Guerre des GAFAM: face à Microsoft, Amazon s’offre l’ex-directeur de la NSA

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Keith Alexander, ancien directeur du cyber-commandement militaire américain, rejoint la direction d’Amazon. Sulfureuse, cette nomination survient sur fond de bras de fer avec Microsoft autour de l’attribution d’un méga-contrat avec le Pentagone. Retour sur un homme tiré de l’ombre par les révélations de l’un de ses ex-employés, Edward Snowden.

Voilà bien un recrutement peu commun. Le géant du numérique Amazon, première capitalisation mondiale, a annoncé l’arrivée dans son conseil d’administration de Keith Alexander. Une figure controversée aux États-Unis, où il est resté un parfait inconnu jusqu’au tôlé planétaire provoqué par les révélations d’un de ses employés: Edward Snowden. L’ancien administrateur système, depuis réfugié en Russie, n’a d’ailleurs pas manqué de réagir à cette nomination en se fendant sur les réseaux sociaux d’un parallèle ironique entre son ancien patron et l’enceinte connectée Alexa.

​En effet, si le produit phare d’Amazon suscite une certaine défiance, dans la mesure où Alexa est en mesure de transmettre aux employés du GAFAM toutes les conversations qu’elle perçoit, que dire de l’arrivée de cet ancien patron de la NSA?

Surnommé l’«empereur» du renseignement, ou plus sobrement «Alexandre le geek», ce général quatre étoiles qui «ressemble plus à un bibliothécaire en chef qu’à George Patton» a fait ses classes à West Point en compagnie de l’ex-directeur de la CIA David Petraeus (2011-2012) et de l’ex-chef d’état-major des armées des États-Unis Martin Dempse (2011-2015). C’est en 2005 qu’il est propulsé par Donald Rumsfeld, alors ministre de la Défense de George Bush, à la tête de l’agence de renseignement, un poste qu’il conservera pendant près d’une décennie. Un record.

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Peu après l’obtention de sa dernière étoile, c’est finalement l’administration Obama qui offre à Keith Alexander son tremplin pour la postérité, en lui permettant d’ajouter à ses prérogatives de chef de la NSA celles de tout premier commandant de l’United States Cyber Command. Présenté comme le onzième commandement interarmées de combat des forces américaines, l’USCYBERCOM est en charge de la «sécurité de l’information», à savoir tant garantir l’imperméabilité à toute attaque du réseau internet du pays, que de mener des guerres cybernétiques avec l’aide de quelques 14.000 ingénieurs et informaticiens.

Alexander était pourtant mouillé jusqu’au cou dans le programme Stuxnet, qui visait à détruire les centrifugeuses iraniennes d’enrichissement d’uranium à Natanz grâce à un malware développé avec la CIA et les services israéliens. Une opération qui finira par infecter également des centrales nucléaires indiennes, indonésiennes, russes, allemandes et françaises. Mais c’est un autre scandale qui aura raison de lui.

«Jamais auparavant quiconque dans la sphère du renseignement américain ne s’était rapproché de son degré de pouvoir, du nombre de personnes sous ses ordres, de l’étendue de sa direction, de la durée de son règne ou de la profondeur de son secret», relatait en juin 2013 le magazine américain «Wired» dans un article particulièrement détaillé sur le parcours de cet individu que «peu d’hommes, même à Washington, reconnaîtraient».

Cet article était publié six jours après les toutes premières révélations d’Edward Snowden sur l’étendue de l’espionnage de masse mené par les États-Unis. Ce sont elles qui allaient entériner un scandale planétaire, la fin de l’anonymat pour le général Alexander et celle de sa carrière militaire, qui s’achève en 2014.

La même année, il fonde IronNet, une entreprise de cybersécurité qu’il continuera de co-présider tout en conseillant Jeff Bezos. Ce panel d’administrateurs où, fort de sa réputation, l’«empereur» du renseignement se démarquera sans mal, même au milieu d’anciens dirigeants de Pespi (Indra Nooyi) ou d’Apple (Jonathan Rubinstein).

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Le tempo de cette embauche d’Amazon, entreprise dont les serveurs hébergent 6% de l’internet mondial, interroge. C’est d’ailleurs, dans la presse anglophone, ce dernier élément qui occulte le passif de Keith Alexander: sa capacité déconcertante à consulter le contenu des e-mails de n’importe quel utilisateur de Gmail ou de Yahoo! sur la planète, ou encore le téléphone portable d’Angela Merkel.

En effet, l’attribution en début d’année à Microsoft de JEDI (Joint Enterprise Defense Infrastructure Project), un méga contrat de près de 10 milliards de dollars portant sur la modernisation des infrastructures numériques du Pentagone, a provoqué l’ire de Jeff Bezos, qui a engagé un bras de fer judiciaire sans merci avec la firme de Bill Gates. Réclamant que toute la lumière soit faite sur les conditions d’attribution de ce contrat, l’homme le plus riche du monde est même parvenu à faire geler les travaux par la justice. Reste à savoir quel rôle jouera une ancienne figure de la défense telle que Keith Alexander dans l’avenir d’une telle bataille.

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