Près de 8.500 respirateurs fabriqués en France sont inadaptés aux salles de réanimation

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Quatre fleurons de l’industrie française ont reçu de l’État une commande de 30 millions d’euros pour 10.000 respirateurs artificiels. Or, une bonne partie de ce lot est inadaptée aux salles de réanimation, selon une enquête de la cellule investigation de Radio France.

Au début de l’épidémie de coronavirus, la France manquait de moyens de protection, mais surtout de lits de réanimation pour les nombreux malades graves. Le ministère de la Santé a alors commandé 14.000 lits pour compléter les 5.000 existants et ainsi satisfaire les besoins des soignants. Pour équiper ces lits de respirateurs artificiels, l’État a passé une commande de 10.000 unités à Air Liquide Medical Systems, seul fabriquant en France. Mais une enquête de la cellule investigation de Radio France révèle que 8.500 de ces appareils sont inadaptés aux malades du coronavirus.

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Afin de relever le défi et d’honorer la commande, Air Liquide a formé une alliance avec trois groupes qui ont un savoir-faire en la matière: PSA, Valeo et Schneider Electric. Les quatre fleurons de l’industrie française se sont engagés à livrer en 50 jours, à compter du 6 avril, pour une facture totale de 30 millions d’euros. L’entreprise a précisé qu’elle ne réalisera aucune marge.

Dans un premier temps, l’État a demandé la fabrication de 5.000 respirateurs de type T60, plutôt conçu pour le transport des malades, et autant d’un modèle plus basique, l’Osiris 3, utilisé depuis 1998. Or, le T60 est difficile à assembler. Air Liquide a donc proposé de produire davantage de modèles de type Osiris 3. La proportion est donc de 1.600 T60 contre 8.500 Osiris 3, poursuit l’enquête.

«Un risque de tuer le patient »

Cependant, un problème inattendu est apparu. Les modèles Osiris sont des «ventilateurs de transport léger et simple d’utilisation», donc utilisés dans les ambulances plutôt que dans les salles de réanimation.

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Un message transmis le 3 avril par le ministère de la Santé et le centre de crise sanitaire aux milieux hospitaliers contient une liste des appareils pouvant être utilisés pour traiter des patients malades. L’Osiris 3 n’y apparaît que dans la toute dernière catégorie. Il n’est jugé utile que dans les cas de transport les plus simples, souligne Radio France.

«Personnellement, je n’utiliserai pas un Osiris en réanimation, c’est très clair», a déclaré auprès du média Philippe Meyer, médecin-réanimateur à l’hôpital Necker. Son confrère Yves Rebufat, anesthésiste et réanimateur au CHU de Nantes, assure que «si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours. Parce que ce n’est pas fait pour ça». Un point de vue partagé par d’autres experts consultés par la radio.

«Polémiques vaines»

Face à ces critiques, Air Liquide s’est dit étonné, précisant que «le choix final de l’Osiris a été fait sur recommandation des experts du ministère de la Santé et de la Société de réanimation de langue française [SRLF]». Cette dernière nie pour sa part cette affirmation. Son directeur administratif Martin Lavillonnière a dit à Radio France que son association «n’a pas été sollicitée pour rendre un avis sur quel respirateur privilégier pour une production d’urgence».

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Interrogée par le média sur la raison de la commande d’une quantité aussi importante d’appareils qui ne sont pas adaptés aux malades du Covid-19, la secrétaire d’État auprès du ministère de l’Économie et des Finances Agnès Pannier-Runacher explique que «se posait la question de produire en un temps record dans un contexte où les chaînes logistiques sont fortement impactées par le ralentissement de l’économie».

Le cabinet d'Olivier Véran a pour sa part rapidement réagi à la publication de cette enquête, condamnant des «polémiques vaines et malvenues» et précisant avoir fait «un choix de prudence et de responsabilité». «Les 10.000 respirateurs commandés à Air Liquide sont utilisables», affirme le ministre.

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