Le CFCM sous la pression de l’exécutif: parviendra-t-il à former des imams républicains?

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Reçus à l’Élysée, les représentants des fédérations du Conseil français du culte musulman ont été sommés de présenter au plus vite un programme commun de formation des imams. Une mise au point ferme à l’égard d’organisations ambigües et illégitimes en France, selon l’imam Hassen Chalghoumi. Entretien.

Six mois. C’était le délai fixé, le 2 octobre, par le Président de la République au Conseil français du culte musulman (CFCM), afin d'élaborer «un programme commun de formation des imams».

Mais l’impatience de l’exécutif a grandi: le 18 novembre, Emmanuel Macron et Gérard Darmanin ont imposé une nouvelle échéance de 15 jours aux neuf fédérations du CFCM pour se mettre d’accord sur une charte républicaine et proposer un code de déontologie à l’usage des imams de France.

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Un durcissement de ton prévisible après la dernière vague d’attentats qui a secoué l’Hexagone et justifié par l’ambiguïté de certains membres de l’association. Ce sont notamment les associations «Musulmans de France» (anciennement UOIF) et «Millî Görüş», proche d’Ankara, qui sont pointées du doigt pour leurs accointances avec la mouvance plus radicale des Frères musulmans.

Mais pour l’imam de Drancy et Président de la Conférence des imams de France, Hassen Chalghoumi, c’est tout le CFCM qui devrait être mis en cause. Pour notre interlocuteur, celui-ci n’est pas légitime pour former les imams.

«Le bilan du CFCM est une coquille vide. Il gère à peine 20 à 30% des mosquées en France et la plupart sont sous contrôle étranger. Il y a une grande ingérence étrangère en son sein […]», accuse Hassen Chalghoumi, avant d’ironiser: «On appelle ça un islam de France?»

Et l’imam de dénoncer le manque de courage du président du conseil: «Je respecte Mohammed Moussaoui, c’est un homme modéré, mais pour moi, il n’est pas courageux. Il n’ose pas dire le mot islamisme, qui est un poison. Pourtant, lui est qui arabophone sait qu’il a une signification autre qu’Islam.»

Menaces voilées de dissolution?

Créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, le CFCM avait pour vocation initiale d’être l’intermédiaire entre les musulmans de France et l’État sur les questions cultuelles. Tout porte à croire qu’il a failli à son rôle. C’est en tout cas ce qu’a semblé implicitement dire Emmanuel Macron lors de cette entrevue, quelques semaines seulement après son discours aux Mureaux, annonçant son programme de lutte contre le séparatisme, «La République en actes». «Il y aura ceux qui signeront et ceux qui ne signeront pas. On en tirera les enseignements. Soit vous êtes avec la République, soit vous n’êtes pas avec la République», avait-il prévenu. Une manière de rappeler que tous les membres n’ont pas toujours été clairs… et une façon à peine voilée de les menacer de dissolution, selon Hassen Chalghoumi.

«Le CFCM peut jouer un rôle sur les mosquées, l’abattage rituel, les pèlerinages, etc., mais pas sur les imams, qui n’en dépendent pas et qui doivent en rester indépendants. Le Président a raison de dire les choses et il dissoudra certains membres s’il le faut […].»

Le Conseil français du culte musulman avait déjà émis le souhait d’aider le Président de la République à bâtir ce qu’il a lui-même nommé «un Islam des lumières» lors de son discours aux Mureaux.

«La paix sociale est fragile, il faut réagir»

L’imam de Drancy n’y voit que pure «communication» et appelle à une mobilisation générale et des actions par département:

«Il faut que les préfets réunissent tous les imams de leur département et vérifient leur statut. La République française a su être ferme quand il le fallait. En 1905, elle a imposé ses règles à l’église, il faut qu’elle en impose à nouveau dans l’intérêt de tout le monde. Cela n’enlèvera rien aux libertés de prier. La paix sociale est fragile, il faut réagir avant qu’il y ait de nouveaux affrontements.»

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Celui qui vit sous protection policière et confie même devoir parfois changer de domicile pour préserver sa sécurité se dit inquiet pour les nouvelles générations. L’imam Chalghoumi constate une influence de réseaux qui agissent sur les consciences dès l’adolescence. Il regrette également de n’avoir, étonnamment, jamais croisé les membres du CFCM dans les manifestations en hommage aux victimes du djihadisme qui lui valent aujourd’hui toutes ces menaces de mort.

«Je mène ce combat depuis 15 ans. Dès le début, on m’a menacé; en 2005, on a saccagé ma maison parce que je suis allé au mémorial de la Shoah. Les organisations qui m’ont attaqué lancent des fatwas et préparent le terrain de la haine pour les nouvelles générations. Pour en revenir au martyr, le professeur Samuel Paty, comment imaginer qu’un jeune de 18 ans soit capable d’une telle monstruosité? Il faut davantage de manifestations pour sensibiliser les musulmans. Malheureusement, le CFCM y est toujours absent…»

Une absence inquiétante de la part d’une association à qui le Président de la République vient de renouveler sa confiance. Au moins en partie.

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