Face au retrait américain d’Afghanistan, l’Otan veut rester, mais à quoi bon?

© REUTERS / Ahmad MasoodMilitaires de l'Otan à Kaboul
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Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, souhaite maintenir une présence de l’alliance en Afghanistan, malgré le retrait américain croissant. Un vœu pieux, explique le général (2S) Dominique Trinquand à Sputnik: dans tous les cas, c’est Washington qui dicte réellement la stratégie de l’Otan.

L’Afghanistan est l’un des thèmes centraux de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Otan, ces 1er et 2 décembre. L’Alliance fait en en effet face à un épineux dilemme. Face aux réductions de troupes américaines, les forces de l’Otan, qui ne sont pas là pour combattre, mais pour former, conseiller et assister les forces de sécurité afghanes, se retrouvent bien seules dans le bourbier afghan.

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«Devons-nous partir, et risquer que l’Afghanistan redevienne un refuge pour les terroristes internationaux? Ou rester, et risquer une mission plus longue, avec un regain de violence?», s’interrogeait le 30 novembre M. Stoltenberg lors d’une conférence de presse.

Mais pour le secrétaire général de l’Otan, la réponse semble toutefois évidente: «la mission de l’Otan continue.» Et ce, «jusqu’en 2024», même si «les États-Unis ont récemment décidé de réduire davantage leur présence en Afghanistan

L’Otan, tributaire de Washington?

Mais selon Dominique Trinquand, ancien chef de mission militaire auprès de l’Onu, cette volonté de Jens Stoltenberg de maintenir une présence de taille en Afghanistan se heurte à la réalité des rapports de force au sein de l’Otan.

«Le retrait des Américains signifie le retrait de l’Otan. Il faut se souvenir que l’Otan n’est arrivée en Afghanistan que parce que les Américains y étaient. S’ils arrivent à un accord avec les talibans* et qu’ils s’en vont, cela signifierait à terme le départ de l’Otan», juge le général (2S) au micro de Sputnik.

Dominique Trinquand estime donc que la volonté du secrétaire général Stoltenberg n’est, de facto, qu’une pression sur l’Administration Trump, voire la future Administration Biden.

L’ancien chef de mission militaire auprès de l’Onu s’interroge d’ailleurs sur la pertinence d’une présence continue des forces de l’Otan en Afghanistan:

«Depuis 20 ans de guerre en Afghanistan, les stratégies diverses et variées mises en place n’ont jamais réussi à déboucher sur la stabilisation du pays. Cette stabilisation relève des Afghans eux-mêmes. Donc aujourd’hui, y a-t-il vraiment le choix de faire autre chose que de s’en aller? Je ne pense pas.»

Aujourd’hui, seuls 11.000 militaires de la mission Resolute support de l’Otan, dont la moitié sont américains, sont chargés de conseiller et de former les forces afghanes afin de sécuriser un territoire grand comme la France. Au départ, la mission de l’Otan comptait plus de 100.000 militaires engagés dans des opérations de combat.

Accord avec les talibans*

Pour se trouver une porte de sortie, le Président Trump a longuement négocié avec les talibans* avant de parvenir à signer un accord à Doha le 29 septembre. Celui-ci promet le retrait total des forces américaines et apparentées, en échange de quoi les talibans* ne permettraient plus à certains groupes terroristes d’utiliser l’Afghanistan comme base pour lancer des attaques contre Washington et ses alliés.

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Face à cette solution, Jens Stoltenberg reste sceptique. «Nous n’avons aucune garantie que les pourparlers de paix réussissent et nous serons confrontés à un dilemme.» Un de plus, donc: «Soit l’Alliance quitte l’Afghanistan et le pays risque de devenir un nouveau sanctuaire pour les terroristes qui mènent des opérations contre nous, soit l’Otan reste, avec une nouvelle mission, mais elle sera confrontée au risque de combats», a-t-il expliqué lors de sa conférence de presse du 30 novembre.

D’autant que de violentes attaques visant des cibles gouvernementales ont régulièrement lieu. La dernière date du 29 novembre: un attentat à la voiture piégée dans la province de Ghazni, dans le centre de l’Afghanistan, a causé la mort d’au moins 30 membres des forces de sécurité afghanes.

​Dernière corde à l’arc de Jens Stoltenberg: l’arrivée à la Maison-Blanche de Joe Biden. «J’ai invité Joe Biden à participer à un sommet de l’Otan au début de l’année prochaine, à une date qui reste à fixer, pour discuter d’importants sujets, notamment des décisions à prendre sur le maintien ou le retrait de la mission de l’Alliance en Afghanistan

Pourtant, même cette option ne garantit pas un maintien des forces américaines en Afghanistan, tant les «guerres sans fin» du Moyen-Orient sont devenues impopulaires outre-Atlantique.

*Organisation terroriste interdite en Russie.

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