Chine, Afrique, France: statistiques «bikini» et leçon d’humilité dans la gestion du Covid-19

© REUTERS / ALKIS KONSTANTINIDISDéchargement de masques de protection d'un avion d'Air China
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La polémique suscitée en France par les chiffres officiels chinois concernant le nombre de décès du Covid-19 n’a guère ému Siré Sy, président du think tank Africa WorldWide Group. Dans un entretien à Sputnik France, ce géoéconomiste préfère parler de «gestion exemplaire» de la pandémie par Pékin et saluer l’aide sanitaire chinoise à l’Afrique.
«Les statistiques, disait Coluche, c’est comme le bikini: ça donne des idées, mais ça cache l’essentiel! En ce qui concerne la Chine, je vais prendre le contrepied de Coluche, car les statistiques chinoises [sur le Covid-19, ndlr] montrent l’essentiel: que la Chine a le meilleur système de santé publique à l’heure actuelle et qu’elle n’hésite pas à aider certains pays, en Occident comme en Afrique, alors qu’on ne l’a guère aidée –physiquement– quand l’épidémie s’est déclarée chez elle», a déclaré le président du think tank Africa WorldWide Group, le Sénégalais Siré Sy, au micro de Sputnik France.

Invité Afrique de Sputnik France, le mercredi 1er avril, en direct de Dakar (Sénégal), ce géopolitologue et géoéconomiste, qui milite pour un développement «afrocentré» de l’Afrique, n’en démord pas.

«Oui, on peut faire confiance à la Chine en ce qui concerne les statistiques officielles qu’elle a données sur le coronavirus, y compris sur le nombre de morts», insiste Siré Sy. Car ce qui importe selon lui, ce ne sont pas les chiffres en eux-mêmes, «compte tenu de l’évolution des décès à venir dans les hôpitaux chinois», mais la lecture que l’on en fait.

«Moi, je constate que la Chine a réussi à guérir 75.500 personnes sur un total de 82.421 personnes qui ont été contaminées depuis le début de l’épidémie et qu’il n’y a eu que 3.300 morts des suites du Covid-19 en Chine! Donc ce que ces chiffres nous disent, c’est que la Chine a su gérer la pandémie grâce à son système de santé, qui est l’un des meilleurs au monde. Maintenant que la fin de la pandémie a été déclarée chez elle, elle est en mesure d’apporter son aide aux autres nations et cela, c’est une preuve de sagesse et d’humilité incontestable à mes yeux», a insisté Siré Sy.

Ces chiffres officiels, et particulièrement le nombre décès de Chinois dus à la pandémie, ont été contestés en France et ailleurs en Occident, où de nombreuses sources officielles affirment que «la Chine a menti sur le bilan du Covid-19», aggravant la situation sanitaire au lieu de l’améliorer. Ce que Pékin a aussitôt démenti.

Diplomatie du masque

Face à la pénurie de masques un peu partout dans le monde, des voix se sont élevées dans les pays les plus touchés par la pandémie et notamment en France pour dénoncer les agissements supposés de Pékin et d’un certain nombre de firmes chinoises concernant des «détournements de cargaisons» de ces précieux outils pour les personnels soignants ou bien encore des «rachats» au pied des avions-cargos avec des surenchères dignes des plus mauvais romans d’espionnage.

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À tel point que la Chine est devenue en quelques semaines le «bouc émissaire» préféré de certains médias occidentaux à propos de la pandémie de coronavirus. Là encore, le président de Africa Worldwide Group refuse de tomber dans la polémique, l’exagération ou les vindictes, de quelque origine qu’elles soient. Il invite les puissances occidentales à confronter «leurs propres insuffisances en matière de systèmes de santé», aujourd’hui plus criantes que jamais depuis le début officiel de la pandémie, le 10 mars dernier.

«La Chine est en train de donner des leçons importantes au reste de l’humanité et notamment que le temps, ce n’est pas que de l’argent, mais que c’est la santé avant tout! En effet, le plus grand bien pour les peuples, aujourd’hui, ce n’est pas d’avoir du cash-flow, mais de rester en bonne santé. Et c’est pourquoi les sociétés occidentales se sont réveillées quelque peu abasourdies se rendant compte que leur système de santé, malgré toutes leurs richesses, était pris en défaut», condamne Siré Sy.

à la question de savoir s’il n’y aurait pas là un «calcul» géoéconomique de la part des autres puissances pour dénigrer la Chine –même si sa principale rivale, l’Amérique, est le pays qui compte aujourd’hui le plus grand nombre de nouveaux cas d’infection au Covid-19-, l’auteur d’«Afrique, le modèle du monde– essai sur une géostratégie afro-centrée», paru en 2018, en Allemagne, aux Éditions Universitaires Européennes, préfère réserver son jugement.

«Au lieu d’indexer [accuser, ndlr] la Chine, cette crise nous montre qu’il y a une nouvelle géographie de l’économie qui est en train de se dessiner et une nouvelle grammaire des relations internationales qui est en train de se mettre en place», se contente de répondre Siré Sy.

Quant à la diplomatie sanitaire déployée par la Chine, qui a commencé à livrer des masques ou du matériel respiratoire en Occident, mais aussi en Afrique et notamment à l’Algérie, il n’y voit pas non plus de calcul géopolitique de la part de l’Empire du Milieu.

Covid-19, «une maladie de blancs»?

à défaut d’une politique aux intérêts bien compris, –qui a l’heur de faire enrager un certain nombre d’experts invités par France 24,– le géoéconomiste sénégalais n’y voit, quant à lui, qu’une stratégie de réciprocité de la part d’une puissance capable de rendre «les services qu’on lui a donnés quand elle était dans l’adversité», insiste-t-il.

«La Chine nous rappelle –aussi– que l’économie doit être au service de l’homme et pas le contraire. Ces crises, que ce soit les grandes épidémies, les guerres ou les pandémies, sont toujours annonciatrices d’un monde nouveau. Et là, le monde dans lequel nous voulons nous réveiller est un monde dans lequel il ne devrait pas y avoir que l’économie de marché et l’accumulation de capital comme option, mais aussi des systèmes de santé qui tiennent compte du bien-être du plus grand nombre», dit encore Siré Sy.

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Que pense également Siré Sy de l’affirmation que l’on entend un peu partout dans les grandes capitales africaines –de Dakar à Kinshasa et de Johannesburg au Caire– selon laquelle, «le coronavirus est une maladie apportée par les Blancs

«Ce serait faire un mauvais procès à l’Afrique que de tout prendre au 1er degré dans ce qui se dit par chez nous, car il y a une certaine joie de vivre chez les Africains qui fait qu’il y a beaucoup d’humour et que nous savons rire de tout, même dans les situations les plus désespérées. Donc, il ne faut surtout pas croire que nous voulons stigmatiser qui que ce soit en Afrique, car nous sommes tous dans le même bateau», insiste Siré Sy.

Il n’en reste pas moins que de nombreux cas d’attaques physiques ou verbales contre des blancs, tenus pour responsables de la contamination, se sont produits un peu partout sur le continent. C’est notamment le cas en Éthiopie, où le Premier ministre Abiy Ahmed a dû lancer un appel public à la tolérance en réaction à des attaques contre des étrangers.

«Il est important de noter que le virus n’est lié ni à un pays ni à une nationalité. […] Tout le monde est égal devant le risque… Ne laissons donc pas la peur nous voler notre humanité», a déclaré le leader éthiopien pour tenter de calmer les esprits.

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Au Sénégal, la «dichotomie entre "nous" et "eux" a d’abord été entretenue par la communication gouvernementale sur le premier cas répertorié», qui était un Français venant de Nice, selon le Dr El Hadji Malick Sy Camara, enseignant-chercheur de sociologie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, interrogé par le correspondant sur place de Sputnik France.

«En fait, ce que nous dit cette pandémie, c’est que le monde actuel est tellement imbriqué que nous sommes tous dans une communauté de destin. On ne saurait donc parler de maladie de blancs, de jaunes ou de noirs, mais bien d’une destinée commune. Car si la case de Birima brûle, mieux vaut l’aider à éteindre l’incendie, car sinon, ce sera ta case qui brûlera ensuite», poursuit Siré Sy.

Il cite également un dicton indonésien qui dit qu’«aider ton prochain, ce n’est pas de l’altruisme, mais du bon sens!» dans une situation aussi grave que celle que nous sommes en train de vivre.  

Pour lui, en effet, les «attitudes négatives» n’aident pas et sont même à bannir, «parce que personne sur cette planète ne sera épargné». Hormis 18 pays dans le monde très excentrés, dont quelques-uns en Afrique qui, eux, sont plutôt enclavés, c’est exactement ce qui est en train de se passer, puisque la pandémie s’est répandue partout et gagne chaque jour du terrain.

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