Immobilier: la majorité s’apprête-t-elle à réformer le droit de propriété?

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Paris - Sputnik Afrique
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Un projet de loi porté par un député de la majorité prévoit une série de mesures visant à réformer le droit de propriété en France. L’une d’elles consiste à généraliser le mécanisme de dissociation foncier-bâti de la loi Alur. Une mesure sensible, dans un pays où le droit de propriété est historiquement et constitutionnellement sacré.

Le droit de propriété tel que nous le connaissons est-il sur le point de connaître une révolution? Mi-octobre, le député Modem Jean-Luc Lagleize a déposé un projet de loi «visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français» sur la base d’un rapport sur la maîtrise des coûts du foncier remis le 8 novembre au Premier ministre.

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Constatant que face à l’augmentation des prix fonciers et immobiliers «de nombreux ménages à revenus modestes ou moyens ne parviennent pas à réaliser leur souhait d’accéder à la propriété ou dans des conditions d’endettement ou de localisation peu satisfaisantes», l’ambition affichée du député n’est ni plus ni moins que de «stopper définitivement la spéculation foncière» en généralisant le dispositif bail réel solidaire (BRS) créé par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur ou Duflot II.

«Actuellement, tout le processus de l’acte de construire pousse à construire toujours plus cher; les particuliers veulent réaliser une plus-value lors de la cession de leurs biens profitant des investissements réalisés par la commune et même les pouvoirs publics participent de cette spirale délétère via le mécanisme d’enchères publiques sur leurs biens fonciers et immobiliers afin de les attribuer au plus offrant,» estime le député de la majorité.

Le bail réel solidaire consiste en un bail de longue durée, de 18 à 99 ans, octroyé sous conditions de ressources à des ménages par les organismes de foncier solidaire (OFS) à but non lucratif, fonctionnant sur la base d’une dissociation entre le foncier et le bâti. Dans les faits, les OFS achètent des terrains à bâtir, les acquéreurs des logements alors construits sur ces terrains ne seront propriétaires que des murs, le sol restant la propriété de l’OFS.

Une dissociation qui fait par conséquent baisser les prix d’achat, mais impose aux ménages de reverser une «redevance» à l’organisme foncier. L’accès à ces logements étant réservé à des personnes aux revenus modestes, toute plus-value à la revente est par la suite strictement contrôlée par l’OFS. Et ceux qui en héritent lors d’une succession doivent également justifier de ressources sous les plafonds autorisés. Pour le député centriste, la généralisation d’un tel dispositif dissociant propriété du terrain de celle du bâti permettrait de «limiter l’augmentation» des prix de l’immobilier et enfin «permettre à chacun de pouvoir se loger librement».

En somme, Jean-Luc Lagleize propose la création d’un troisième droit de la propriété en France, au côté de la propriété pleine et entière, et de celle du démembrement entre nue-propriété et usufruit, comme il l’explique lors d’une interview accordée au site d'information des professionnels du BTP, Batiactu.

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Autres suggestions portées par le projet de loi: le recours plus large à la surélévation des immeubles, un allégement des contraintes que peuvent représenter les Plans locaux d’urbanisme (PLU) pour les maires, l’interdiction des enchères pour la cession des terrains détenus par l’État ou des collectivités territoriales, la création d’«offices fonciers, sur le modèle» des OFS, ainsi que d’«observatoires fonciers locaux». Obligatoires dans les zones tendues, ces derniers seraient notamment chargés de fixer les prix de vente maximum des logements neufs à construire, ou encore de favoriser «la transparence dans les opérations de vente des particuliers».

Passée relativement inaperçue dans les grands médias, cette initiative a toutefois attirée l’attention des médias spécialisés où elle ne fait pas l’unanimité. Le magazine Capital tire à boulet rouge sur cette initiative du député de la majorité issue des 50 propositions qu’il a faites à Edouard Philippe dans son rapport.

«Peut-on encore parler de propriété quand il s'agit de fait d'être locataire d'un terrain public et de détenir un droit d'usage dont le prix serait, de plus, encadré?», s’interroge le mensuel économique. Dans l’article, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC) est évoquée. En effet, ce document clef de la Révolution française érige par la force de la loi le droit de propriété comme l’un des quatre «droit naturels et imprescriptibles de l’homme», droit inscrit dans la Constitution française. Notre Code civil le défini ainsi: «Le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.» La proposition de loi du député Lagleize sera discutée au Palais Bourbon le 28 novembre.

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