«Le niveau en primaire décline de façon continue et catastrophique», selon Jean-Paul Brighelli

© AP Photo / Francois MoriJean-Michel Blanquer
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Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer s’est félicité des résultats des évaluations menées en CP et en CE1. D’après lui, elles présentent «des progrès significatifs». L’École à la française peut-elle réellement être source d’optimisme? L’enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli donne son avis à Sputnik.
«Les évaluations réalisées en cette rentrée [...] montrent des progrès significatifs sur les points clés: la fluidité de lecture et la capacité de calcul.»

Pourtant très critiquée, l’École française ne va pas si mal à en croire le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Dans un récent entretien au JDD, il se réjouit des résultats des évaluations nationales menées en CP et en CE1 en 2018. Elles visaient notamment à faire un état des lieux des facilités et difficultés des jeunes élèves.

​D’après les résultats rendus publics le 3 novembre, cinq des huit critères évalués en CP sont en progrès par rapport à 2018.

«Entre 2018 et 2019, le niveau des élèves de CP est resté stable», souligne le ministère qui note même une amélioration en compréhension des phrases mais un recul sur la reconnaissance des lettres.

Jean-Michel Blanquer s’est entre autres félicité du fait que des améliorations soient visibles dans des quartiers défavorisés classés REP+. Les classes de CP y ont été dédoublées afin de réduire le nombre d’élèves. La mesure a été introduite en 2007 et a été progressivement étendue au CE1. 300.000 élèves en bénéficient dans l’Hexagone.

Concernant les classes de CE1 évaluées, dix des treize critères retenus montrent des signes d’amélioration par rapport à l’année précédente. «Des progrès en français dans cinq domaines sur six», ont été enregistrés.

«Davantage d'élèves lisent de manière satisfaisante, soit au moins 30 mots par minute», fait valoir le ministère.

Le bilan est plus mitigé concernant les mathématiques. Si cinq domaines sur sept ont connu des progrès, près d’un élève de CE1 sur deux a toujours des difficultés à mener additions et soustractions.

Souvent cible des syndicats, le ministre de l’Éducation nationale a tenu à «féliciter» les professeurs. Il désire que dorénavant l’effort soit porté «sur l’école maternelle».

Ces évaluations démontrent-elles réellement la bonne santé de l’École à la française? Jean-Paul Brighelli, enseignant, essayiste et auteur du remarqué «La fabrique du crétin», brûlot contre l’Éducation nationale, a livré son analyse à Sputnik France.

Sputnik France: À écouter Jean-Michel Blanquer, ces évaluations sont très encourageantes. Quel crédit leur accordez-vous?

Jean-Paul Brighelli: «C’est un crédit statistique. Les évaluations disent que dans l’ensemble, les performances de ces élèves ont progressé de 1 à 5% dans la plupart des domaines. C’est très peu. Mais c’est un frémissement encourageant. Le commentaire du ministre est intéressant. Il dit que tout cela arrive grâce à sa politique, notamment de dédoublements de classes en CP etc.»

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Sputnik France: Selon vous, ce n’est pas le cas…

Jean-Paul Brighelli: «Primo, je ne crois pas à des effets mécaniques aussi rapides. Deuxièmement, si le ministre s’en était donné la peine, l’on n’assisterait pas à un frémissement mais à un sursaut véritable. Le problème reste qu’il n’a pas imposé aux professeurs des écoles des méthodes d’apprentissage de lecture, d’écriture et de calcul qui soient fonctionnelles. Il a laissé les instituteurs continuer à appliquer les méthodes aberrantes qu’ils ont appris à enseigner dans des établissements contrôlés par le secteur pédagogiques. Des établissements où on apprend n’importe quoi. Cela a pour conséquence d’assister à de légères améliorations techniques quand on pourrait voir le véritable effet de meilleurs apprentissages. D’ailleurs c’est ce que Blanquer a dit en substance. Il est très fort pour dire des choses en ayant l’air de parler d’autre chose. Par exemple, il a noté qu’il fallait mettre l’accent sur les grandes sections de maternelles. Parce que c’est là qu’on devrait apprendre à lire. Et qu’on devrait le faire avec une méthode alpha-syllabique de sorte que le CP ne deviendrait qu’un passage pour une mise au point. Quand on regarde les performances des élèves de CE1 telles que définies par le ministère, cela consiste en fait à arriver à faire une addition à la fin du CE1, et encore, pas de tête. Je renvois vos lecteurs qui ont un certain âge à se replonger dans leurs cours de CP et CE1 pour voir la différence. Dans les années 60, à la fin du CP, les élèves maîtrisaient à fond les quatre opérations de base. Aujourd’hui, la division s’apprend au CM2.»

Sputnik France: De nombreux observateurs assurent que le niveau en primaire décline depuis des décennies. Qu’en pensez-vous?

Jean-Paul Brighelli: «Le niveau en primaire décline de façon continue et catastrophique depuis le début des années 90. Ce n’est pas une question de budget ou de nombre d’élèves mais de pédagogie. On a abandonné des méthodes comme l’alpha-syllabique pour adopter des méthodes idéo-visuelles qui, globalement, commence par l’image etc. Cela a, je pense, été fait sciemment et a détruit les capacités cognitives des enfants. Je rappelle que Jean-Michel Blanquer a également communiqué concernant l’insertion des élèves handicapés. 80% des handicaps concernent des dyslexies, des dyscalculies, etc. Dans la grande majorité des cas, cela est provoqué par des mauvaises méthodes d’apprentissage. Il faut le dire! Il faut que les parents soient extrêmement attentifs et refusent des méthodes de lectures létales! Il faut que cela vienne des parents car le ministère n’arrive pas, à cause du poids des syndicats, à imposer véritablement les réformes nécessaires. Il faut que les parents disent aux instituteurs: "C’est comme ça qu’il faut apprendre car ce que vous faites c’est de la merde (sic)! Et je ne veux pas que mon enfant soit détruit comme ceux des trente dernières années." Il n’y a qu’à voir les résultats des adolescents qui écrivent à peu de choses près comme ils entendent.»

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Sputnik France: D’après l’Éducation nationale, des améliorations sont visibles dans des quartiers défavorisés classés REP+. Comment jugez-vous la politique d’éducation dans les quartiers difficiles?

Jean-Paul Brighelli: «Comme pour les 20 dernières années, c’est de la poudre aux yeux. Ce grand comique qu’était Alphonse Allais suggérait d’installer les villes à la campagne pour résoudre les problèmes urbains. La grande erreur a été de construire des ensembles scolaires au cœur des cités à problèmes. On ne pouvait pas faire de forteresse et évidemment ces problèmes sont entrés. Il fallait en quelques sortes dépayser tout le système scolaire et amener les enfants à se déplacer. D’ailleurs cela se fait très bien dans les familles dont les parents ont les moyens pour scolariser les enfants dans le privé, même si c’est loin d’être la panacée. À Marseille, vous avez des écoles primaires laissées par la ville dans un état d’abandon monstrueux avec des tirs à balles réelles à partir des immeubles voisins. C’était la plus mauvaise idée du monde de faire des établissements scolaires de proximité. Il fallait les éloigner. Je rappelle que les internats d’excellence, idée portée par Jean-Michel Blanquer lorsqu’il était recteur, ont été localisés très loin des quartiers difficiles, parfois dans des anciennes casernes au milieu de campagnes isolées. En un an ou deux, des enfants qui venaient de milieux très défavorisés redevenaient les élèves normaux qu’ils étaient au fond. Il faut absolument décontextualiser quitte à parfois dissocier l’enfant de sa famille. Je passe pour un monstre à chaque fois que je dis cela mais il est évident que les instituteurs font ce qu’ils peuvent et chaque soir, certains enfants redescendent de l’estrade sur laquelle on a essayé de les faire monter car ils se retrouvent dans un milieu qui est soit analphabète, parle une autre langue, etc. Si on veut véritablement que l’école serve à intégrer au lieu de n’être que de la poudre aux yeux, il faut que ces enfants soient pris en charge par des institutions qui ne sont pas prisonnières de ces quartiers.»

Sputnik France: Nous sommes en pleine polémique sur le voile et la défense de laïcité. Est-ce que la radicalisation vers un islam non compatible avec les valeurs de la République est un phénomène qui touche les enfants dès le primaire? Si oui, que faut-il faire pour lutter contre?

Jean-Paul Brighelli: «Vous n’avez qu’à voir au primaire le nombre d’enfants qui refusent de tenir la main d’une fillette. Elle a six ans mais est supposée impure! C’est pour vous dire à quel point cette idéologie est entrée dans des cervelles enfantines. Même chose concernant le ramadan avec des gosses qui obligent des non musulmans à respecter le jeûne ou encore certains enfants qui refusent d’entendre parler de ceci ou de cela. Il faut bien comprendre que les hostilités sont déclarées, et depuis plusieurs années. Je rappelle que l’excellent livre "Les territoires perdus de la République" est sorti en 2002. Il parlait de territoires qui avaient été conquis. Et bien il faut les reconquérir et très sérieusement. Je n’ai rien contre l’idée d’immigration mais la contrainte, et c’est la contrainte française par excellence, est de s’assimiler. L’immigré doit s’intégrer, il doit devenir Français. S’il y a quelque chose en lui qui l’en empêche, qu’il reparte.»

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