150.000 migrants et des «bombes sanitaires»: la Grèce prise en étau face au Covid-19

© REUTERS / ELIAS MARCOULe camp de Moria, sur l'île grecque de Lesbos, le 9 mars 2020.
Le camp de Moria, sur l'île grecque de Lesbos, le 9 mars 2020. - Sputnik Afrique
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La pandémie de coronavirus s’est invitée dans le face-à-face entre Athènes et Ankara. Alors que la Grèce est en confinement et que la Turquie y sera sans doute contrainte, tout mouvement de réfugiés devient impossible. Avec à la clé, des camps surpeuplés, figés en l’état sur le sol grec, et une menace d’épidémie dans l’épidémie.

Dans la mer Égée et autour du Bosphore, la situation semble plus explosive que jamais.

Touchée de plein fouet par le coronavirus, la Grèce doit faire face à un afflux inédit de migrants et les associations humanitaires tirent le signal d’alarme. La Turquie, qui a ouvert les vannes de ce flot migratoire fin février, voit pour sa part des signes d’aggravation de l’épidémie sur son territoire.

Entre les deux, les migrants sont pris au piège. Et ils sont nombreux. Ce 26 mars, Süleyman Soylu, ministre turc de l’Intérieur, a affirmé dans une interview télévisée que depuis un mois, «150.600 personnes étaient parvenues à rentrer en Grèce». Quelque 10.000 migrants de plus seraient massés à la frontière européenne entre la Grèce et la Turquie, face au poste de douane de Kastanies. Depuis la ville turque d’Edirne, les autorités leur fournissent une aide humanitaire conséquente, que l’agence de presse turque Anadolu n’a pas manqué de vanter.

«Presque un million de kits d’aide, comprenant des couches pour bébé, des produits hygiéniques, des couvertures et des chaussures, ont été fournis aux demandeurs d’asile», a détaillé le bureau du gouverneur de la province turque.

Pour autant, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux font état d’incendies parmi les tentes et installations précaires face au poste de Kastanies dans la nuit du 26 au 27 mars.

​Les autorités turques ont-elles voulu déloger les migrants et les pousser à fuir en Grèce? Sont-ce les réfugiés eux-mêmes? Selon des médias grecs, des migrants auraient été vus montant à bord d’autobus après avoir mis le feu à leurs campements. Mais aucune explication officielle ni confirmation n’a été donnée pour l’instant.

Promiscuité, coronavirus… et tuberculose?

Cependant, avec des dizaines de milliers de réfugiés déjà sur son sol et la pandémie de coronavirus, la Grèce se retrouve face à une catastrophe sanitaire potentielle. Avec quelque 38.000 migrants, selon les chiffres de l’AFP, les îles grecques au large de la Turquie sont particulièrement touchées. 

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Sur le littoral Est de l’île de Lesbos, à quelques kilomètres seulement des côtes turques, le camp de Moria est le plus grand d’entre eux. Surpeuplé, il compterait au moins 19.000 personnes pour une capacité initiale de 3.000 places.

La promiscuité est telle que la «distanciation sociale», l’une des pratiques préconisées pour éviter de contracter le Covid-19, y est impossible. Impossible également de pratiquer les «gestes barrières», comme celui de se laver les mains, alors que les points d’eau manquent. Or, le coronavirus est bel et bien présent à Lesbos. Le 25 mars, on y comptait au moins trois cas de Covid-19 parmi les habitants locaux. Stelios Petsas, porte-parole du gouvernement grec, qualifiait ces camps de «bombes sanitaires».

Médecins sans frontières (MSF) s’inquiète même de complications supplémentaires. Dans un communiqué, l’ONG s’alarme d’une recrudescence des cas de tuberculose dans la promiscuité des camps de réfugiés. La maladie, très contagieuse, fournirait en outre au coronavirus un terrain favorable.

«À l’instar de la tuberculose, le Covid-19 affecte typiquement les poumons et ceux qui en sont atteints peuvent montrer des symptômes similaires à la tuberculose, comme de la toux et de la fièvre. Les personnes avec des poumons atteints, comme les malades de la tuberculose, ou ceux souffrant d’un système immunitaire déprimé, y compris ceux avec le HIV, ont plus de risques de contracter une forme sévère du Covid-19», explique MSF.

Devant la gravité de la situation, une vingtaine d’ONG, dont Human Rights Watch, ont exhorté les autorités grecques à «réduire immédiatement» le nombre de personnes dans les camps pour empêcher «une crise sanitaire en pleine pandémie de coronavirus».

Des migrants pris au piège du confinement

Le 22 mars dernier, le gouvernement grec a décrété le confinement de la population. Une mesure qui semble de plus en plus imminente en Turquie, alors que les cas de contamination augmentent fortement dans ce pays.

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Le 4 mars 2020, dans l’urgence, l’Union européenne (UE) avait promis à Athènes son aide via l’une de ses émanations, le Conseil «Justice et affaires intérieures» (JAI), composé des ministres de la Justice et de l’Intérieur des États membres de l’UE.

Outre la décision de lancer deux opérations d’intervention rapide aux frontières, en mobilisant les forces de Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes), la Commission européenne s’est empressée d’assurer Athènes de son soutien financier et logistique.

Ce 27 mars, à l’occasion d’une réunion du Conseil européen, Kyriakos Mitsotakis, Premier ministre grec, a dénoncé l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour aider la Grèce dans cette double crise, migratoire et sanitaire.

«Il y a une inadéquation entre les termes utilisés pour décrire cette crise, qualifiée d’"historique", d'"inédite" et les mesures [européennes] décidées jusqu’à présent», a-t-il dénoncé.

De fait, en cas de confinement généralisé, tant en Grèce qu’en Turquie, la situation des migrants risque de rester gelée en l’état. Les conséquences d’une contamination de l’un de ces camps surpeuplés, situés sur de petites îles, mais aussi sur le continent, sont incalculables.

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