Débat sur l’immigration: «C’est un écran de fumée», selon Michel Larive, député France insoumise

© AFP 2023 Raul ArboledaВенесуэльские мигранты лезут в грузовик на дороге из Кукуты в Памплону, Колумбия
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Le pavé de l’immigration jeté par le gouvernement dans la marre médiatique n’a pas manqué de faire réagir les politiques de tous bords. Sputnik France a tendu le micro à Michel Larive, député de la France insoumise, pour mieux comprendre la position de son parti et en connaître les propositions politiques.

En France, il y a des questions qui déchaînent les passions. Et l’immigration en est peut-être le meilleur exemple. Suite à la décision d’Emmanuel Macron de mettre le débat sur la table, les réactions des différents bords politiques fusent, d’un extrême à l’autre.

Pourtant, lorsque le Premier ministre a introduit les termes du débat lundi 7 octobre à l’Assemblée nationale, il s’est adonné à un numéro d’équilibriste, allant chercher «en même temps» des solutions un peu à gauche et un peu à droite. Edouard Philippe a mis en avant des solutions susceptibles de satisfaire tous les camps politiques ou, du moins, de ne pas les irriter. Pour ce faire, il a cité un discours de Michel Rocard datant de 1990, illustrant la cristallisation du débat:

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«D’un côté, tellement majoritaire qu’il n’est pas assez vigilant, un patriotisme ouvert, fondé sur la conviction que la France n’était elle-même que lorsqu’elle assumait pleinement son message universaliste […]. De l’autre côté, un nationalisme étroit et fermé, obsédé par l’image du déclin, faisant inévitablement de l’autre, particulièrement de l’étranger, le bouc émissaire des incertitudes du présent», cite Edouard Philippe le 7 octobre devant l’Assemblée nationale.

Une citation qui a cette qualité de représenter les différentes tendances présentes dans l’hémicycle. Et c’est sur la première partie de la citation que nous portons notre attention car, concernant la deuxième, les députés LREM sont globalement d’accord avec la majorité. Cependant, ils réclament désormais des actes tangibles, voire un référendum et un durcissement du vocabulaire employé pour les plus radicaux d’entre eux.

De ce fait, dans un discours remarqué à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé la réintroduction du débat dans l’espace public. Pour lui, cette discussion a pour unique vocation de communiquer en vue des différentes échéances électorales à venir, au risque de polariser un espace public déjà largement fracturé selon lui:

«Vous avez décidé délibérément d’injecter une dose de poison, de méfiance, et de discorde dans les veines du pays», a-t-il lancé à la tribune de l’Assemblée nationale.

Pour l’opposition, quelles réponses apporter face à cette thématique imposée par le gouvernement? Sputnik France a posé la question à Michel Larive, élu de la France insoumise, député dans la 2e circonscription de l'Ariège. Entretien.

Sputnik France: Êtes-vous alignés sur les positions de votre chef de groupe?

Michel Larive: Absolument. Jean-Luc Mélenchon a parlé des causes de la migration et de l’accueil, et je souscris pleinement à son discours.

Sputnik France: Pensez-vous qu’il s’agisse uniquement d’une stratégie de communication électorale?

Michel Larive : Oui, indéniablement. L’idée, c’est de pouvoir faire de la politique française quelque chose de bipolaire entre le Rassemblement national et ceux qui pourraient les arrêter… La République en marche. C’est une stratégie qui peut réserver d’énormes surprises, c’est-à-dire installer le Rassemblement national au pouvoir ou, pour LREM, montrer qu’ils ne sont pas l’alternative et que nous, la France insoumise, pouvons l’être. Emmanuel Macron et Edouard Philippe jouent un jeu dangereux et emploient une sémantique qui était, jusque-là, réservé à l’extrême droite, et c’est grave que, pour des motivations électorales, on en soit là.

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Sputnik France: Pourtant, si vous vous baladez dans la rue et que vous interrogez les français, beaucoup se préoccupent du sujet de l’immigration…

Michel Larive: Peut-être, enfin, c’est vous qui le dîtes… Personnellement, je ne crois pas que ce soit un sujet majeur pour les Français. La première chose qui les concerne, c’est qu’ils puissent vivre dignement, donc avoir un travail et finir leur fin de mois. L’immigration, c’est une question que Macron impose au débat politique et que les médias relaient et donc les Français en parlent.

Sputnik France: Donc vous ne considérez pas qu’il y ait de problèmes liés à l’immigration en France?

Michel Larive: À titre personnel, je considère que c’est un atout pour les pays occidentaux quand on fait le bilan. Regardez l’Allemagne, s’il n’y a pas d’immigration, elle n’a pas assez de main d’œuvre. Ensuite, c’est seulement 17% des migrants qui arrivent en Europe. La plus grosse partie des migrations n’arrive pas jusqu’à nos frontières.

Il faut aussi comprendre que la migration n’est jamais un plaisir, c’est fondamental à comprendre. Le migrant qui quitte son pays est déchiré de quitter sa famille, sa patrie, donc face à cela, nous n’avons qu’un seul devoir: l’accueil. D’ailleurs, en France, la plupart des familles quand on remonte à X génération sont issues de l’immigration. De plus, c’est une immense richesse par sa mixité culturelle. Quand j’entends parler de quotas, je suis bouche bée. On fait des quotas laitiers, pas des quotas humains… Parler de quotas c’est utiliser du vocabulaire d’extrême droite…

Sputnik France: Pour vous, parler de quotas c’est être en rupture avec la culture humaniste de la République?

Michel Larive: Exactement! Pour nous, la République est encore sur le droit du sol et il ne peut pas en être autrement.

Sputnik France: Considérez-vous donc que le sujet de l’immigration est un non-sujet?

Michel Larive: Clairement. C’est un écran de fumée. Pendant que vous parlez de ça, vous ne parlez pas d’autres sujets, comme la pollution de Lubrizol par exemple. Il y a des gens qui se font intoxiquer et ils ne savent même pas par quoi…

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Ce débat, c’est de la démagogie à l’état pur. La souffrance des Français ne vient pas des immigrés, elle est ailleurs. Commençons par répartir équitablement les richesses, commençons par remettre en question le CICE et la suppression de l’ISF, remettons en circulation cet argent dans les circuits de l’économie réelle et les services publics et vous verrez que les questions d’immigrations seront beaucoup moins mis en avant.

Sputnik France: Le gouvernement a pourtant suggéré de traiter les causes des départs en augmentant le budget de l’aide au développement? Est-ce aussi juste cosmétique?

Michel Larive: Oui, bien entendu. Vous pouvez augmenter l’aide au développement, mais lorsque vous regardez la nature des traités commerciaux que nous, occidentaux, avons avec les pays d’où ils proviennent, cela signifie pour eux, le départ de leur population. Lorsque vous signez des traités inéquitables, qui profitent à une minorité, que fait la majorité? Elle s’en va. À cela, vous ajouter les guerres dans certaines régions, et on comprend tout de suite pourquoi des familles partent. Ma famille est descendue du nord de la France en 1914, puis en 1945 pour éviter les bombes. Quand il y a une guerre, les gens ne restent pas sous les bombes, et ça, c’est complètement logique. C’est la nature humaine d’aller chercher ailleurs une vie meilleure pour soi et sa famille.

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