaient des symptômes de contamination au nouveau coronavirus».

La situation était particulièrement sensible puisque les autorités s’apprêtaient à faire voter un amendement constitutionnel, projet phare de la feuille de route politique d’Abdelmadjid Tebboune. Le 28 octobre, il avait été transféré en urgence dans un avion sanitaire vers un hôpital de la ville de Cologne en Allemagne.

«Après les examens médicaux approfondis qu’a subis le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, dans un grand hôpital spécialisé allemand, le staff médical affirme que les résultats de ces examens sont rassurants. Le Président reçoit actuellement le traitement adéquat et son état de santé est stable et n’est pas préoccupant», ont annoncé dès le lendemain les services de la présidence.

Jusque-là, les Algériens n’avaient eu aucune information sur la nature de la maladie du chef de l’État. Mais il n’avait pu assister au référendum constitutionnel qui s’était tenu le 1er novembre. Il avait fallu attendre le 3 novembre pour apprendre, à travers un autre communiqué officiel, qu’Abdelmadjid Tebboune était atteint du Covid-19.

Chérif Dris, professeur de sciences politiques à l’École supérieure de journalisme d’Alger (ESJA), indique à Sputnik qu’en matière de communication, la gestion de la crise a «entretenu le mystère autour de la maladie du Président». Selon lui, «l’opinion publique se demande si le pays n’est pas en train de vivre le même scénario que celui de Bouteflika».

«Dans tous les pays, la santé du Président relève du domaine public. C’est un facteur déterminant dans sa capacité à gérer les affaires de l’État. Dans le cas d’Abdelmadjid Tebboune, la présidence de la République semble suivre le même schéma de gestion de la maladie que pour son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika. La gestion communicationnelle a montré des limites et a provoqué des défaillances», note le professeur Chérif Dris.

Le politologue rappelle que «dans un monde médiatique très diversifié, notamment avec les réseaux sociaux, il est impossible de cacher cette maladie». Il est évident que le service de la communication de la présidence a été incapable d’élaborer et d’appliquer un plan de crise.

Cafouillage

Il faut dire que le premier responsable de ce département, le ministre-conseiller Belaïd Mohand-Oussaïd, qui assure également la fonction de porte-parole de la présidence, a lui-même disparu depuis plusieurs semaines. Les autres membres de l’équipe de communication –d’anciens journalistes pour la majorité– sont aussi aux abonnés absents, avec leurs téléphones en permanence éteints.

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Ce vide sidéral a donné lieu à des situations très graves. À commencer par la prolifération de fake news sur les réseaux sociaux. Le 23 novembre, le média Afrik.com a même annoncé le décès du Président algérien. Une information largement relayée sur la Toile. Le lendemain, le site d’information RT Arabic a repris les propos d’une source officielle anonyme qui révélait que le «Président répond au programme de traitement et sa santé s’améliore. Il est très optimiste car il a débuté la phase de récupération». Mais Radio Algérie Internationale, sur sa page Facebook, affirme que la source n’est autre qu’Abdelhafid Allahoum, principal conseiller du Président, et qu’il a eu de ses nouvelles à travers «un des fils d’Abdelmadid Tebboune».

Les choses se sont encore plus compliquées lorsque la présidence est intervenue pour tenter de mettre de l’ordre en publiant, le 28 novembre, un démenti dans le quotidien El Watan. En réalité, elle imputait à la chaîne russe une information donnée par Radio Algérie Internationale…

«Une grande confusion s’est développée dans la presse à propos de l’état de santé du Président Abdelmadjid Tebboune. L’agence russe Russia Today a publié une information à ce propos, citant comme source Abdelhafid Allahoum, conseiller du chef de l’État pour les Affaires extérieures. Or, l’intéressé affirme qu’il n’a jamais parlé à Russia Today, d’autant que la communication n’est pas de son ressort.»

Le démenti conclut ainsi: «Trop de rumeurs ont circulé sur la santé du Président. Selon une source digne de foi, il serait complètement guéri. Il serait encore retenu en Allemagne pour des séances de remise en forme et sera de retour au pays dans quelques jours.»

Porté disparu

Pour le professeur Chérif Dris, la situation est devenue difficile à gérer sur le plan de la communication institutionnelle. «La durée de l’absence et le fait de ne pas avoir diffusé d’images du Président de la République sont des facteurs aggravants», assure-t-il. Sur les réseaux sociaux, les Algériens dépassent leur inquiétude avec humour. Pourtant, la situation risque de se compliquer dans les semaines qui viennent. Le chef de l’État doit revenir au plus vite au pays pour promulguer la nouvelle Constitution et signer la loi de Finances et du budget 2021. Les prochains jours seront donc déterminants pour l’avenir politique du pays.

De son côté l’ancien Président Bouteflika n’est pas du tout préoccupé par ce remue-ménage. Dans un tweet diffusé par un compte satirique, on l’imagine même engagé dans une sorte de compétition internationale…

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