Accusations contre les Russes de cyberattaques: la France en rétropédalage?

© Sputnik . Sergueï Guneev / Accéder à la base multimédiaUne poignée de main de Macron et Poutine lors de la visite de ce dernier au fort de Brégançon
Une poignée de main de Macron et Poutine lors de la visite de ce dernier au fort de Brégançon - Sputnik Afrique
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Moscou a récemment accueilli les premières consultations franco-russes d’ampleur sur la cybersécurité depuis le conflit ukrainien. Yannick Harrel, expert en cyberstratégie et correspondant pour Sputnik sur ces questions, y voit «une porte entre-ouverte» à un prudent rapprochement entre les deux nations, voulu par le Président Macron.
«La France n’a officiellement attribué à personne la responsabilité des cyberattaques.»

Ces propos ont été récemment tenus par Henri Verdier, Ambassadeur français pour le numérique, au quotidien économique russe Kommersant. Et ils tranchent avec des années de relations plus que tendues entre Paris et Moscou dans le domaine de la cybersécurité. En 2017, en pleine campagne présidentielle française, l’équipe du candidat En marche et Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, avaient accusé la Russie d’être derrière le piratage de données dont avaient été victimes plusieurs membres de l’état-major d’Emmanuel Macron. Le tout malgré une absence de preuves, ce qu’avaient d’ailleurs reconnu plusieurs responsables des renseignements américains.

​Cette période est-elle désormais derrière la France et la Russie? Trop tôt pour le dire, mais les choses bougent. Moscou vient d’accueillir les consultations interministérielles franco-russes sur la sécurité internationale dans le domaine de l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC). Les premières du genre depuis le début du conflit ukrainien.

Vous avez dit réchauffement?

Le15 novembre, une délégation française, présidée par Henri Verdier, Ambassadeur pour le numérique du ministère français des Affaires étrangères (MAE) avait fait le déplacement à Moscou. En face, le pays des Tsars a sorti le grand jeu, comme le note un communiqué du MAE russe:

«La délégation russe incluait des représentants du ministère des Affaires étrangères, du Parquet, du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Défense, du ministère de la Justice, du FSB, du FSO, du FSTEK, du Comité d’enquête et de l’appareil du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. La partie française était représentée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et des experts du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ainsi que de l’Ambassade de France à Moscou.»

Rien que ça.

Dans les faits, il a été question de l’«Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace», lancé par Emmanuel Macron en 2018. «La partie russe s’est familiarisée avec intérêt avec la présentation française détaillée de l’initiative», explique le MAE russe. De nombreux échanges entre les deux parties ont eu lieu concernant «la sécurité internationale en matière d’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC)».

«Les participants aux consultations ont échangé leurs avis sur toutes les questions d’intérêt réciproque relatives à la garantie de la sécurité internationale en matière d’utilisation des TIC. Ils ont souligné la nécessité de développer la coopération internationale dans ce domaine, notamment sur les plateformes de l’Onu. Les interlocuteurs ont noté l’importance de garantir la continuité des pourparlers sur la sécurité internationale en matière d’utilisation des TIC sous l’égide de l’Onu aussi bien dans le cadre du Groupe de travail à composition non limitée que dans celui du Groupe d’experts gouvernementaux, et ont réaffirmé leur aspiration à contribuer à l’élaboration de règles de comportement responsable des États dans l’espace numérique conformément au droit international en vigueur», explique la diplomatie russe.

Il a été question de «développement de la coopération pratique bilatérale entre la Russie et la France dans le domaine de la sécurité internationale en matière d’utilisation des TIC».

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Des termes que l’on était plus habitué à entendre tant les relations diplomatiques entre Paris et Moscou étaient froides, pour ne pas dire gelées ces dernières années. Elles ont notamment vu Paris voter à plusieurs reprises des sanctions économiques contre Moscou après le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie.

Yannick Harrel, expert en cyberstratégie et correspondant de Sputnik France sur les nouvelles technologies voit dans cette rencontre «une inflexion» de la politique étrangère de la France vis-à-vis de la Russie.

«Cette rencontre confirme les propos récemment tenus par Emmanuel Macron dans The Economist. Il appelait à un “rapprochement” avec la Russie tout en prenant garde de ne pas froisser les alliés de la France qui y sont réticents. Et le domaine de la cybersécurité, comme celui du terrorisme, fait consensus. Cette réunion, autant technique que politique, permet d’entrouvrir la porte à un réchauffement des relations franco-russes, tout en jouant la prudence. C’est une inflexion assez claire», analyse-t-il pour Sputnik.

Cité par Kommersant, Henri Verdier assure que sa visite en Russie fait suite aux récents échanges qui ont lieu entre les chefs d’État des deux pays:

«Ma visite fait suite aux accords conclus par les Présidents Emmanuel Macron et Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg en 2018 et Brégançon en août dernier, sur la nécessité d’intensifier le dialogue dans tous les domaines et en particulier la cybersphère. Il y a toujours des divergences et des différences entre nous sur un certain nombre de questions, et nous le reconnaissons. Mais en même temps, nous pensons que nous devons mieux nous comprendre et établir des canaux de communication, de coordination et d’intervention rapide.»

Le MAE russe assure qu’une «entente» a été conclue à la suite des échanges franco-russes afin de poursuivre «un dialogue bilatéral» concernant «sécurité internationale en matière d’utilisation des TIC». Une décision qui «contribuerait au règlement rapide des défis dans le domaine d’utilisation des TIC, notamment lorsqu’il s’agit de réagir aux incidents informatiques».

«Au-delà de la traque de cybercriminels, cette collaboration pourra également poser les bases de futures collaborations en matière technologique entre la France et l’Europe d’un côté et la Russie de l’autre», explique Yannick Harrel.

Andreï Kroutskikh, à la tête de la délégation russe, a quant à lui déclaré à Kommersant que les consultations étaient axées «sur une perspective stratégique» et prévoyaient «des négociations multisectorielles entre les ministères avec un rapport au niveau politique».

Cette rencontre au sommet entre la France et la Russie a curieusement été snobée par la presse française. Même les comptes Twitter officiels de Henri Verdier et celui de l’«Ambassadeur numérique» n’en ont pas fait état.    

Reste que quand Kommersant a demandé à Henri Verdier si la France n’accusait pas la Russie de cyberattaques, ce dernier a répondu: «Oui.»

Que de chemin parcouru!

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