Au Cameroun, le médecin Claudel Noubissie veut «traiter» le système éducatif

© Photo Start-up Academy / Une conférence de la Start-up AcademyUne conférence de la Start-up Academy
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Indigné par le système éducatif qui conditionne les jeunes à n’être que de futurs salariés, Claudel Noubissie veut changer la donne. Déjà à l’origine de plusieurs initiatives révolutionnaires comme SOS Médecins Cameroun, ce médecin, écrivain et entrepreneur a mis sur pied la Start-up Academy, une fabrique de futurs employeurs camerounais. Portrait

Écrivain, formateur, médecin, entrepreneur, Claudel Noubissie, 30 ans, a un rêve: révolutionner les codes de la formation au Cameroun. Pour cela, il a créé en 2016 la Start-up Academy, une école de formation spécialisée, dit-il, dans la fabrication de jeunes entrepreneurs. Objectif? Insuffler l'esprit entrepreneurial et inculquer les savoir-faire élémentaires de la création puis de la gestion d'une start-up à la jeunesse camerounaise et africaine.

«Nous voulons surtout optimiser notre autonomie sur le plan économique par l'appui massif d'une nouvelle jeunesse désormais consciente des enjeux sociaux, économiques et culturels. Nous voulons donner aux jeunes comme moi les moyens de jouer un rôle constructif au sein de notre communauté, loin du bavardage improductif», ambitionne-t-il.
© Photo Start-up Academy / Claudel Noubissie, promoteur de la Start-up Academy.Claudel Noubissie, promoteur de la Start-up Academy.
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Claudel Noubissie, promoteur de la Start-up Academy.

Sa formation est axée autour de plusieurs modules. L’idée est d’apprendre aux élèves l’intelligence pragmatique dans la pratique de métiers comme «la cosmétique, la customisation, l’agriculture, l’élevage, la pisciculture, l’agro-industrie, la décoration, l’énergie renouvelable…». Il s’agit, dans ses centres de formation basés à Douala et à Yaoundé, de doter les jeunes de compétences précises pour les rendre autonomes.

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«Nous dispensons des formations en idéologie, marketing et techniques de vente, comptabilité, programmation neurolinguistique, prise de parole en public, mode et beauté, finances personnelles, etc. Nous proposons aussi deux formations phares: "Un mois pour devenir mon propre patron" et "Six semaines pour créer votre marque de produits cosmétiques"», confie le formateur au micro de Sputnik.

Trois ans après sa création, la Start-up Academy a déjà donné des centaines de conférences, formé de milliers de jeunes et impulsé le lancement d’un nombre impressionnant de projets porteurs. Des chiffres que Claudel Noubissie présente avec satisfaction.

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«Nous avons organisé à ce jour 496 conférences avec au total 6.035 participants. Nous avons formé près de 3.634 jeunes, mis sur pied 57 structures qui emploient à ce jour 61 personnes directes et 123 indirectes. Nous avons aussi trois entreprises à capitaux Start-up Academy: Start-up Colors SAS – une entreprise de fabrication et distribution de craie scolaire made in Cameroun –, Start-up Cosmetics SAS – entreprise de fabrication et distribution de produits cosmétiques made in Cameroun – et Start-up Motors – une entreprise de fabrication du premier véhicule autonome et électrique du Cameroun», liste fièrement le jeune entrepreneur.

Un entrepreneur qui a la main sur le cœur

Ce n’est pas sa première initiative dans l’entrepreneuriat. Né le 15 décembre 1989 à Foutouni dans l’ouest du Cameroun, Claudel Noubissie est le septième d’une fratrie de huit personnes. De père expert-comptable et de mère secrétaire au ministère de la Santé publique, il a passé son adolescence à Nkomkana, un quartier populaire de la ville de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun. Après son baccalauréat C, décroché à l’internat du lycée classique et moderne d’Ebolowa, la capitale de la région du Sud-Cameroun, en 2007, il s’inscrit à la faculté de médecine à l’Institut supérieur de sciences et de la santé de l’Université des Montagnes d’où il repartira en 2014 nanti d’un doctorat en médecine.

Pendant la préparation de sa thèse, il met en branle le lancement du concept SOS  Médecins Cameroun pour apporter aux populations des solutions de santé de proximité. Une «idée qui part du fait que chaque année, nombre de médecins se retrouvent au chômage après leur formation».

«Cela peut paraître étrange car on se demande comment un médecin peut chômer alors que le Cameroun en manque cruellement sur le terrain? C’est pourtant une triste réalité! Les facultés de médecine publiques et privées du Cameroun forment en moyenne 1.000 médecins par an. Parmi ces diplômés, la fonction publique en recrute environ 300, selon l’ancien vice-président de l’Ordre national des médecins du Cameroun le professeur Tetanye Ekoe. Que deviennent les 700 autres?», s’interroge le médecin-entrepreneur.
© Photo Start-up Academy / Claudel Noubissie, le médecin.Claudel Noubissie, le médecin.
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Claudel Noubissie, le médecin.

Une réalité bien plus triste qu’il n’y paraît. Car le pourcentage de médecins camerounais qui travaillent à l’étranger, faute de mieux sur le plan local, est nettement élevé. SOS Médecins Cameroun, association à but non lucratif, entend donc être une véritable alternative à cette fuite des cerveaux.

«Chaque année, plus de 30% des jeunes médecins formés dans nos facultés vont travailler dans les pays étrangers,  notamment en France, en Belgique ou en Suisse, et 70% à 80 % restent dans le pays qui les a formés, y trouvant rapidement un emploi bien rémunéré et beaucoup d’autres avantages. Que devons-nous donc faire face à ce problème qui gangrène notre système de santé? C’est ainsi que nous avons décidé de mettre tout en œuvre pour pouvoir y remédier en créant SOS Médecins Cameroun, une structure à travers laquelle nous offrons des prestations de consultation et soins à domicile, conseils en ligne, couverture sanitaire d'événements, évacuations sanitaires, etc.», explique le médecin.

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D’après Claudel Noubissie, le concept a permis d’apporter des solutions aux problèmes de «files d’attente dans les hôpitaux, aux difficultés à rencontrer un spécialiste, aux erreurs médicales qui causent 8.000 décès par an au Cameroun».

SOS Médecins Cameroun travaille avec plusieurs catégories de corps de métier: médecins, pharmaciens, aides-soignants, infirmières, physiothérapeutes, etc. La structure dispose de deux sièges à Yaoundé et Douala et plusieurs représentations: Ngaoundéré, Maroua, Bafoussam, France (SOS Health for Cameroon).

«Nous recevons les patients au quotidien dans nos sièges pour des consultations, dépistages, examens, suivi… Des équipes se déplacent sur le terrain à domicile, au bureau, pour des interventions, consultations, soins, campagnes… après sollicitation téléphonique ou à travers nos plateformes en ligne (Facebook, WhatsApp)», précise encore Claudel Noubissie.

Submergé par tant d’initiatives chronophages, le médecin entrepreneur – également auteur de cinq ouvrages dont Le jeune entrepreneur africain – œuvre pour une Afrique réveillée où les diplômes académiques sans consistance doivent céder la place à des formations qualifiantes. Il pense qu’il faut sortir de la léthargie pour prendre conscience des richesses de l’Afrique.

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«Notre continent est immensément riche, il a été pillé pendant plus de 400 ans, il continue d'être pillé, mais malgré cela, ses richesses ne tarissent pas. Cependant, très peu de personnes ont conscience de cette prospérité ainsi que de la jeunesse de l’Afrique. Pour sortir de ce sommeil intellectuel dans lequel nous sommes, il faut donc ‘vendre son lit’, travailler dur, afin d’apporter de véritables solutions qui permettront le décollage économique de l'Afrique. ‘Vendre son lit’ devient une véritable autodéfense intellectuelle, un concept et surtout une idéologie qui permettra à tout Africain de se réveiller et faire jaillir le génie qui sommeille en lui afin d’apporter des solutions pertinentes aux problèmes du continent», affirme l’entrepreneur.

Malgré le climat des affaires particulièrement hostile aux jeunes entrepreneurs locaux, Claudel Noubissie reste optimiste et ambitionne d’«implanter  ses différents projets partout en Afrique et surtout, de créer une société d’investissement qui possédera des actifs partout dans le monde».

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