«Une décision sans cœur et inhumaine»: au Québec, la réforme de l’immigration indigne

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Au Québec, le gouvernement Legault a lancé une réforme de l’immigration controversée. Après avoir décidé qu’il imposerait un «test de valeurs» aux immigrés, Québec a annoncé que certains étudiants et travailleurs étrangers n’obtiendraient pas leur titre de séjour permanent comme il était prévu. Compte rendu.

Premier cafouillage majeur du gouvernement Legault au Québec? C’est du moins le point de vue de plusieurs analystes dans la Belle Province.

Le gouvernement Legault a essuyé une pluie de critiques comme il n’en avait encore jamais connu après avoir annoncé qu’il modifierait le Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Véritable pilier de l’intégration au Québec, ce programme facilite l’obtention par les étudiants étrangers et travailleurs temporaires du titre de séjour permanent. La modification des critères de sélection fera en sorte d’écarter des dizaines de candidatures pour le Certificat de sélection du Québec.

«Le Programme de l’expérience québécoise a été modifié. [...] Les travailleurs étrangers temporaires devront notamment occuper un emploi figurant sur la liste des emplois en demande au Québec pour être admissible au programme. Ces modifications visent à assurer une meilleure adéquation avec les besoins du marché du travail du Québec», a fait savoir le très en vue ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, par voie de communiqué le 30 octobre dernier

L’annonce a créé une véritable onde de choc. De nombreux organismes liés au domaine de l’éducation et plusieurs partis d’opposition ont rapidement fait part de leur indignation. Parmi ces organismes, se trouvent notamment la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, selon laquelle «la décision du gouvernement Legault est symptomatique d’une vision biaisée de l’enseignement supérieur au Québec».

«C’est une décision sans cœur et inhumaine, qui brise des vies. Ces gens ont investi des milliers de dollars dans leur formation et du jour au lendemain on leur dit qu’on ne souhaite plus les avoir au Québec. Des jeunes qui se sont intégrés à la société québécoise, qui parlent français, qui travaillent ici et même qui ont fondé une famille. C’est une injustice et un manque de compassion», a quant à lui déclaré Monsef Derraji, porte-parole en immigration du principal parti d’opposition, le 5 novembre dernier.

Des organismes du milieu des affaires ont aussi vivement critiqué la décision du gouvernement de centre droit en place depuis le 18 octobre 2018. Parmi eux, la Fédération des chambres de commerce du Québec, qui s’est toujours opposée à toute complexification du processus de sélection des immigrés. Selon cet organisme, la pénurie de main-d’œuvre devrait plutôt inciter Québec à faciliter au maximum l’embauche de travailleurs étrangers.

«Nous avons été clairs et loquaces quant aux besoins des entreprises face à la pénurie de main-d’œuvre, dont les solutions comprennent un apport plus important de l’immigration», a déclaré Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Visiblement heurté par tant de réactions négatives, François Legault a déclaré que les organismes opposés à la réforme étaient motivés par leurs intérêts propres et non par l’intérêt général. Une déclaration qui a fait dire à plusieurs analystes que M. Legault –reconnu pour son calme et son pragmatisme– avait perdu son sang-froid pour la première fois de son mandat.

«Ma responsabilité, c’est de défendre les intérêts des Québécois, et les Québécois, actuellement, ils ont besoin d’infirmières, de gens en informatique, pour le bien du Québec. [...] Je ne travaille pas à tout prix pour augmenter la clientèle des cégeps et des universités, je travaille pour les Québécois», a laissé tomber François Legault le 7 novembre en conférence de presse.

La décision de revoir les critères de sélection a également été dénoncée au Canada anglais, réanimant une vieille rivalité entre Canadiens francophones et anglophones. L’éditorialiste Chris Selley du grand journal The National Post a laissé entendre que le Canada ferait mieux de se séparer du Québec que de le laisser continuer à brimer les droits des minorités culturelles. Une formule ironique moquant la présence d’un fort mouvement souverainiste au Québec.

«Actuellement, si le Québec persiste à agir comme il le fait envers les minorités et les étrangers, sa présence au sein du Canada représente un plus grand danger que son départ», a écrit M. Selley dans son article du 6 novembre. 

Devant autant d’adversité, le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a annoncé qu’il intégrerait une clause de droits acquis pour permettre aux étudiants étrangers et travailleurs temporaires faisant déjà partie du programme de le poursuivre normalement. Une nouvelle saluée par la plupart des détracteurs de la réforme, mais toujours jugée insuffisante par les mêmes personnalités et organisations.

C’est quelques jours seulement après avoir annoncé qu’il imposerait un «test de valeurs» aux immigrés que le gouvernement Legault a fait cette nouvelle annonce. En effet, Québec imposera désormais un examen de 20 questions aux nouveaux arrivants pour s’assurer de leur «compatibilité» avec le Québec. À partir du 1er janvier 2020, les candidats à l’immigration devront remplir en ligne une «attestation d’apprentissage des valeurs démocratiques et des valeurs québécoises».

 

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